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Robert Johnson › The Complete Recordings

cd1 • 20 titres • 54:57 min

  • 1Kindhearted Woman Blues2:49
  • 2Kindherated Woman Blues2:31
  • 3I Believe I Dust My Broom2:56
  • 4Sweet Home Chicago2:59
  • 5Rambling On My Mind2:51
  • 6Rambling On My Mind2:20
  • 7When You Got A Good Friend2:37
  • 8When You Got A Good Friend2:50
  • 9Come On In My Kitchen2:47
  • 10Come On In My Kitchen2:35
  • 11Terraplane Blues3:00
  • 12Phonograph Blues2:37
  • 13Phonograph Blues2:32
  • 1432-20 Blues2:51
  • 15They’re Red Hot2:56
  • 16Dead Shrimp Blues2:3à
  • 17Cross Road Blues2:39
  • 18Cross Road Blues2:29
  • 19Walking Blues2:28
  • 20Last Fair Deal Gone Down

cd2 • 21 titres • 51:58 min

  • 1Preaching Blues (Up Jumped The Devil)2:50
  • 2If I Had Possession Over Judgement Day2:34
  • 3Stones In My Passway2:27
  • 4I’m A Steady Rollin’ Man2:35
  • 5From Four Till Late2:23
  • 6Hellhound On My Trail2:35
  • 7Little Queen Of Spades2:11
  • 8Little Queen Of Spades2:15
  • 9Malted Milk2:17
  • 10Drunken Hearted Man2:24
  • 11Drunken Hearted Man2:19
  • 12Me And The Devil Blues2:37
  • 13Me And The Devil Blues2:39
  • 14Stop Breakin’ Down Blues2:16
  • 15Stop Breakin’ Down Blues2:21
  • 16Traveling Riverside Blues2:47
  • 17Honeymoon Blues2:16
  • 18Love In Vain2:28
  • 19Love In Vain2:19
  • 20Milkcow’s Calf Blues2:14
  • 21Milkcow’s Calf Blues2:20

informations

Sessions enregistrées à San Antonio, Texas, les 23 (CD1, plages 1-13), 26 (CD1, plages 14 et 15) et 27 (CD1, plages 16-20, CD2 1 et 2) novembre 1936 ; à Dallas, Texas les 19 (CD2, plages 3-5) et 20 (CD2, plages 6-21) juin 1937.

L’édition Columbia de 1996 se présente sous forme d’un coffret long.

line up

Robert Johnson (guitare, voix)

chronique

La Légende aime ce type là. Pensez vous… Mort à vingt-sept ans – oui, c’est bien lui le précurseur, le premier du Club en son établissement moderne – après trois jours d’agonie, probablement empoisonné, qui plus est, ou bien d’une maladie grivoise, ou d’une autre aux poumons (le romantisme, vous savez… c’est persistant, dans tous les milieux – ça plaît toujours, vu de dehors, ce genre de délicat et hideux calanchage) ; ou des deux ; ou des trois. Avec sur le certificat cette grinçante épitaphe, et brève : "cause du décès – pas de médecin". Aussi, cette autre histoire – qu’il colportait, qu’il avait peut-être piquée tout simplement à un homonyme ; que d’autres répandaient pour lui ; dont on ne sait pas trop à vrai dire s’il fut brillant coup de pub seulement, s’il y croyait vraiment (pas dit que le gars ait été des plus équilibrés… j’y reviens plus loin) : Robert qui se perd, une nuit, au Croisement ; y rencontre le Diable, baisse les yeux et puis lui vend son âme ; et puis revient parmi les vivants en artiste accompli, tout singulier, jeu et voix transcendés lui qui la veille, piètre chanteur et guitariste, essuyait les quolibets des collègues et des payants. La blague… La blague ? Surtout, la question se pose : y aurait-il à en dire, au delà de ce séduisant typique ? De ces trois photos de beau-gosse un peu inquiétant à la virilité froide qui circulent depuis sa mort, illustrations parfaites de toutes ces semi-fables et fragments biographiques à jamais incertifiables ? Surtout, se pourrait-il qu’enfin on y vienne débarrassé des révérences que lui avaient fait – vingt cinq ans passés après sa mort – certains jeunes Turcs sur l’Île d’En Face, au temps de la pop et de la London Swingante ? Eh bien… À vrai dire, oui. Plus que jamais, dirais-je, ou plutôt : enfin. Car ces jeunes hagiographes – soyons clair, j’entends là : Rolling Stones, Led Zeppelin, Clapton etc. … – sont passés entre temps, au mieux au rang de briscards revenus de tout ou presque, au pire (et bien souvent) à celui de momies froides puis putréfiées puis plus rien, d’empaillés sur pied qui continuaient de s’agiter. Et puis ensuite, ce temps là même a passé, et ceux d’après les avaient peu ou prou oublié.

