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Ofield › Liwat

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Field recordings enregistré dans une grotte à Vallon-Pont-D’arc, Ardèche, France.

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Agathe Max (field recordings, montage, mixage)

chronique

On n’y va jamais "pour rien". N’importe où, je veux dire… Enfin, au contraire : partout où l’on veut que ce soit quelque part. Que ce soit quelque chose. "Pas pour le plaisir de voyager [...] ; nous sommes cons, mais pas à ce point", disait l’un. On ne partirait pas vers ces stations transitoires, plus ou moins – on n’y resterait pas un temps ou l’autre, alors – si l’on pensait ne rien y trouver. Rien y… Inventer ? Parfois on s’abstiendra d’expliciter la nuance. On le sait bien, que c’est multiple, pas simple, plein de plans et de mouvements qui se chevauchent, s’imbriquent, créent entre eux des distances, font espaces, intervalles, tuilages. D’une manière ou d’une autre, on fixera le souvenir et plus que lui – une trace, un objet, une forme qui se passera aux sens. Aux nôtres-propres, aux proches, à d’autres qui auront eu vent, ça ou là.

Agathe Max, cette fois, est descendue sous terre. Plus bas que la surface, en tout cas, ou derrière. Dans une grotte ardéchoise. Avec des outils, des témoins pour le son. Des micros – quelques-uns ? Une pléthore ? Une machine enregistreuse, au moins – à bandes ? À carte-mémoire ? Multipiste ou simple stéréo ? Rien ne nous est précisé des paramètres techniques, des marques et modèles… Cela n’importe guère, d’ailleurs, ces listes. Agathe Max, disais-je, est restée quelques temps – sans doute silencieuse elle-même ; en tout cas, n’émettant aucun son qu’on puisse, sur ce qui s’entend là, identifier sûrement comme d’origine humaine – parmi ces concrétions. Stalagmites, stalactites. Colonnes, coulées minéralisées. De l’eau qui – circulant, fuyant, courant, glissant… – a pris forme, fait de ses trajets des volumes solides. Des instants s’étirant : secondes lentes, années passées, siècles, millénaires traversés de catastrophes géologiques, de bouleversements, pendant qu’au dehors naissaient, grandissaient, trépassaient des êtres qui édifiaient des abris puis des villes, qui peignaient, disaient ; ou bondissait sur deux paires de pattes d’une roche à l’autre. De temps en temps, l’un d’eux, ou un groupe de ceux-là, visitaient l’anfractuosité. Et l’onde se froissait de ridules, où elle faisait surface, étale. Et les coulures sédimenteuses continuaient de grandir… Elle en a ramené des échos, des plics, des plocs… Tout une gamme de timbres – non tempérés, accordés à ces longueurs en infinis mouvements, croissances calcaires et érosions. Elle en a remonté des rythmes. "Elle" : Agathe, bien-sûr, pas l’eau ! Ni la grotte. Quoique… Nous éviterons cette fois, disais-je, de déterminer trop crânement, avec d’excessives certitudes, qui ou quoi aura fait ça ou ci, ce qui aura le plus travaillé l’autre.

De toute évidence, Liwat procède d’un travail de montage, d’un jeu de perspectives remises, de matériaux ré-agencés, cyclés, coupés, l’écoute concentrée sur des zones et détails, fréquences modelées. Les techniques habituelles de la chose acousmatique. Pratiquée hors-école, ici. Avec ou sans plan préalable, je ne sais pas… L’idée précise et vive, sûrement, en tout cas. Et cette courte piste – ce fichier encodé de sept minutes et quelques –, tout comme le plus long Ineral, mis en circulation en même temps, ne fixe rien. Il est fait pour sonner de mille manières en mille lieux. On peut – sans aucun doute ; si l’on y tient – "apprendre" cette séquence, mémoriser les sons, leurs successions. Cela ne les arrêtera pas. Ils resteront inexpliqués. C’est la beauté de la chose. Entendus dans le ventre d’une péniche à la surface d’une rivière – encore de l’eau, oui ; mais ô combien différentes les vitesses, les masses… – les pièces d’Ofield m’avaient, le temps durant, fait sentir cet espace encavé où la musicienne avait pris des matériaux, ce laps normalement imperceptible en son courant, à notre échelle humaine, où s'étaient forées les galeries. Je n’ai pas tenté de croire que l’agencement avait figé la source, qu’il m’en avait donné une immuable image.

Le son a ceci de beau qu’une fois émis puis parti, il ne meurt pas. À mon sens, aussi (mais pour d’autres, peut-être, il en ira de même, et davantage, pour d’autres canevas, arrangements, couleurs, parfums… architectures, même ?) les sons, en passant, s’impriment – et ces impressions, plus que toutes autres, continuent, tout de suite, de se transformer dans les plis et aux étendues planes, aux voies resserrées ou dilatantes de la mémoire. Et puis la fois d’après, on les retrouvera, reconnaissables et pas élucidés. Bien-sûr, Liwat est une sorte d’ouvrage. Il ne donne pas à entendre une "nature telle quelle" – ceci, d’ailleurs, n’est pas possible ou bien si peu. Nous sommes ailleurs, pourtant, ici, que dans l’illusion d’une "simple" description. Elle n’en est pas revenue sans rien, Agathe. Il n’est pas nécessaire, absolument, catégoriquement, de nommer ce qu’elle en a ramené, ce qu’elle nous en passe. On se rappellera ces deux syllabes – Liwat – surtout pour retrouver plus facilement l’endroit où elles nous mènent ; afin que la fois d’après, l’envie ou autre chose nous y appelant, on puisse retourner à ce présent souvenu autrement restitué.

note       Publiée le mercredi 17 février 2016

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