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Clock Dva › Advantage

cd • 8 titres • 41:37 min

  • Face A
  • 1Tortured Heroine5:10
  • 2Beautiful Losers4:26
  • 3Resistance3:50
  • 4Eternity In Paris5:49
  • Face B
  • 5The Secret Life Of The Big Blacksuit3:26
  • 6Breakdown4:25
  • 7Dark Encounter7:26
  • 8Poem6:05

extraits vidéo

informations

Enregistré par Hugh Jones au studio Rockfield, sauf 8, enregistré au studio Strawberry à l’automne 1982. Overdubs enregistrés aux studios The Garden et Utopia. Produit par Hugh Jones.

line up

Paul Browse (saxophones), John Valentine Carruthers (guitare, effets), Dean Dennis (basses frettée et fretless), Adi Newton (voix, trompette, piano sur 8), Nick Sanderson (batterie, percussion)

Musiciens additionnels : Hugh Jones (claviers supplémentaires), David Heppenstall (violoncelle-synthétiseur sur 9), Katie Kassoon (chœurs), Clade & Kenny (cuivres supplémentaires sur 6 et 7)

chronique

Nouvelle cité, nouveau hangar. Nouvelle fiction, en fait, c'est à dire un autre angle pour attaquer la même horrible et banale histoire. Nouveau disque, simplement. Pas vraiment le même groupe, encore. Il ne reste de ceux d’avant qu’un seul homme debout, Adi Newton. L’air est toujours chargé, pollué, particules asphyxiantes portées par les fumées. C’est la voix, donc, qui demeure. Qui s’entoure d’autres. Et de machines, à nouveau… D’électronique, mais cette fois maîtrisée, les manuels pas détruits avant usage. Thirst, l’album d’avant, empruntait au polar – en la déformant, en lui redonnant son sens véritable, d’avant les faiseurs en chaîne – profondeur nocturne, moiteur, froid coupant des scènes où tombent les masques ; s’emparait des bandes-sons du genre, de leurs clichés – nommément le jazz à saxophone mouillé, palpitant ; et puis de ses images : individus inquiétant, renoncés à eux-mêmes, costumes sombres et permis de ports d’armes – pour les plonger dans ce bac de fluides opaques qu’avait vomi la tentative Musique Industrielle ; new-wave nid-de-malaise, darkwave dépolie, la surface tapissée de poussière d’amiante, bouffées gothiques souillées… Le disque, en fait – le groupe – tentait de rendre au genre à ces courants, accidents, événements, ce qui en avait fait de proches parents de Dada, d’un certain surréalisme embryonnaire (très bref, avant que le soubresaut ne se fige en chapitre et marchandise dans l’un des volumes morts de la fameuse histoire de l’art), d'autres essais : d’effroi et de libération. Le cri et l'œil lucide ; la frappe au cœur ; l'ébranlement des courses normalement encloses dans l’inconscient, bloqués par les dressages, les conventions mortes infligées. Advantage saisit encore les mêmes fragments – de mondes désirants, d’envies fulgurantes, contraintes, en lutte violente ; les mêmes individus souffrants, tiraillés, épuisés, aspirants à la pleine existence par delà l'usure des routines, les crédits accumulés ou refusés ; les mêmes bribes d’intrigues toujours connues. Le disque pousse d'un autre cran, transplante tout ça dans un autre univers. En pleine science fiction, cette fois ; récit d’anticipation – qui, comme tous les ouvrages véritables de ce type, hors des séries et contrefaçons d’agrément, ne disent pas un lointain futur mais un présent à peine distendu ; un peu distordu mais parce que le regard du narrateur, de l'auteur, le voit plus justement, découvre ses formes, proportions, mécaniques cachées. Pas un avertissement, un avis d’hypothèque ; constat, tout au plus tourné en métaphore pour passer les censures, affoler la conscience. Chose modeste et non-neutralisée. Tout y est : les textures de claviers "futuristes" qui n’appartiennent en fait qu’à l’instant, au jeu du moment, réglées ici pour coller au réflexe d’excitation du jour – et à celui aussi de méfiance ou de panique, foutre le besoin de ce qu’on ne peut pas trouver dans ces produits polis, déjouer ce contentement premier, primaire, bon marché. La galerie de personnages qu’on observe et qu'on suit avec ce drôle de mélange d’émotions, aussi, ces tensions contradictoires : l’héroïne torturée, les perdants magnifiques – voyeurisme sadique, compassion masochiste, boule au ventre, peur de s’y reconnaître, furtive pensée que ça vaut mieux que d’être pire et que d’y prendre goût. Il y a la danse, aussi. Et là ce n’est plus du jazz rendu brut, mal équarri. Breakdown – c'est un exemple, le plus criant – c’est cette séquence mille fois vue dans tous les sous-Blade Runner, tous les proto-Total Recall, tout le simili Philip K. Dick : cyborgs et espèces exogènes massés dans un club tandis qu’un créature humaine – femme fatale et défaite (fut-elle mutante au nombre anormal d’yeux ou de bonnets D) – s’exhibe sur scène ou aguiche au bar, sous des néons verts et bleus, où les ouvriers de toutes les races de toutes les planètes viennent se faire croire qu’il sombrent dans le luxe et l’oubli. La voix de la donzelle, ce coup, se déploie même en forme contemporaine : vocalises qui chaque fois m’évoquent quelque diva house, Garage New Yorkais, gospel-silicium de Chicago, techno de Detroit, le duo Innercity (soit un producteur techno de Detroit et une chanteuse de Chicago, précisément). Le rythme est à l’empan, d’ailleurs : pour l’instant encore joué, pas programmé, mais qui cingle et tranche comme pour coller à cette exactitude robotique, sonner acier dans ces parois de métal traité. Rien n’est absent, disais-je, de ce qu’on attendrait. Et ce coup-ci… Eh bien ça prend encore. Parce que ça tire, justement. Poem, en fin de disque, par exemple… à chaque passage je pense au 21st Century Poem de Leftfield sur Leftism ; sauf que l’autre est le seul morceau de l’album qui à mon sens tombe à plat ; et qu’ici, passé le premier mouvement de recul, de défiance (ces quelques mots en français – "grmmbl mon amour blabla" – à la fin de la piste, hum, non, quand-même !), le morceau parvient encore à instiller ce foutu spleen, à faire passer ce frustrant, attirant scintillement. C’est qu’il y a lutte, disais-je. Les vivants s’escriment et les entrailles des choses électriques ne parviennent pas à les contenir, à convertir leurs rêves, projets, hallucinations en simple flux de chiffres, d’information codée. La musique de Clock DVA – contrairement à ce que laisserait d’abord à penser cette pochette très EBM – ne donne pas encore là dans le tout-électro (fut-elle la variété très personnelle de la chose que donnera Newton dans les années d’après). Ça sent toujours la chair fragile et putrescible sous les parfums à bas prix, l'émanation de plastique moulé, d’huiles et de fers en surchauffe. Et le type au micro – à la caméra, derrière la Remigton en qwerty, ce qu’on voudra question métonymie… – nous tente encore, nous exhorte en tout détachement, distant et séduisant. Ce monde là, certes, est sorti de fabrique, ses proportions et perspectives ramenées aux dimensions de l’écran, ses rebondissements sus par cœur. Mais le souffle d’Adi Newton contamine, tiédit les matières, introduit le virus dans les failles. Et les autres joueurs s’accrochent à leurs manches, leurs claviers, leurs cuivres, et à demis mots derrière leurs clameurs nous glissent : courrez, mais pas dans le sens de la file ; et cherchez les renfoncements. C’est un étrange passage. Un groupe déjà devenu habile, instruments maîtrisés, maintenant. Toujours plus séduisant, échappé de l’amateurisme voulu, brandi, cultivé. Toujours d’essence clandestine parce qu’encore, ceux-ci cherchent à construire des brèches. Et que leurs lieux communs sont celles-ci, familières, par quoi ils glissent le doute, la défiance, l'indispensable insatisfaction qui fait que rien ne repose.

