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Ras Kass › Soul On Ice

cd • 13 titres • 63:09 min

  • 1On Earth As It Is...
  • 2Anything Goes
  • 3Marinatin'
  • 4Reelishymn
  • 5Nature Of The Threat
  • 6Etc.
  • 7Sonset
  • 8Drama
  • 9The Evil That Man Do
  • 10If/Then
  • 11Miami Life
  • 12Soul On Ice
  • 13Ordo Abchao (Order Out Of Chaos)

informations

1995-1996

line up

Ras Kass (MC, production)

Musiciens additionnels : Bird, Vooodu, Michael Barber, DJ Battlecat, Michael Schlesinger, Reno Delajuan (productions)

chronique

  • weast cost

MCMLXVI > Soul On Ice... Ras Kass. Pour ce cas d'initiés, cet album culte mais inter-zones qui ne paraîtra tiède qu'aux amputés du thermostat musical (autre nom de la race non-exterminable des aveugles à la nuance et au moiré), je dois pour en honorer la beauté molletonnée molester les touches de mon azerty avec délicatesse. Mes pognes revêtent donc des gants de daim, un cure-dent taillé dans l'ébène vacille d'une commissure à l'autre de mon bec, en butant contre les arrêtes de mes canines débusquées par un sourire scélérat, et, tandis que le Remy Martin v.s.o.p. tiédit dans le verre adjacent et que fusent les premières secondes du maléfique "On Earth As It Is", ce Ras Kass me renvoie dès ces malsains prémices à un de mes meilleurs souvenirs de découverte en hip-hop. Pas le souvenir d'un coup de foudre grisant comme avec certains "classics" : juste une séduction fourbe, trouble. Fourbe et trouble : voilà c'que c'est Ras Kass. Un loir parmi les rats. Rappeur entre sofa et cercueil, rampant et articulant chaque menace, quadrillant astucieusement la cible avant son élimination, louvoyant pour la tromper dans quelques pistes smooth-laid back sous palmiers... avant de sortir le scalpel et le natron. Pas de low-riding écervelé ici. Si pour vous West Coast = 'rap insouçiant de jacteur à uzi déambulant dans l'avenue le cerveau réduit à l'état de chiotte à weed', arrêtez-vous sur Soul On Ice, et prenez la Leçon. Car ce sont de bien manichéennes considérations que voilà, mes orvets chéris. Ras Kass est en effet de ces MC's ambivalents, genre qui cassent le binaire en trois, me rassurant définitivement dans mon choix de ne jamais classer le hip-hop en castes "east" ou "west", car les choses ne sont pas aussi simples et les frontières floues... et Ras Kass est dans ce flou toxique, dans une sorte de zone incertaine, là où rôdent les rappeurs insaisissables, les rares qui soient dans ce point de Grâce située pile à l'intersection de la Singularité et du Contrôle. Ras Kass fait aussi partie des emcees qui ont établi l'équilibre des forces et niqué la légitimité d'une lecture géographique. New-York, si géométrique et atlantique soit-elle, n'est pas la Cité de tous les cerveaux du mic. Avec Ras Kass, Los Angeles devient gris et froid... Ce petit salaud est à l'époque dans l'affrontement violent qui oppose les deux côtes, mais plutôt que de la jouer g-funk comme certains demeurés en surpoids, il semble choisir une infiltration ninja en camouflage pour neutraliser l'ennemi, une opé feutrée de crevard insaisissable, à la façon du Predator en mode invisibilité dans les hauts arbres de la jungle. Soul On Ice sonne donc salement N.Y.C... mais un N.Y.C. difforme, sous perfusion de funky shit turquoise qui trahit l'origine insulaire ("Marinatin'"), mais jamais grossièrement gangsta malgré une semi-concession au cliché comme "Miami Life" qui n'est de toute façon pas la moins étrange du lot. Productions dark-smooth, succulement veloutées, moirées comme pelage de jaguar, samples volontiers suaves et flippés, beat sur huile d'avocat, bref : on est pas loin de ce que faisaient les Beatminerz à l'époque - côté ténébreux et vaporeux prononcé. Mais ce 6/6 que j'attribue en fin de chronique vaut aussi pour la touche suprême : les lyrics. La seringue sur le garrot. Pour qui est anglophone et se soucie des mots - ce qui est faire justice au hip-hop dont l'intérêt en provient pour bonne part je le rappelle aux fâcheux négligeurs de la 2ème dimension (le Verbe) - les paroles de Soul On Ice sont probablement au firmament du genre. Entre egotrip aguisé à mort ("Prefixes asphyxiate bitches who flips linguistics") et fibre mystique gorgée aux lectures saintes, théologisme, islam, panafricanisme et tutti quanti, qui renvoient de par leur puissance un MC respectable comme Akhenaton à un niveau très modeste et scolaire... Les fibres politiques et subversives de Ras Kass feraient en sus chier de honte n'importe quel rappeur prétendûment politique (à part peut-être Paris), son sens de la menace taquine sans problème l'ombrageux Jeru, tandis que la subversivité de son afrocentrisme et sa sagacité font passer KRS-One pour un boulet rébarbatif - ce qu'il est un peu de toute manière, il faut bien le dire ! Et moi qui m'était engagé à ne pas être brutal... Si je le suis c'est sur du velours, croyez-le. Parce que "Nature Of The Threat" est traversé par ce qui reste peut-être le texte le plus froidement efficace de Ras Kass... et parce que "Sonset" et "Ordo Abchao". Et que "Sonset"/"Ordo Abchao" sont certainement parmi les titres de rap que j'ai le plus écouté de ma vie, en boucle jusqu'à faire des loopings mentaux. Âme sur Glace, c'est le hip-hop 90's dans son versant le plus arrogant et crâneur - jusqu'à se permettre les plus puériles facilités à en juger le premier interlude, et être exquisément misogyne (la sex-song "Drama" avec... Coolio) - mais avec le quotient intellectuel et la vilainie indicible d'un Antwon Mitchell. Le flow de Ras reste à la fois dans les rangs du rap dit conscient à l'époque, mais il préfigure aussi les emceeings retors et biaiseux à la Latyrx, et par ricochet, les rappeurs sophistiqués des cliques Def Jux / Anticon (ressenti dont je ne parviens pas à me défaire). Ras Kass sait, comprend, analyse, encrypte et enchriste, flowant entre le cortex et le scrotum, doté de ce cerveau d'activiste tordu, il distribue les dragées de cyanure à ses ennemis comme des bonbons à un enfant innocent. Traque de mâle alpha sur coussinets de puma. Kiff' crémeux, définitivement... Un "classic" autant qu'un "unique", et si je conseille dans un murmure à ceux qui ne l'ont pas encore croisé malgré le culte certain dont il jouit, car son culte est plus que mérité. Un hip-hop diaphane, qui vous sonde dans le coton imbibé de son beat, et qui vous fascine pour quelques lunes diurnes.

