Integrity › The Blackest Curse

Avant-dernier album d'Integrity. Les expérimentations de ce groupe hardcore ont culminé sur un "Closure" assez post-punk - Closure/Closer ? - alliant électronique et clins d’œil dans mes oreilles aux vieux Killing Joke, à Death in June et bien sûr aussi aux Misfits ; s'en suivit un retour à une moulinade ultra-métallique ("To Die For"), et puis une grosse pause jusqu'à cette abomination chroniquée aujourd'hui, laquelle fut l'accomplissement de sept années passées à sortir compilations splits et singles, après une installation en Belgique et une fixette maintenant récurrente sur Charles Manson, la secte du Process et ses rejetons - je vous laisse lire les bons bouquins de chez Adam Parfrey pour vous faire une idée sur ces drôles du gusses dont on retrouvera aussi l'aura chez Psychic TV, Current 93, et tutti quanti... enfin, je ne suis pas là pour refaire une histoire socio-religieuse des marges de 1967 à nos jours, je suis juste venu vous dire qu'avec cet album je m'en vais vraiment au fond de la poisse grâce à des riffs qui sortent toujours du carcan hardcore pour lorgner vers le thrash et le black, la folk apocalyptique et une espèce de dark ambient rituelle version metal de plus en plus nihiliste. Au programme vous avez donc ici la dernière collaboration de Dwid Hellion avec les frangins Jochum avant de travailler exclusivement avec Rob Orr, une introspection de plus en plus sombre de notre bonhomme qui va s'exprimer aussi en vidéos et illustrations. Qu'est-ce qui différencie cet album du reste de la discographie d'Integrity ? Eh bien un mix intelligent entre sombritude propre aux scènes post-punk / goth / noise / dark ambient... mais tout en gardant une grosse papatte metalcore, tout en ne restant pas contenu dans ces mêmes papattes velues contrairement à la bourrinade très épaisse que fut "To Die For". Sur "The Blackest Curse" Dwid laisse en effet plus de temps pour extraire tous ses démons et les coller dans vos oreilles de openminded metalhead / hardcore guy (ou lucette), et ça fait du bien à nos terreurs internes car là on creuse bien plus profondément que d'habitude, un peu comme lorsqu'on écoute Coil ou un album de Boyd Rice, même si Dwid restera un héritier de ces drôles d'artistes plutôt qu'un co-constructeur du truc, même si on le retrouvera aux côtés de Boyd Rice pour l'Étrange Festival, même si les liens sont déjà établis, cf. la revue "Blood Book", cf. aussi la chronique du split avec les "Kids of Widney High". The Blackest Curse reste donc un album de metal/hardcore, écrit par un pilier du genre, ce qui lui a donné droit d'élargir profondément le spectre d'une scène déjà bien métissée au moment où de nombreuses personnes ressentent un besoin de se coltiner dans une même tribu, avec les mêmes codes et les mêmes habitudes. Ce qui saute aux yeux de cette carrière-ci c'est plutôt l'extirpation de ces habitudes, tout en creusant en soi pour enfin trouver une réponse ou une synthèse de toutes ces peurs et de cette haine - incision, extraction, mastication, tactique de terreur et de panique, vomi sur l'auditoire. Un très bon album de musique sombre et expérimentale en somme.