note       Publiée le dimanche 1 juin 2014

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Y'mplaît de plus en plus, celui-là, avec les années... ce son newwavedancefunk dévoyé, ces décors de SF peints à l'acrylique, ces trompettes saturées/réverberées à la A Certain Ratio... Miam. Mdonnerait envie de nuits dans les clubs de ces années-là, avec Holy Body Griffith lookée pub studioline pour son nouveau tournage de X. (Oui oui... Curieusement ou pas c'est bien cette scène du Body Double de De Palma qui m'a donné envie de ressortir ce disque - donc en partie Francky, en plus de Mélanie Cuir Latex Effet UltraFixant. Francky Goes to Beaten Low Shefield, du coup, ouep... Forcément pas tout à fait le même climat. Ou Adi Goes to Studio 54 ou l'Hacienda, OK).

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ah ah, voir mais jusque là je doute !

    (Non mais en réalité je sais pas pourquoi, hein... Mais le fait est que la bande à Bobby G. me rebute toujours. Et m'emmerde, surtout, au sens m'ennuie... Alors qu'ils ont nettement bouffé des trucs qui sont souvent de mon régime, ouais - soul, dub etc. en plus de la pop de chez eux. Y'a une "couleur" sonore dans ce qu'ils en font qui me revient pas, un truc du style. Qui me cause pas, quoi).

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    non mais on est clairement au dessus, mais il y a des repompées soul-jazz futuristes dans Primal Scream tu en sera persuadé un jour.

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Mais sinon Factory oui, aussi, hein ! Et nettement, tout ça a des racines communes. (Et dans les deux sens, la vieille histoire de la Detroit Tech et de l'électro-pop européenne, le batteur funk d'A Certain Ratio etc... En effet)

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    (Screamadelica, eurk...).

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