Le fœtus est une aberration esthétique, un genre d'alien rose grotesque baignant au coeur de sa gangue remplie de flotte au sang comme une espèce d'hippocampe hydrocéphale, amorphe et bouffi. Branché sur secteur charnel comme un aspirateur à protéines pour se gaver gratis dans le stock intime de ce bipède émotionnellement instable qui lui sert à la fois de logement, de véhicule, de dealer et de punching ball, ce santon aquatique n'a aucun scrupule pour se nourrir sans jamais rien produire : il bouffe, végète et augmente de volume en attendant le jour où, devenu assez dodu et assez laid, il sortira son vilain museau de parasite par l'entrebaîllement (par lequel il était rentré sous forme alors aisément éradicable par feuillet de pécu + chasse d'eau neuf mois plus tôt), si possible en pleurant assez fort pour qu'on le remarque... ce nain ingrat n'étant pas à ça prêt pour nous pourrir la vie ! Quoi de plus normal alors que de vouloir neutraliser pareille saleté dès que possible ? Surtout quand on sait que le fœtus a toutes les chances de devenir une nouvelle source de fœtus (car la race des fœtus se reproduit, à terme). Tous les signes de la vermine donc, mais quand on sait qu'elle est pour majorité éradiquée avant son éclosion, on dit "ouf !" En effet, c'est devenu monnaie courante à l'heure actuelle d'éliminer cette fève débile à coups de cachetons juste avant qu'elle ne grossisse dans la galette, et si j'étais un catholique tordu, je me demanderais sérieusement s'il ne faut pas voir dans ce troisième album d'Esham et son intitulé très subtilement repris à Ice Cube une critique sous-jacente de l'avortement. Au regard des paroles, il faut bien le constater : naaaaaaaan !!! Esham n'a pas encore été mis en cause par les médias pour avoir provoqué le suicide de plusieurs adolescents en collant des messages plus-que-subliminaux pour voir si ça marcherait (ça, ça sera avec Natas circa 95) mais il donne dans le bourrage de crâne pro-avortement à satiété, et pas du tout pour le plaisir de l'art ou du second degré... C'est beau, l'Amérique... Mètre-étalon, tout autant que son double prédécesseur, de l'acid rap, bref de ce hip-hop purement eshamien, objectivement médiocre mais bien plus gutsien que le commun de l'horrorcore, KKKill The Fetus est l'album d'Esham par putrescence. Comme le confirment "Jackie" et "Hot Booty", sex songs primitivement graveleuses comme du Professeur Choron bourré, il devait avoir à peine vingt piges quand c'est sorti, mais il ne mûrira guère par la suite de toute façon : deux fois trop de titres, deux ou trois purs tubes de la wicket shit à en extraire ("My Mind's Blowin Up", "Symptoms Of Insanity", et "Get On Down"... du sous-Geto Boys, autant que "No Singing" est du sous-NWA et "Helter Skkkelter" du sous-Ice Cube shooté à la soude... mais ça fait l'taf !), des morceaux vraiments malsains (ici mon choix se portera sur le titre épo, inmanquable pour les amateurs du lascar, ensuite sur "Voices In My Head", du Cypress faisandé, et surtout "Headache / Wet Day Dreamer", bien collantes et toxiques... et pas loin derrière sur "Headhunter" plus typée thug), ce flow décomplexé dans sa cartoonesque nullité typique de Esham, des instrus aussi digestes que des bonbons périmés (même si rapper sur du Alice In Chains, c'est déjà faire preuve d'une relative forme de goût - mettons ça sur le compte de la solidarité entre drogués), pour ce qui reste, définitivement, plus qu'un skeud affilié horrorcore, une version pouilleuse et chimiquement instable du g-funk telle qu'elle pouvait être perçue par les drogués de Detroit en ces temps troublés. Esham deviendra vite le cancrelat du hip-hop... Là, il n'est encore qu'un cancre. Ce qui est un anagramme de "cancer", en effet !