Bon, alors, ça… Franchement… Chapeau les artistes. Grâce à NTM, j’ai compris ce qui se tramait dans la caboche de mes compagnons d’infortune tiraillés par leurs hormones, à l’heure où j’étais encore à des années-lumière de m’intéresser au sexe opposé. Le rap, j’arrivais en général à comprendre le message, suffisamment martelé et caricatural pour que même un gamin inculte en retienne une impression, même diffuse… Pour ce coup-là, je crois me souvenir que même le boulevard des clips de M6 en perdait son habituel matraquage : Ma Benz était trop chaud pour le créneau 7h du matin, j’ai dû voir le clip une fois en bouffant mes corn-flakes et puis c’est tout. Une fois suffit amplement. Ce manège pour adultes, ces clignotements obscènes, ce subtil mélange de luxe et de grosse misère poisseuse ("on va faire un clip qui en jette un max, avec un plateau tournant, et dessus on va mettre, euh… des sièges de bagnoles. Parce qu’on est trop habitué"), ces gogo-danseuses félines et aux airs de robots (quand même, un peu), cet instru torride et au minimalisme exigu… Parlons un peu du morceau, quand même : Lord Kossity est suppurant de grotesque comme à son habitude, Joey Starr abandonne toute décence et toute tenue devant la gent féminine, quant à Kool Shen, c’est peut-être lui le plus gênant, il tente d’accommoder son style 100% béton sec à ce titre se voulant sensuel, c’en est presque drôle. Ma Benz est un titre-ovni, suffocant, drogué et improbable. Improbable comme un groupe d’ados qu’on lâcherait dans un bordel hollandais avec une valise de billets, tandis que les moniteurs de colo désapprouveraient en vain du regard, le visage bâillonné au gros scotch. Improbable comme… ben comme une chanson d’amour pour gros bras, pardi ! Car c’est bien de ça qu’il s’agit. Ma Benz essaie d’explorer la sensibilité amoureuse des brutes, de faire une chanson d’amour-sexe (oulà, pas de distinctions compliquées, svp) exclusivement du point de vue des mecs, sans finasserie ni gnan-gnan ou flatteries habituelles, et rien que pour ça : chapeau. Fallait des couilles, non pas pour parler de la chose, mais sous cet angle-là. Les paroles qui se veulent amadoueuses de femelles ne leurrent personne : non, Lord Kossity ne dit pas "ondule comme un ver de terre" dans l’oreille de ses conquêtes pour les faire craquer, ceci est un pur fantasme de mec macho, univers pas forcément hyper imaginatif (quoique), certes étroit et claustrophobique, mais très rarement abordé avouons-le. Je ne suis pas du genre à classer Ma Benz aux côtés des myriades de titres de rap US aux paroles violentes à base de bitch et de "suck", c’est d’autre chose dont il s’agit. Ma Benz n’est pas une chanson de complexé de la nouille, ou si elle l’est, elle essaie vraiment très fort de se soigner… Ma Benz raconte le plus petit dénominateur commun capable de faire fondre le plus rocailleux des gangsters, le plus obtus des donneurs de bourre-pif, et même si l’on se considère comme votre serviteur peu sensible à ce genre d’ambiance, force est de constater que tout sonne foutrement juste ici. Il suffit d’avoir un peu observé ses congénères pour s’en rendre compte : Ma Benz c’est vraiment la plongée dans le cerveau du lascar moyen, tapissé de fantasmes pas forcément violents ni dominateurs (ça c’est hollywood) mais qui rêve juste de désinhibition, de langueur, d’orgasme simultané et de PUTAINS DE JANTES CHROMEES OUAIIIIIS AAAAAAAAAAAAAAAAHHHH. Non désolé, j’arrive pas à simuler, mais disons que je vois bien l’idée, maintenant.