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Borbetomagus › The Rape Of Atlanta

lp • 2 titres • 32:14 min

  • Face A
  • 1Archie Keens For A Moister Veronica13:40
  • Face B
  • 2Jughead’s Prayer Renders Betty Senseless18:34

informations

Enregistré par Jeff Rackley le samedi 30 octobre 2004 à Atlanta, Géorgie, au festival Destroy All Music.

line up

Don Dietrich (saxophone), Donald Miller (guitare), Jim Sauter (saxophone)

chronique

Dans l’extrait bref d’interview reporté à l’intérieur, Don Dietrich – l’un des deux saxophonistes cintrés de ce trio de dingues – explique en termes simples la musique de Borbetomagus, son motif, sa logique. D’un certain concert d’Archie Shepp évoqué plus tôt, par exemple, il s'agirait de ne garder que cinq minutes. Les seules à leurs oreilles qui de toute la performance aient été « de jeu vraiment inspiré ». Celles-ci survenues on pouvait, dit-il « oublier toute cette autre merde ». C’est un exemple, une métonymie presque. Don Miller – le guitariste – ajoute qu’un autre moment ferait bien l’affaire pour décrire leur manière : la fin d’un certain – et fameux – concert à Monterey. « Quand Hendrix fout le feu à sa guitare […]. C’est ce qu’on fait. Une heure durant ».

C’est explicite. Tout l’est, dans ce disque – l’un des nombreux du groupe enregistrés en concert. Le nom de l’occasion même – le Destroy All Music Festival. Cette pochette en matériaux de basse industrie assemblés sur la table – carton générique vierge de toute impression, un autocollant métallisé collé dessus à la main. Et sur cette étiquette, une scénette façon comics alternatif ; un personnage y pointe un… machin (chronomètre ? décapsuleur ? poing-américain ?) en criant BORBETOMAGUS. Un autre, dépité ou ennuyé, lui répond « le viol d’Atlanta ». Et puis bien sûr : le son qui jaillit des sillons.

Borbetomagus – donc – est free. Mais pas jazz. Ou alors par méprise, accident, ayant avalé des éclats, des débris de celui-là s’étant fichés dans leurs chairs au moment de son explosion. Apparemment ça les a fait rire. Borbetomagus, plus que tout, bien mieux que beaucoup d’autres, est noise. Bruit, donc. Contempteurs du son pur, dévots et usagers fanatiques de la distorsion la plus outrageante, de la saturation qui porte au bord de la chute, de l’étourdissement ; des paquets de fréquences ourdis pour faire jubiler ou vomir – selon la constitution de chacun, la tournure, la torsion du goût de qui s’y expose.

Des formes les plus extrêmes – du free-jazz donc, du rock du même bois (ou métal ou rocher ou plasma…), de l’électroacoustique la plus informelle, de toutes les plus sauvages improvisations – ne garder que les plus intenses exactions, que les instants où le matériaux crame, les pires saletés comme le plus haut sublime se confondant en l’exaltée fission. Et de là… Pousser plus loin. Insister. Exagérer. La vieille limite prise comme simple point de départ.

Il serait faux de dire que le boucan de Borbetomagus n’est qu’une masse indistincte, chaque album en débitant une tranche de durée aléatoire ; que leurs disques ne sont que des rebuts, l’ordure sonore donnée telle quelle en anti-musique, cendres de l’art ; je ne sais pas si ces trois types se soucient de ça, d’ailleurs : la fin de l’histoire et de la culture etc. ; mais leur bruit n’est pas mort, terne, inutile, ennuyeux ; il est excitant, réjouissant ; merveilleux d’excès, d’invention. Il prend au dépourvu, plaisir inattendu qui vous tombe sur la gueule, dans le corps ; court-circuit cérébral qui vous flanque la lumière. On rapporte que pour le produire, les deux saxophonistes usent de drôles de techniques. Jouer en opposant – face à face – les cloches de leurs instruments, par exemples. Merveilleuse idée, en fait, passage à l’acoustique du principe de feedback, de vibration infinie qui s’abreuve de son débordement. Il semblerait que parfois, aussi, ils emplissent de bière les mêmes pavillons et plongent des capteurs dans le bouillonnement que ça fait… J’en vois peu, aussi, qui sachent comme Miller tirer ce parti de la guitare dite, pas pour rien, ÉLECTRIQUE – dispositif, micros, bobines qui attrapent les ondes des cordes actionnées ; celles-ci toutes de métal, ô combien susceptible d’encaisser mille sortes de charges, mille manières d’ébranlements, de branles, de coups, de maltraitances et de passionnés agrippements. Sauter, Miller, Dietrich s’amusent. Nous prennent au jeu, s’y jettent sans retenue, sans doute sans trajectoire ni durée préconçues. Ils nous emmènent, nous traînent, nous acculent où on ne sait pas. Ils y vont, ils s’y fourrent avec nous. Avec les enveloppes, les textures, l’aberration enharmonique, ils font des festons de chaos, des fleurs aux failles dans l’impossible, dans l’inédit, dans ce qui n’est contenable ni convenable, qui commence là où le décibelmètre prétend que c'est la fin. Le flot n’a pas besoin d’être amnésique : il lui suffit de ne jamais rester en place. Il n’aménage pas de plages : il s’y appuie pour bondir au palier suivant. Encore un basculement de la perspective.

Balancez, girez, roulez ; il n’y a pas là de battue pour scander une discipline. Trente deux minutes et quelques, seulement, sur le vinyle faces enquillées. Vingt-quatre années de leur toute première saillie au moment d’enregistrer devant cette assistance là. Six de plus avant que ne sorte l’objet – sans cote, sans label, sans tatouage ni collier. Ils en ont commis d’autres entre temps et depuis. Ils n’en n’ont pas fini, de ces fameuses cinq minutes infinies de dense, d’affolé, de rude, de renversé, de plein, de déchiqueté, d’irascible, de contondant, de déchiquetant bonheur.

note       Publiée le mercredi 19 novembre 2014

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    cantusbestiae Envoyez un message privé àcantusbestiae

    Vu en live en 2005. La guerre, tout simplement.

    glaire Envoyez un message privé àglaire

    Pas le meilleur, ni en musique ni en français.

    Note donnée au disque :