Gnaw Their Tongues. Le titre, juste le titre du groupe et la pochette de cette anthologie me font mal à l’aine, désolé. On a beau tomber au plus profond du dégoût, y en a toujours qui reste au fond du chaudron ! Je savais que j’en avais besoin, parce que, des fois, on a envie de se prendre quelque chose de glauque dans le gosier et dernièrement je me mangeais un peu les dents dans le domaine métallique ayant aussi, faut l’avouer, un goût pour les choses psychédéliques un peu moins infernales que cet objet. Bon, vu le nombre de chroniques de musique atroce, misogyne, misanthrope ou ultra-violente que vous pouvez lire sur ce site j’imagine que certains se diront : "ben il est bien vert lui, il poste sur guts et se fait traumatiser par la première tentacule interne velue pleine de vers et de piques et d’atrocités venues, ou le dernier gonzo crado trouvé" . Encore une fois, désolé, mais oui. Ce recueil d’EPs, de bouts de compilations et d'un inédit me fout les jetons. J’avais déjà tâté du Gnaw Their Tongues dans un moment luciférien, que je bouffais du Blut aus Nord au petit déj toutes les quatre heures en faisant des triangles avec les doigts dans le noir de ma cave maudite mais ce groupe me tétanisa un peu trop ce qui fait que ce qui devait arriver n’arriva pas et je ne pris pas la claque qu’il fallut. Aujourd’hui, c’est fini, aujourd’hui j’ai décidé d’acheter un tas de disques de ce (mono)groupe parce que c’est de l’essence de seiche ultra fine. Je parlais de Blut aus Nord, mais vous pouvez prendre d’autres groupes de black metal un peu industriel, un peu ambient, un peu électronique, et vous les purgez de tout ce qui peut vous accrocher à une chanson à siffloter sous la douche car vous irez plutôt aux gogues, les tripes se tordront, la gorge grattera et les épaules se monteront toutes seules, crispées, votre dos se bloquera, y aura possibilité de poser un jour de congés demain, voire aller consulter votre généraliste pour en avoir des plus jolis payés par la sécu. Trompettes à la Moynihan possédé par un Nietzsche zombifié, voix pleine d'échos, samples ne parlant que de souffrance, de mort et de meurtre et de blessures, basse entubée par des flots d’excréments et de lingots d’or, saturation fine (ça se dit !) travaillé comme une dentelle du Puy, une lentille du Puy, voire comme une saucisse de Morteau, talent à rendre organique des bruits de ferraille, grosse fessée sur le popotin neuronal, ambiance BDSM dégueulasse, vomi éructé par un activiste dérangeant sachant parfois aller dans des terres métalliques black ou doom plus accessibles pour vous refoutre le nez dans un vortex carnivore d'un démentiel… voilà presque tout, pour résumer cette collection d'atrocités, je crois, et c'est ce qui fait la qualité du travail du dit Mories, l'épluchage de ce son étant bien complexe, long, labyrinthique. Punitive, criarde, blindée de bonnes idées, dominatrice, orchestrale et foutrement bien produite, cette anthologie peut faire l’objet d’une bonne entrée contondante dans l’univers bariolé de merde du créateur de cette entité, au début seul projet studio, faisant maintenant concerts - je n’imagine pas le résultat… pour ma part, elle me donne bien envie de me faire mal, il y a juste à lire les intitulés des morceaux et vous aurez un bon aperçu de qui vous attend donc je ferai pareil pour les prochaines acquisitions, c’est pratique mais un peu effrayant aussi de programmer comme cela le degré prévu de terreur et de dégoût à moitié refoulé. Moralité ? Pas de morale, et l’impression que les vaches ou les moutons sont vraiment de bonnes pâtes quand on se regarde dans le miroir - ces deux cds nous rappelant comme un joyeux troll qu’il ne faut absolument pas croire ce que certains humanistes progressistes disent : l’homme n’a pas évolué DU TOUT alors que le monde environnant s’est plié à ses caprices castrateurs. Merci Mories pour ce rappel - et merci chers lectricezélecteurs, la suite bientôt, le temps de me remettre de ce trauma.