Il se prend pour Dreyfus, Michel Cloup : il divise la France en deux. D'un côté du moshpit, les puristes qui ne se lasseront jamais de lui faire remarquer son chewing-diabologum collé sous la chaussure, et que lui, M. Cloup, trimballe boiteusement depuis la sortie malheureuse de "#3", comme une verrue plantaire, triturée à la pointe du compas, niquée au Verrucide, fritée par le dermato une fois dix fois vingt fois à l'acide, et qui hélas! radine à chaque printemps comme un vieux champignon ; de l'autre côté du moshpit, la presse spécialisée qui se branle jusqu'au sang sur chacune de ses sorties avec dix ans de retard et qui ferait mieux de retourner écouter du Fauve, voire du Kanye West. Au milieu de ça, le chroniqueur gutsien dans son no man's land musical, foudroyé par son devoir d'anticonformisme, armé de sa subjectivité sauvage, il est très très embêté... Parce qu'il faut l'avouer : "Notre silence" est un disque décevant. Merde ! Michel martèle aux esgourdes "Recycler cette colère !", et c'est triste à dire, mais c'est de ça qu'il s'agit, justement. Une copie, une imitation de colère ternasse, pâlotte, maladive, sans les boutons d’acné, sans la fougue d'antan. Une colère flegmatique. Une colère tranquille, une colère qui est devenue une habitude. Une colère qui a 40 ans, un pied dans l'étang, un pied dans la bière. Et forcément, ça fait l'effet d'un énième pétard mouillé. Parce que quoi de neuf ? Ben, pas grand chose : un retour à une forme épurée, au duo gratte / batterie ; et une guitare baritone, que M.C. s'est vue offrir en cadeau d'anniversaire : ça ne fera guère illusion. M. Cloup s'écoute phraser sur une musique molle du genou, relou comme du post-rock, avec une maîtrise vocale digne d'un Donkishot sérieux. Les textes ne bifflent plus comme autrefois, n'ont plus ces formules-harpons qui faisaient leur force, ces métaphores qui venaient remuer l'aire de Wernicke... Non ! en lieu et place : le pathos d'un vieux daron blasé, dilué dans des écrits affadissants, nombrilocentrés, mortellement usants à force de répétitions, et qui ne dissimulent plus ni leur avarice en mots, ni leur pauvreté en figures de style... Pour combler le vide qui entoure le néant verbal, de longues plages musicales avec soli conventionnels du genre longuets à trois notes, gentiment pop, gentiment shoegaze, gentiment prog, mais franchement, pour être honnête, on se fait tartir comme oeuf au soleil. Alors, tant qu'y a de la vie, y a de l'espoir... mais la prochaine tuerie, le prochain projet audacieux qui fait péter la baraque du rock français, et signé M. Cloup, c'est pour quand ?