Ils ont l'air bien jeunes encore à poser droits dans leurs bottes tournant le dos à la marée, les Heroes del Silencio...Pourtant ce premier enregistrement va se transformer en disque de platine et les propulser d'un coup parmi les groupes de rock les plus populaires d'Espagne. On comprend pourquoi après écoute car beaucoup d'éléments qui seront affinés par la suite sont déjà en gestation; on saisit également les raisons de leur popularité. Un peu à l'instar de Litfiba en Italie, le background new wave en moins (encore que les guitares cristallines et certains arrangements rythmiques auraient pu être piqués aux Smiths), nos jeunes artistes ont l'aisance des mélodies, l'usage de la langue espagnole pour satisfaire les masses mais également une touche épique, une portion de mélancolie aptes à contenter un public plus underground. Nous sommes encore loin des tendances plus sombres caractérisant l'opus suivant mais il est indéniable que le chant de Enrique Bunbury frappe par sa conviction et quelques élans écorchés, que le combo signe quelques belles mélodies telles que 'Mar adentro', 'Olvidado' ou encore '...16'. Inutile de nier que certaines manquent de pêche et que le parti pris d'une production épurée, un peu sèche (assez rock 80's en fait) nuit à la portée des instruments laissant le chanteur porter beaucoup du potentiel sur ses seules cordes vocales, tâche dont il s'acquitte à merveille. Des éléments qui seront corrigés dès la seconde galette mais qui ne dissimulent pas pour autant les éléments en devenir. Difficile de conseiller le moment adéquat pour découvrir 'El mar no cesa'; pour ma part, c'est plutôt mon enthousiasme pour 'Senderos de traicion' et 'El espiritu del vino' qui m'ont incité à me pencher sur la genèse de l'histoire mais il est évident qu'il tient mal la comparaison. D'autres opteront pour la suite chronologique, méthode pertinente pour suivre l'évolution et la maturation d'un réel potentiel. A noter que l'édition cd propose pas moins de deux bonus dont le beau 'Heroe de leyenda', relativement apaisé mais empreint pourtant d'une légère tristesse qui le rend délectable. De toute manière, une carrière se construit pas à pas, non ?