Alors, Johnson, on en fait quoi ? On reprend les textes, si on y tient. On tente de recouper, on trie, on se dit que comme une foule d’autres, Robert aura vécu dans le tumulte, la picole, la défonce, d’une ville et d’une maîtresse à l’autre, fuyant les maris et courant le cachet. Surtout, on l’écoute – ses cinq séances gravées se trouvent facilement, partout, souvent pour des sommes bien modiques – défait maintenant de quelques préjugés. Et l’on constate. On l’entend bien, la singularité. Si l’on a posé un peu l’oreille ailleurs dans les parages, avant, après dans les lignées et les répercussions, on est tenté peut-être de nuancer. Car oui, Johnson a sa manière. Sa voix particulière. Mais c’est la norme – ô paradoxe – dans ce genre, et ça s’entend pleinement, partout, sur ce qui nous parvient de tout ce blues d’entre deux guerres : chacun affirme ses traits, ses particularités, ses anomalies. Robert chante haut, souvent, perché, falsetto. Ça rend une atmosphère plaintive mais à la fois d’abandon voluptueux, souvent, panique et délire du lâcher-prise total. Possession si l’on veut – mais on se rappellera que c’est un métier, ça, ailleurs ; que des histoires d’esprits qui s’emparent, un type comme le Malien Farka Touré (Ali, oui), en racontera plus tard de bien semblables, à priori bien avant d’en avoir pu ouïr aucune, de ces terres d’Amérique. On se souviendra aussi qu’il n’était pas le seul. Qu’au jeu des aigus hantés, surnaturels, Skip James par exemple n’avait rien à lui rendre. Que celui là même, peut-être, en avait été pour celui-ci le modèle. Qu’il y en avait d’autres – au hasard : Tampa Red – qui dans des temps semblables en tiraient d’autres couleurs, douceurs, acidités, de ces histoires de tessitures poussées, forcées, conquises. On écoutera ce jeu de guitare, aussi. Singulier, donc, certes. Mais bien divers, aussi. Avec bien sûr ces notes filées, appuyées, vibrées, travaillées en fin de phrasé, qui ont tant marqué lesdits anciens jeunes précédemment cités, dans les années soixante. Avec ailleurs un jeu glissé – slidé – qu’on lui connaît moins, souvent. Avec partout ce sens rythmique bien personnel – vraiment pas étonnant encore une fois que les rockeurs les plus portés sur l’essentielle nudité s’y soient vu si souvent, l’aient repris, encensé… (À ceci près aussi qu’un homme seul peut se permettre de plus périlleux équilibres en syncope, encore).

Bien sûr… Il y a la manière, disions nous, et il y a son revers : dans ce blues là, en cette décennie, on reconnaît chacun ; mais très souvent, aussi, on entend aux chansons des morphologies semblables, récurrentes, des accents partout répétés. Oui… Mais Johnson comme d’autres – en fait de pacte et de talent soudain – les travaillait, ses traits, ses façons. Avec acharnement, souvent. Et jamais, au vrai, deux versions d’un même titre ne sonnent vraiment identiques. Presque toutes celles données ici en double – c’est à dire la majorité – offrent humeurs contrastées, parfois tranchées, subtiles inflexions de tempo, d’articulation, qui en changent la couleur. L’humeur. Celle-là varie, aussi, d’une séance sur l’autre. Celles de 1937 ont quelque chose de particulièrement… Habité. Comme une folie qui progresse ; embrassée, prise comme double, amie, alliée au moins – peut-être était-il là, le véritable pacte, Robert et ses démons, traits passionnels qu’il fallait contenir, maîtriser, laisser sortir et pavaner juste assez. L’imagerie, de plus en plus – Robert travaille, vous dit-on, sans doute aussi sa poétique – tire sur l’étrange, la circonlocution qui dit pire que ne ferait le brutal. Exils, fuites encore, intoxications. Verbe bizarre – la métrique implicite, triturée, des patois de classe et de milieu jouant aussi leur rôle de brouille et d’intrigant indice – qui culmine peut-être en ces très curieuses histoires de vache au lait bleui, en fin de liste, jolie coïncidence (Milkcow’s Calf Blues… Qui peut ceci dit tout à fait se prendre comme l’obscène métaphore d’un jeune solitaire rendu fou-fébrile par la contention séminale… Ce qui ne la rend pas forcément moins perturbante, d'ailleurs).

