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Compilations - Bandes originales de films › Crossing the Bridge

cd • 18 titres • 71:52 min

  • 1Sertab Erener - Music05:14 [reprise de Madonna]
  • 2BaBa ZuLa - Tavus Havası05:23
  • 3Orient Expression - İstanbul 1:26 A.M.06:32
  • 4Duman - İstanbul01:36
  • 5Replikas - Şahar Dağı07:04
  • 6Ceza - Holocaust03:25
  • 7Mercan Dede - Ab-ı Hayat03:43
  • 8Selim Sesler - Kurdili Hicazkar Longa04:55
  • 9The Wedding Song System - Wedding Song02:01
  • 10Selim Sesler & Brenna MacCrimmon- Penceresi Yola Karşı02:50
  • 11Siya Siyabend - Hayyam02:46
  • 12Nür Ceylan - Boÿle Olur Mu01:31 [reprise de Neşet Ertaş]
  • 13Aynur Doğan - Ehmedo05:22
  • 14Ohran Gencebay- Hatasız Kul Olmaz05:21
  • 15Müzeyyen Senar - Haydar Haydar01:16
  • 16Sezen Aksu - İstanbul Hatırası04:34
  • 17BaBa ZuLa - Cecom04:31
  • 18Sertab Erener - Music [Radyo Versyonu]03:48 [reprise de Madonna]

informations

Pour DÇ

line up

Aynur, BaBa ZuLa, Brenna MacCrimmon, Mercan Dede, Orient Expressions, Replikas, Selim Sesler, Sertab Erener, Duman, Ceza, The Wedding Song System, Siya Siyabend, Nür Ceylan, Ohran Gencebay, Müzeyyen Senar, Sezen Aksu

Musiciens additionnels : Alexander Hacke (basse 2, 17, guitare 16)

