Gojira c'est un groupe abominable. C'est un groupe repoussant. Un groupe rédhibitoire. Dégueulasse. Infect, et en plus ils sont français. Le nom suprême à la con, pondu par un LEA japonais première année après un marathon Evangelion de trop, dans le trio de tête avec Ultraphallus et The Wandering Midget dans la catégorie des qui font pas envie. Le logo et les artworks de rastas-blancs joueurs de djembé. L'imagerie commerce équitable. Les concepts excitants comme une livraison de champignons séchés par un drone Amazon. L'enthousiasme général dans la presse locale ou étrangère qui donne envie de s'aveugler avec une fondue de poireaux. Et puis cette espèce de mauvaise brise de death metal pour fan de metalcore qui nous souffle sous le nez dès qu'on évoque Gojira ; l'interdit du cordon sanitaire entre le techno-death beauf et le techno-death intello tels qu'on les considère. Mais en fait, en réalité, Gojira, avouons-le, c'est bien - et en plus ils sont français. Enfin, c'est bien sur From Mars to Sirius (FMTS), en tout cas. C'est pour ça qu'il faut dire que Gojira c'est un groupe atroce : parce qu'à défaut de tripes et de sang, faut se monter sa propre montagne de dégoût pour avoir envie d'aller y tremper. L'attraction-répulsion ça permet de temporiser. Et puis de toute façon, même sans exagérer, on peut dire que FMTS c'est un album vomitif pour une bonne raison, mais dans le bon sens du terme : on dirait un album de Morbid Angel. Morbid Angel période Tucker. Qui vous pond son habituelle armée de riffs grondants et mercuriens. Ses couinements sous-marins. Son groove de défaillant auditif aztèque. Avec des ambiances de tremblement de terre vu de l'intérieur. Mais Gojira s'en démarque avec une passion perso pour les quartz. Les angles d'escaliers inégaux. Et puis une maîtrise de la saccade et du cristallin digne d'un ouvrier qui monte son échafaudage de peintre en bâtiment devant un trou noir. FMTS en fait c'est un disque d'orthoptiste, voilà. C'est pas le disque qui va vous prescrire un œil de verre, c'est celui qui va vous apprendre à faire un tour complet du haut de la pupille, et arracher une victoire par défaut dans les staring battles de transports en commun. C'est un disque steampunk comme un cours avec Mad-Eye Moody, vénère et riche en sortilèges. Un disque qui puerait probablement de la gueule comme un acteur de Jeunet si il ressemblait pas à une peluche en croûte de cuir. Il réussit à vous plonger dans une torpeur non somnolente de zoukeur funambule, avec des égosillements rugueux de tefal en fin de vie, et une rythmique qui crépite comme un orage sous un parapluie trop étroit. Petit prodige en soi. Et ce malgré les fréquents coming-out d'hubots déglingués qui donnent envie d'envoyer des tweets d'amour universel aux astronautes russes de l'ISS. Mais donc oui, en réalité, Gojira, c'est bien. Et c'est ça, avant tout, qui est abominable.