Au moment de lire les notes de remerciements à la fin du livret, mêlant entre autres Primus, Hawkwind, le Mahavishnu Orchestra et Rakim, on sait déjà à quel sorte de mutants on a affaire. Stacked Up, c'est typiquement LE disque des années 90 alternatives. Aussi riche qu'un Disco Volante, sous ses airs de chewing-gum qu'on recrachera vite, mais nettement plus abordable et fluide, jusqu'à se permettre de ruer dans les clubs ("Door Game"), et aussi infiniment plus politique qu'arty-freaky-jazzy-etc. Métissé-liquide. Le concentré de saveurs inhérentes à la fusion, telle qu'elle était conçue de notre côté de l'Atlantique. Une fusion plus variée en ingrédients que celle des américains. Faith No More européens pour certains, Rage Against The Machine anglais pour d'autres (les deux sont dans le vrai, mais réducteurs), Senser étaient plus orientés DJ et scène club que ces deux-là. Le son était plus liquide, les guitares plus véloces, noyées dans un mélange technoïde-dub-trip-hop super bien pété, embaumant fort le bon Leftfield, agrémenté de scratches maraudeurs. Le vrai nouveau-metal. Et puis la touche féminine au chant, avec infiniment plus de classe qu'il n'y en aura plus tard chez Evanescence cela va sans dire. Un pur truc d'anglais quoi, rafraîchissant et ambitieux. Heitham, le MC, claquait des versets politicools mélangeant Disposable Heroes of Hiphorisy et latinades à la Cypress Hill, mais plus lysergiques que cannabiques. Rappeur énergique high voltage, en mode move ya body. Et puis il y avait LE tube "Age of Panic", bien sûr, un vrai missile dans les ondes, un classique : le futur, ça avait quand même tout de suite une autre gueule, au milieu des 90's. Alors, certes, cet album - qui bute, si vous l'avez pas encore compris - est probablement celui qui a le plus contribué, lentement mais sûrement, à faire apparaître Linkin Park. Mais ne soyons pas méchants avec les talentueux Senser.