‘This is satanic age, bitch ! Ah ah, tu t’attendais à voir un homme à tête de bouc vêtu d’un pourpoint rouge déambulant au milieu de chants rituels ? C’est la version à grand-papa que tu évoques… Nous n’en sommes plus là, les rites que nous te proposons sont bien plus douloureux. Écoute ce son, ces nappes, ils sont à l’image des souffrances du dessous, il s’infiltrent au travers des failles du sol comme une lave noire qui se répand déjà dans ton esprit. Oui, tu as le regard fixe, étonné, tu restes bouche bée… Normal, tu es déjà des nôtres. Tu penses que c’est un choix ? Tu te trompes, écoute le son, il te cloue, tu oublies que tu as des jambes, que tu pourrais fuir… L’obscurité est une musique, un grincement infernal et nous seuls sommes habilités à retranscrire pour les simples initiés… Ces crissements te lacèrent le cerveau ? C’est un pâle reflet de ce que nous subissons dans l’enfer où nous avons été exilés mais tu t’y habitueras. Chevauche le grondement comme une vague, laisse-toi porter par le bruit comme si c’était une rivière. Ferme les yeux, ouvre ton âme, seule la nuit compte. Ne crois qu’en toi-même et alors, ce que tu appelles des larsens deviendront une prière révélée pour toi uniquement; laisse le poison monter lentement… C’est intense je sais mais nous avons tout le temps du monde et quand la pression se relâche, tu comprends aussi que c’est l’univers qui se fond en toi. Jouis de ce cadeau, le bruit n’est plus le bruit mais une liturgie nocturne où les mots n’ont plus d’importance. Un voyage dans le monde de la mort, à déchiffrer les runes, pour atteindre la beauté au delà du mal, le secret de la vie par delà la souffrance’. Pourquoi avait-elle griffonné ce charabia sur son journal intime ? Saul n’en avait pas la moindre idée. Où était-elle partie ? En laissant la fenêtre ouverte qui plus est… ’Comme l’obscurité est dense ce soir’, pensa le jeune homme, on distingue à peine la silhouette des grands arbres et quel est ce son qui s’amplifie ? Est-ce une bête qui se tord et mugit, est-ce la vase du marais qui bouillonne, le bourdonnement de milliers d’insectes ?'. Saul ferma la fenêtre mais la menace demeura. Ce n’est que lorsqu’il sentit ses organes bouillir, son cerveau se comprimer, qu’il comprit, avant d’exploser en une gerbe de sang et de chair, que le Mal avait investi les murs de la maison. Il était pourtant si loin de la vérité… 4,5/6