chronique

J'avais rêvé d'Istanbul. Je n'ai plus pour moi que des souvenirs et la poésie de Sait Faik Abasıyanık. Et encore, qu'aurais-je vraiment vu de cette ville ? Quelques quartiers, quelques bars, quelques bords de mer. Un appartement du côté de Göztepe. C'était suffisant. Surtout ne pas y aller en touriste. Mais en revenir en larmes. Quand j'avais, naguère, entendu cette chanson de Sezen Aksu, papesse pop au bord du Bosphore, "Souvenirs d'Istanbul", sa tristesse m'avait frappé de loin. Sans comprendre la mélancolie profonde liée à la ville et sa dévastation, l’hüzün comme on dit. Sans trop bien savoir pourquoi, j'avais toujours été attiré par Istanbul. Prémonition peut-être. Comme j'ai toujours aimé le cinéma de Fatih Akın, réalisateur allemand d'origine turque, suivant dans la ville les déambulations musicales d'Alexander Hacke, d'Einsturzende Neubaten (un de ces groupes qu'elle aime tant, justement). Pris entre Orient et Occident. C'est un cliché, mais là-bas tout est entre-deux, à cause du Bosphore. Il suffit de passer le pont. Ce fameux pont devenu un symbole, un lieu de passage, d'embouteillages et de lutte, quand des manifestants se dirigeant de la rive orientale vers Taksim se pressaient sur l’immense structure, fi de la répression. Traversé de nuit, sous une pluie battante, dans l'impatience de retrouvailles. Puis de jour, dans l'autre sens, hélas. La vue sur Istanbul y est magnifique. Hacke, sur le Bosphore, jamme avec BaBa ZuLa, le groupe folk-rock psychédélique parfois teinté de dub de Murat Ertel, dans la ligné de sa précédente formation ZeN. Quant il débarque au Peyote pour y rencontrer les fascinants Replikas (un de ses groupes préférés) et leur krautrock noisy aux grognements sauvages, l'ombre tutélaire du grand Erkin Koray se fait ressentir. Ah, le Peyote, sa terrasse couverte, son dancefloor miniature au sous-sol et sa petite salle de concert où… Une fille rock avant tout, disait-elle. Du coup, moins sensible aux mélanges traditionnel/nu-jazz de Orient Expressions, pourtant parfait pour ce bar d'hôtel un peu chic où la bière se tire directement d'un saxo, avec vue sur la rive orientale. Car Istanbul est une ville où se côtoient aussi bien la fille en minijupe que les cinq prières par jour. Mais la fille en minijupe se fait bousculer dans la rue, parfois. D'un coup d'épaule qui lui signifie brutalement, salement, qu'elle n'a pas le droit à son autonomie. Ni même à s'amuser, à jouir de la vie. La rue reste dangereuse comme en témoigne les chansons du collectif Siyasiyabend, collées au ciment, interprétées uniquement dans ces espaces ouverts pourris par la misère et la drogue. Alors à l'abri dans les bars, la jeunesse écoute aussi bien du rock importé directement de chez nous, je veux dire du chez nous colonisé par l'anglocentrisme, on y chante aussi comme Eddie Vedder mais c'est pas Seattle, c'est Istanbul, c'est Beyoğlu. La jeunesse a encore le droit d'y écouter ce qu'elle veut, l'électro-pop en reprise de Madonna de Sertab Erener ou le hip-hop ultra-speedé d'un Ceza qui flingue les MC's comme un holocauste. Tiens, des mots qui pèsent lourd là-bas. Y a des soucis, des problèmes non résolus. Les Kurdes, par exemple, elle en pense quoi ? ("elle nous saoule avec sa tristesse, on a compris, oh la la"). Pourtant elle chante divinement cette Aynur Doğan, une complainte kurde d'une pureté totale, enregistrée dans un hammam à l'acoustique enveloppante. La perte d'un amour, la perte d'un pays. C'est possible, d'un coup d'un seul. Mais pas encore. Dans un bus, de retour vers "la maison", étrange sensation alors qu'un appel à la prière résonne et que des néons flanchent à travers la pluie, d'être dans la ville de Blade Runner, avec son orientalisme un peu futuriste à l'image des mélodies ivres de Mercan Dede, à la fois DJ et joueur de ney dans la tradition soufie, se risquant ainsi à être taxé soit de trop traditionnel soit de trop en surface dans sa façon d'y mêler une électro planante. Mais Hacke ne fait pas de jugement, il prend le même plaisir à enregistrer ce familier des grands festivals qu'à capter un bruyant orchestre de mariage dans une ville de province peuplée de gitans. (je ne verrai finalement pas de mariage turc, dont elle avait évoqué les coutumes avec amusement. "Un jour, je t'emmènerai dans un mariage turc" avait-elle dit, avant). Les gitans, Selim Sesler connaissait ça, lui et sa clarinette balkanique, pour faire danser et danser encore. Et parfois aussi, accompagner de vieilles chansons reprises par une expatriée, la canadienne Brenna MacCrimmon ayant fait de cette culture d'ailleurs sa propre richesse. On la retrouve également aux côtés de BaBa ZuLa à la toute fin, sur le Bosphore à nouveau, pour le sublime "Cecom", flottante d'une mélancolie grave et d'autant plus belle. Le bonheur et la tristesse dans un même chant. Cette traversée, je l'avais aimé le temps d'un trajet en vapur, une tête blonde et bouclée posée sur mes genous, pour y retrouver sur la rive orientale un quartier paradoxalement plus européen, plus chic, au-delà des bars branchés de Kadıköy. C'est que rien n'obéit aux clichés qu'on s'en fait à Istanbul. Ne surtout pas confondre la musique classique turque, comme l'interprète l'ancienne Müzeyyen Senar, et l'arabesque influencée par la culture musulmane (elle déteste l'arabesque, une aberration kitsch bien pire que la turkish pop) et dont la star à la moustache de Lee Van Clef, Ohran Gencebay, ne se réclame pas. En virtuose du saz, il accepte de se faire enregistrer en live par Hacke, fait rarissime dans la carrière du musicien/acteur/reformateur de la tradition, pour un morceau aux cassures instrumentales contrôlées. Mais aujourd'hui c'est tout de même ce "İstanbul Hatırası" qui me bouleverse vraiment, avec Hacke à la guitare, une version dépouillée qui laisse toute la place à l'émotion de Sezen Aksu. Feinte ("oh, elle se fait de l'argent en déprimant tout le monde, ah ah") ? Aucune idée. Pas la mienne en tout cas. "Ah bu ne sevgi bu ne ıstırap". Je comprends bien aujourd'hui. Après avoir repassé le pont, trajet interminable vers le noeud de la ville, cette place immense d'où partent les bus vers l'aéroport. Je crois que j'ai haï Taksim. Pour des raisons bien frivoles, alors que là-même la répression avait fait ses oeuvres dans le sang. On a les tragédies qu'on peut. Comme disait Zappa, "Broken hearts are for assholes."

note       Publiée le samedi 4 juillet 2015

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    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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    Produite par Turgay Ayaydinli, du groupe Orientation, aussi en partie derrière le premier album de Sultana.

    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Cette reprise de Madonna, muezzin style... tout un symbole de ce que la ville peut representer, ici?

    Note donnée au disque :       
    Dun23 Envoyez un message privé àDun23

    Un film excellent et pourquoi, con que je suis, je me suis pas procuré sa BO, hein?