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Jean-Louis Murat › Suicidez-vous le peuple est mort

vinyl • 3 titres • 09:28 min

  • 1Suicidez vous le peuple est mort03:13
  • 2La débâcle02:51
  • 3Masque d'or03:24

informations

Enregistré à Studio Gang.

Photographie : Jean-Baptiste Mondino

line up

Jean-Louis Murat (chant, guitare, saxo), Alain Bonnefont (claviers), Guy Delacroix (basse), Clément Bailly (batterie)

chronique

  • single qui tue

En voilà une idée qu'elle est bonne, sortir un premier single intitulé "Suicidez vous le peuple est mort". C'est bon ça. Ca va se vendre comme des petits pains. Et puis c'est qu'elle est fleurie ton orchestration, jeune Jean-Louis. Une ligne de synthé avec trois pauvres notes, très vaguement orientale, en boucle, sur laquelle se pose ta voix dont la jeunesse résonne aujourd'hui étrangement, faut dire que ta jeunesse ne s'est pas faite entendre longtemps. Y a une urgence flippée là-dedans, assez lointaine de ce que sera cette voix posée et sensuelle de trentenaire aux yeux de glace huit ans plus tard, pour le vrai redémarrage de ta carrière. Ouais, parce que bon, ce titre-là, il va pas te porter chance, Jean-Louis. Déjà cette austérité synthétique qui vire au glauque dès que des nappes (déjà, avant Clavaizolle) enveloppent les quelques notes qui se battent en duel, c'était pas gagné, mais avec un titre pareil, c'est vraiment chercher la merde dès le début. On n'a pas deux fois la chance de faire une première bonne impression. La mienne eut été excellente, fascinée devant ce texte plus bien étrange que le titre ne le laisserait penser (quoique, la formule est déjà pas mal tordue), débutant par cet étrange "À Manille respire encore ma mère dépouillée de son or.". Des choses comme ça on en entendait pas tous les jours dans la chanson française de l'époque, dont les grumeleux représentants les plus sombres étaient fermement enracinés dans des ambiances urbaines saturées de saxo et de représentations qui fleurent bon les années quatre-vingt dans tout ce qu'elles avaient de plus… typiques, au sens touristique du terme. Bon, du saxo, y en aura un chouia sur la face B, mais c'est bien parce que t'en jouais toi-même, jeune Jean-Louis, au sein de ton premier groupe Clara. Et pas du solo filasse et ringard non, juste de quoi ponctuer de quelques zébrures le très new-wave "Masque d'or", qui rétrospectivement aurait fait office de meilleure carte de visite pour les radios, plus dynamique, plus identifiable même si la singularité est bien là. "Toi, t'es surement belle quelque part" dit-il au refrain, compliment à double tranchant qui redouble l'arrogance de "j'attendrais pas le 14 Juillet, j't'ais sous la main tu vas y passer.". Mais non. Le single, c'est un titre avec une injonction à se foutre en l'air doublée d'une annonce de décès. Mais on est en 81, le formatage sur les ondes n'avait pas encore eu lieu et donc le titre passe. Avec la répercussion maudite que l'on sait : une gamine l'entend et se tranche les veines. Pas de bol. Epic fail diraient les gamins aujourd'hui. Surtout qu'elles sont trop sensibles les petites ados, troublée par la déjà singulière voix de cet Auvergnat manifestement pas hyper bien dans sa peau, mal-être magnifié sur la photo de la couverture, prise par Mondino. Et ouais, y avait du potentiel commercial, une belle petite gueule ce Bergheaud, pardon, ce Murat (parce qu'il se renomme du nom d'un bled de par chez lui, histoire de coller de la distance avec lui-même). Mais pas avec un putain de titre comme celui-ci, et pas une fois que l'injonction est suivie d'action. Blacklisté, censuré, mis au placard, retourne dans tes montagnes. Et pourtant, le texte était loin d'un de ces poèmes adolescents qui transpirent un complaisant mal de vivre à peine pubère. Cryptique en diable, il ne révélait pas sa profonde nature dégoulinante de fiel envers l'arrivée de Mitterrand au pouvoir. Ouais, le Jean-Louis c'est pas demain la veille qu'on le verra chanter pour l'Ethiopie avec le reste du troupeau, quoi… Bon, y aurait peut-être un espoir avec l'autre face B, elle aussi plus ancrée dans ce que la new-wave française avait de plus, euh, anglo-saxon. La voix chevrote un peu, les synthés viennent coller une ambiance d'intempéries sous une rythmique post-punk bien claquante. Et ça se délite sur quelques dernières nappes qui viennent s'échouer là, tenant la main d'un Murat pétri d'angoisse. Le titre ? "La débâcle". Et ben voilà, on y est, bravo, bien joué, ça va aider ta cause. Après un coup pareil, faudra attendre huit ans pour se relever, en passant pas la bande "garçon qui fait mouiller les filles" avant d'accéder à sa propre identité. On peut se prendre à rêver à ce qu'aurait produit Murat dans cette sale décennie s'il avait pu suivre la voie initiée par ce coup d'épée (style Durandal, forcément) dans les eaux boueuses du rock français.

note       Publiée le lundi 12 mai 2014

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    Pierre-Arnaud Envoyez un message privé àPierre-Arnaud

    Le morceau a été intégré à la tracklist de la version deluxe de la compil sortie hier (40 titres plutôt bien choisis malgré quelques grosses absences, "Le cours ordinaires des choses", "Perce-Neige" et "Accueille-moi paysage" en tête).

    Note donnée au disque :       
    SEN Envoyez un message privé àSEN

    Murat ressort même progressivement en Vinyle (et parfois pour la première fois) tout ses albums augmentés de bonus qui valent vraiment le détour (voir le Moujiik et sa femme) !

    Raven Envoyez un message privé àRaven  Raven est en ligne !
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    Assez surprenant, même si en fait pas vraiment pour l'époque. C'est tordu oui, ultra-minimal, et plus fourbasse que le suggère le titre-graffiti pouvant passer pour pure provoc. La voix juvénile de Jean-Louis est très gnan-gnan-crispante, certes c'est pas du tout le chant suave qui viendra plus tard, mais il faut déjà aimer Murat dans sa version mûre pour que ça passe, je pense (trouver ça charmant qu'il soit déjà agaçant, en somme). Bien Növö/New wave dans l'esprit, versant cold, ça s'écoute comme une des "berceuses" interlopes de DAF.

    Tiens, pour info son premier LP de 82 (l'éponyme) a été réédité en mars dernier - augmenté des trois titres de ce single culte. On y retrouve déjà par endroits cette espèce de sensualité paresseuse-magnétique typique du Jean-Louis... et surtout le maraudeur "Les Hanches De Daim", dont l'ambiance me rappelle un peu la B.O. de Rumble Fish.

    Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
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    ok, je note, merci

    Note donnée au disque :       
    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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    Faut pas s'attendre à des rééditions de ce genre de vieillerie, mais il en fait une version incroyable sur le Live sorti en 1995.