The Creatures › Feast

Il s’éveilla lentement, les cheveux poisseux de sable et de sel, tandis que les vagues lui léchaient les pieds. Combien de temps avait-il dormi ? Il ne s’en souvenait pas. Des débris épars lui rappelèrent la tempête, le naufrage. Il avait donc survécu. Mais où se trouvait-il donc ? Chancelant, il se mit debout. De la forêt de palmiers au bout de la plage venaient de lui parvenir des échos d’un chant féminin incantatoire. Repoussant les lianes, les fougères, il s’approcha d’une clairière. Un homme blond, vêtu d’un pagne, se tenait derrière un ensemble de percussions face à ce qui ressemblait à une prêtresse. Les yeux charbonneux, vêtue d’une robe cérémonielle et d’une étrange coiffure aux couleurs vives, elle fredonnait, les yeux clos, une mélodie magnifique et triste, le regard tourné vers le ciel. Vous y êtes ? C’est ainsi qu’il faut entrer dans ce festin chatoyant, exotique, moite, qu'est ‘Feast’, le meilleur album des Creatures à mon goût. Enregistré à Hawaii, il synthétise à merveille l’essence de l’identité de base de ce projet. On me reprochera avec raison que c’est justement le disque le moins détaché des Banshees. Exact, c’est pourquoi je l’adore. Il reprend le côté torve, mystique et foisonnant de ‘A kiss in a dreamhouse’ et ‘Hyaena’ et l’examine sous un angle neuf, en l’occurrence celui du folklore des Iles. Il porte bien son titre. Les deux premiers morceaux sont calmes, recueillis, épurés, axés sur divers bruits de nature (jungle, plage), de discrètes percussions, le chant; ils constituent la mise en bouche, le moment de préparation au festin. C’est avec ‘Icehouse’ que les choses démarrent vraiment avec un jeu de percussions dynamique et magistral. Tout au long du disque, Budgie va se révéler un musicien exceptionnel, s’appropriant les divers éléments percussifs pour les marteler, tisser une toile de fond pour permettre à la voix de la prêtresse Siouxsie de s’évader, s’élever. Les mélodies, réduites à leur essence soulignent la beauté et l’efficacité du chant qui enchaîne les merveilles (‘Dancing on glass’, Gecko’, Miss the girl’…) et sur certaines chansons telles que ‘Sky train’, les percussions sont si endiablées qu’on pourrait en perdre la tête et se laisser aller à une transe fiévreuse dans la danse. Remasterisé pour être inclus dans son intégralité sur la compilation ‘A bestiary of ‘, il constitue mon essai préféré du duo. Un véritable voyage musical et spirituel.