note       Publiée le dimanche 23 mars 2014

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    nowyouknow Envoyez un message privé ànowyouknow

    Retour au hip hop après une bonne année sur la rive rock. 'Tain la version de Soul On Ice par Diamond D dont je parlais sur ce topic y'a deux ans c'est la version single d'époque en fait, avec un nouveau refrain et tout. Et c'est indécent à quel point elle ECRASE la version originale.. En fait je la connaissais plus ou moins car l'instru a été reprise par tous les freestylers possibles (dont Time Bomb). P'tetre son meilleur morceau en vrai.

    Note donnée au disque :       
    Raven Envoyez un message privé àRaven
    avatar

    Ras Kass est devenu un MC sans intérêt depuis un moment, mais son skeud de 2014 avec Apollo Brown est pas dégueu (même si nettement moins bon que Trophies avec O.C.)

    nowyouknow Envoyez un message privé ànowyouknow

    Dans la lignée des production de la côte est de l'époque. La rythmique c'est du boom bap basique mais il y'a quelque chose de doux et enveloppant dans les samples qui rend le tout très agréable et relativement unique. Je me suis pris d'une passion étrange pour ce rappeur. Malheureusement ce premier jet est son seul bon album, dès le suivant on a autant de trucs sympas que de grosses daubes. Le monsieur a ensuite eu un parcours compliqué avec des passages en prison et deux albums annulés coup sur coup au début des années 2000. Je les ai écoutés. Très très inégaux mais quelques bons trucs. Même si Ras Kass n'avait manifestement pas d'oreilles, de temps en temps il arrivait à gratter un beat à DJ Premier, Dr. Dre, Alchemist... Maintenant il essaie de se faire quelques biftons en vendant sa discographie en digital/cdr. Une approche assez artisanale mais qui lui a permis de sortir officiellement ses deux albums annulés, une version alternative de ce 'Soul On Ice', des archives des 90's, etc. C'est pas l'intégrale des Beatles mais y'a de bonnes surprises comme cet énorme remix de "Soul On Ice" par Diamond D.

    Note donnée au disque :       
    eric burden Envoyez un message privé àeric burden

    Si a chaque clic j'avais recu 2 centimes, je pourrais prendre ma retraite definitive.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo  Dioneo est en ligne !
    avatar

    ('Tain, j'avais lu "skatecore" à la place de ça-sert-d'os, ça va plus... Faut vraiment que j'arrête les blind dominicaux, les shooters/houblon expé (et les zoraires de sommeil décalés même quand la part diurne l'est pas, OK)).

    Sinon je nie avoir versé le moindre sou à Mr Phare-D'Eau, Éric. (Qui en plus me traite de non- dilettantisme...). Et pourquoi j'ai pas encore écouté ce disque, aussi ?! (Parce que ça cadrerait moyen dans mes trucs à grattes liquides-feux de ces temps ?! hum... Son heure viendra, vraiment. Trusting the Corback, en la matière).