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Polyphonic Size › Mother's Little Helper

lp • 5 titres • 17:21 min

  • Face A
  • 1Mother’s Little Helper3:07
  • 2Men And Construction1:45
  • 3RDA/RFA2:57
  • Face B
  • 4Kyoto5:18
  • 5Nagasaki Mon Amour4:14

informations

Produit par Jean-Jacques Burnel.

line up

France Lhermitte, Kloot Per, Martine Bourlée, Roger-Marc Vande Voorde

chronique

Parlons spleen. Parlons Belge. Parlons musiques d’Europe. Parlons de ces choses – synthétiseurs, boîtes à rythmes – alors devenues instruments, tout à coup, parce que soudain devenues accessibles, à portée de main. Parlons horizons floutés, pollution et redescente de médocs, et d'autres chimies poudreuses à l’annonce de l’aube. Parlons très peu des Rolling Stones… Les waveux belges – ces Européens cernés, continentaux pris de haut par les voisins – aiment apparemment à reprendre ce titre-là des Anglais, son histoire de ménagère accro aux euphorisants sur prescription. Arno – l’ancien funkster froid de TC Matic, certes alors revenu à bien plus acoustique – en donnera bien des années plus tard une version alanguie, alentie, à peu près plombante, loin, très loin des sarcasmes de Jagger et du sautillant en riffs sixties. Polyphonic Size – curieux groupe Bruxellois produit par Jean-Jacques l’Étrangleur (Burnel, donc... qui chante ailleurs avec eux qu'il l'a toujours aimée, aussi...) – prend la chose avec plus de raideur. Synth Pop, carrément. Minimal wave, allez. La voix scandée avec lassitude sur une seule note. Plutôt presque désincarnée, en fait, avec cet accent étrange, pas vraiment faux mais aussi géométrisé que le reste. C’est à vrai dire comme une version un peu déboussolée – fatiguée, sortie de club épuisée à l’heure de la fermeture disais-je, quand d’autres se lèvent ou sont déjà en route dans l’autre sens, vers le labeur et dans les rues – de la pop robotique de Kraftwerk. Les machines qui ont appris le toucher, une certaine sensualité déconnectée de l’affect ou qui s’y emboîte mal, plutôt. Le monde comme ville ouverte. La vie comme expo universelle permanente… Mais eux ne sont pas allemands. Ni britanniques. Ni français – juste à côté. Pas non plus Japonais comme le Yellow Magic Orchestra. Et pas dupes : ce qui décale, et ce qui lisse les dermes vivants comme des surfaces polies ce ne sont pas seulement le progrès technologique, les nouveaux textiles à l’élégance infroissable, la vitesse inédite des mises à jour du Trans Europe Express. Ce sont – encore, aussi – les drogues. Doctor please… Encore de l’oubli, de la fête, du rythme sans fin, dupliqué, pontons et tunnels qui défilent. De la voix nippone, tiens, puisqu’on en parlait, sur la charley synthétique qui tourne en milliers de cycles, de la basse en séquence, de la réverb’. Qu’est-ce que ça dit ? Aucune idée mais Kyoto c’est loin ; et tu la touches de la paume ; elle est sur la piste, tu la, tu le foutras peut-être dans ton pieu à la fin de la nuit. Et sinon peu importe. La nuit s’inhale, s’avale… Some more of these. Ils sont belges, oui. C’est peut-être ça qui leur permet d’évoquer sans grandiloquence mais avec une justesse au fond touchante, et de drôles d’assonances, le bordel des cités et des gares d’échanges – RDA/RFA et son tourbillon de Turcs, de gays, de tox, kébabs et passages à tabac, cieux gris, roulements et évitements et chocs d’épaules perpétuels. C’est fragile et ouvragé. C’est un œil légèrement décentré – on parle bien là d’un pays, d’une capitale où à l’époque où un certain Breton excluait des cercles les trop purs et simples obsédés, où les amis de la culture pour ça l’applaudissait, la fraction locale du surréalisme éditait sur feuilles glacées un truc nommé Les Lèvres Nues. On cause bien d’un État où – finalement – tout s’est toujours efforcé de se foutre bien de passer ou non pour l’éternelle Province de cette Union (même lorsqu'il en abriterait le siège – les sièges d'ailleurs, on sait bien ce qui s'y pose). Bruxelles, en fait, est plus grande que Paris. Plus petite que Düsseldorf, d’accord… Mais de là ou de là, personne n’aurait pu prendre comme ici la question de l’atome, des rayonnements, de l’après la bombe. De quel point du monde on pourrait faire rimer – dans une chanson qui dit Nagasaki en outrageant doucement Duras et Resnais – champignon/tout mignon puis il est né, l'irradié/pas de bras, pas de pieds ? … Ne parlons pas trop longtemps de cet E.P. Il est court comme un E.P. Il sent encore son 1982, quand on le porte à la hauteur des yeux pour voir mieux cette fille – je ne sais d’elle que ce nom peu commun : Ann Dejarnett ; et qu’elle jouait dans un groupe appelé Mnemonic Devices ; et puis cette dentelle noire ajourée, ces bijoux clinquants un peu, ce rictus, ce cou. Il a des cernes, ce disque, et la pâleur de teint. Il s'écoute plusieurs fois de suite. Il est spleen, oui, comme à ces heures enfin sourdes – mais avec un sourire qui flotte. What a drag, it is, getting old. On ne vieillit pas – pas vraiment, et tout ça n’est qu’un jeu – sous cette lumière constante, toujours artificielle. On se garde d'avoir ou pas à y croire. Mais une fois revenu à la piaule – seul ou pas, la chance du soir, le hasard du jour dirons à combien – il faudra bien à un moment dormir un peu.

note       Publiée le jeudi 2 octobre 2014

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ouep, il peut être bien spleenant, le Live for Each Moment/Vivre Pour Chaque Instant... Avec au milieu des trucs bien whatzefuck qui cassent l'ambiance douce-amère (Action Man... qui n'est pas des plus rigolos dans le propos non-plus, d'ailleurs, mais qui vire burlesque sur la forme). Et puis un truc comme Night Is Coming On là-dessus, c'est... rare, tout court. Une saloperie d'ambiance, oué, avec jeux sur les mots limites n'imp' (comme chez Bashung ?), "Mens sana dans un corps de salaud" et cie. qui en fait touchent pile-poil... Et "provincial" oui, je suis d'accord - mais j'aime ça aussi, chez eux, c'est en effet pas du tout péjoratif, pour le coup, dans ce que ça implique de "moins pincé du jarret que si c'étaient des snobinoux parigots". (Et puis y'a Je T'Ai Toujours Aimée déjà, là-dessus alors hein... Rien que pour ça vaut le coup de s'y risquer).

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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    Leur premier album, "Live For Each Moment", est facile un trucs les plus déprimants que j'ai écouté, à classer à côté de Seppuku de Taxi Girl, dans un esprit bien différent, et sans la classe (mais avec le supplément de crasse provinciale), mais tout aussi cold wave grise... ça n'aurait pas sonné si décalé que ça sur les compils "I.V.G." et "Bippp"