Mais… Laissons l’analyse. Elle a fait, elle fera, elle continuera si elle le veut – et vous, c’est à vous de voir – sa tâche. Qui est en substance, surtout, de nous libérer de ce que l’on croyait trop bien savoir. De la légende, donc. Afin qu’on puisse se saisir – justement – de la substance. Elle est à portée de main, en vente libre depuis cet autre siècle. En deux disques et quarante et une plages, à priori tout ce que cet homme a laissé en passant. On les écoutera, si l’on veut, en ordre aléatoire. C’est là peut-être que se révéleront mieux, entre autres, les contrastes entre les supposés doublons. C’est ainsi que sauteront le plus sûrement les fausses évidences – l’effet document alors court-circuité. C’est là que pourront poindre – puisque c’est là du blues, du fort, du non coupé : ivresse, chutes, encore une fois détachement surréel et pieds plantés au sol. Amers constats, appétits exaspérés, calmes anormaux, aspirations à être au monde (et pleinement enfin), du fond des taudis et sous les rampes en feu des scènes.

note       Publiée le jeudi 9 janvier 2014

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(Preachin Blues...). Pas les seuls - loin de là ! - qui aient puisé chez lui... Pas les moindres, non plus.

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DukeOfPrunes Envoyez un message privé àDukeOfPrunes
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Voilà, c'est bien celle à droite !

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ah ! Oui, j'étais tombé là-dessus tout à l'heure... Et il me semblait bien que je ne l'avais jamais vue, cette troisième, avant. Si on parle bien de celle tout à droite, là :

dimegoat Envoyez un message privé àdimegoat
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Je ne savais pas qu'il y en avait une troisième, incroyable! on dirait qu'elle est du même jour que l'autre photo aux bretelles. C'est toujours passionnant de se plonger dans l'histoire des ces gars, surtout lorsqu'ils la racontent eux-mêmes entre les morceaux, comme Blind Willie McTell, le meilleur des meilleurs!

DukeOfPrunes Envoyez un message privé àDukeOfPrunes
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En effet, de Robert Johnson seules deux photos nous sont parvenues, d'où leurs déclinaisons ad libitum. Enfin, c'était vrai jusqu'à récemment : un troisième cliché a refait surface. Il était conservé par sa belle-sœur il me semble. On voit le bluesman plus souriant. Nul doute que ce sera l'occasion de faire un joli vinyle 180g effet marbré, limité à 200 exemplaires numérotés et avec une guitare pop-up à découper ?

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Oui, ça semble bien être les mêmes, dans un ordre différent et avec une seule prise de chacune de celles doublées sur la version que j'ai chroniquée. Ce qui n'est pas étonnant vu qu'à priori il n'existe rien d'autre d'enregistré du mec que les cinq séances réunies ici !

Pas étonnant non-plus qu'il existe nombre de disques qui portent des titres genre "The Complete", "Anthology" et variantes possibles : lesdits enregistrements datent des années 1936/37 et, vue la célébrité, la légende qui s'étaient développées depuis les années soixante autour du mec et de sa musique, pas mal de labels et autres entrepreneurs devaient attendre que tout ça tombe dans le domaine public pour y aller de leur "disque définitif" - avec notes de pochettes plus ou moins passionnantes (et vérifiables ?) histoire d'apporter un minimum "d'inédit" sur un matériau par ailleurs trouvable facilement, comme dit dans la chro, et parfois en éditions vraiment pas chères (... avant que le téléchargement existe, ça jouait).

Tu remarqueras aussi que pratiquement tous ces disques ont sur la pochette soit la photo visible ci-dessus - Robert en costard-chapeau classes avec sa gratte - soit une autre, en plus gros plan, où il est en chemise/bretelles, le clope au coin du bec, recadrées, retournées parfois, ou des dessins, illustrations etc. inspirés de ces mêmes photo. Sans doute pour des raisons de rareté comparables : de même qu'il n'existe à priori que ces 29 morceaux/41 prises de la musique du gars, il semble bien qu'il y ait assez peu d'images, en lus de ces deux-là, qui nous soient parvenues. (On va dire aussi que tout ça doit participer à entretenir le mystère, aussi, "l'aura" du type et de sa musique).