Blut Aus Nord / P.H.O.B.O.S. › Triunity

Après son époustouflante trilogie à final étoilé, Blut Aus Nord se devait de changer un peu de registre. Malheureusement, le groupe, ne sachant plus trop où donner de la tête entre inspiration et abondance, avait entre temps réaffirmé sa ligne démagogique en sortant un mini-album relativement commun, "Debemur MoRTi". Alors, nous voici à considérer cette nouvelle offrande, attendue avec perplexité et méfiance, d’autant qu’elle comportait une inconnue — qui se révélera une bonne découverte —, P.H.O.B.O.S. Mais quoi de mieux qu’un split album pour tenter, sans trop se mouiller maintenant que l’on fait partie des têtes couronnées du black, une innovation légère ? C’est là que la batterie, organique, cinglante, prégnante — ô combien attendue et fantasmée par les fans —, fait son apparition, et remplace cette antiquité de boîte à rythme qui faisait l’identité de BaN depuis une quinzaine d’années. Mais soyons honnêtes, il n’y a rien de franchement nouveau si l’on excepte le jeu de ce batteur qui, à défaut d’apporter sa personnalité, son originalité, sa folie rythmique (comme d’autres le font chez Abigor ou Deathspell Omega), est tout au plus acceptable et classique pour du black mid-tempo. Sinon, c’est ici la même rengaine que depuis 777 : son lourd et mordant des guitares, alternances de passages dissonants et lumineux, leads mirifiques, synthés cosmiques, références religieuses et philosophiques, somptuosité fallacieuse de l’artwork, choeurs de curetons émoustillés, puis un "moshpart" bien sale sur "Hubris". Mais, il faut le reconnaître : le feu prend. Chez moi, en tout cas. Peut-être me laissé-je berner, mais ce son de batterie apporte un élément étranger qui, ma foi, renouvelle quelque peu la musique de BaN et émousse, après écoutes répétées, la lassitude qu’il y avait à découvrir encore la même musique — fait contradictoire j’en conviens ; mais peut-être est-ce parce qu’on l’intègre, on le discerne mieux, ce son sec et plein qui est seul porteur ici du nouveau. Quant à la partie de P.H.O.B.O.S., sur laquelle on me pardonnera de passer moins de temps quoiqu’elle ne démérite aucunement : elle est très bonne. Il faut se représenter un son moins ample que celui de BaN pour une atmosphère similaire ; une rythmique godfleshienne carrée et continuelle ; des guitares tellement noyées d'effets qu’elles en deviennent des fantômes, apparaissant ci et là pour hanter le paysage musical de façon parfois indiscernable ; des synthés cyberespace et dark ambiant ; et des grommellements de canard mécontent. La formule devient répétitive sur certains morceaux, si l'on prête trop attention, mais il faut se laisser porter au courant… Au final donc, un split réjouissant eu égard aux précédents sorties de BaN, et qui met en lumière l’intérêt que peut avoir cette formation peu connue, P.H.O.B.O.S.