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Clock Dva › Thirst

cd • 9 titres • 44:41 min

  • Face A
  • 1Uncertain7:04
  • 2Sensorium2:36
  • 3White Cell4:38
  • 4Piano Pain3:15
  • 5Blue Tone5:57
  • Face B
  • 6North Loop4:50
  • 74 Hours4:00
  • 8Moments6:25
  • 9Impressions Of African Winter5:26

informations

Enregistré par Ken Thomas au studio Jacobs, Surrey. Produite par Ken homas et Clock DVA.

Notes de pochette par Genesis P. Orridge.

line up

Charlie Collins (saxophone, flûte), Adi Newton (voix, clarinette, bandes), Roger Quail (batterie), Steven "Judd" Turner (basse), Paul Widger (guitare)

chronique

La soif résiste à tout. Violente insidieuse, rien ne l’éteint. Grands déluges froids, incendies. Elle ne parvient à rien détruire complètement. On enquille, on noie, on tente même de se laisser dériver – même de couler, enfin, sous la surface glauque, les remous d’émulsions malsaines, les flottis de matières décaties. Rien n’y fait : l’œil demeure ouvert, sur les plafonds fixes et les formes mouvantes ; c’est toujours cette foutue peau, encore innervée, que mordent les ulcères et la glace ; le regard, au fil des errances qu’il capte, saisit toujours l’éclair d’une beauté qui n'est pas sublime colifichet de série, qui se tient dans l’instant, la grappe d’instants, que la main se tend pour toucher ; le souffle, cet autre fugitif, traqué, trahit la présence ; au fond de l’haleine corrompue subsiste le sang qui maintient l'organe tiède… De l’échec de la musique industrielle – de son projet, puisque justement elle s’est faite musique, même démolie, plutôt que table rase – il reste aux revêtements des façades et parois, aux plafonds en cintres pétés et aux dalles poissées des bâtiments en friches où jouent les subsistants, en cette année 1981, une drôle d’inexpugnable fumée. L’assaut s’est brisé. Les factions franches n’ont rien lâché. Les individus passent et se parlent encore et reprennent les outils. L’un des buts, au moins, a été touché. Le bruit de l’impact fait résonances. Transformées, bousillées par les vicieuses architectures, enveloppes déchirées, éclatées. Construire des débris, directement, les façonner depuis le brut – contre l’art mort qui les assemble et tout aussi crevés les empile en marchés. Throbbing Gristle éclate. Psychic T.V. – avec entre autres Genesis P. Orridge et Peter Christopherson, rescapés de ladite unité de saccage – invente ses premières prières, ses blasphèmes et communions fluo rose, velours et fourrures polymères qui attaquent l’encéphale pour se répandre depuis le centre. Chris & Cosey – Chris Carter et Cosey Fanni Tutti, ce coup-ci, l’autre moitié – lancent leurs premières incantations kitsch et salopes, intoxicantes, déroulent déjà les rituels aux fumets de chair et de plastique sorti d’usine, ombre aux devant des nuits à venir où d’autres emballeront les fluides, les piégeront aux pouls électroniques. Cabaret Voltaire cisaille déjà, syncope les bad trips jubilants, l’hallucination qui tache la cornée de gélatines où flottent les particules… Clock DVA, de leur côté, sortent un album. De musique, donc. Montée en cassures. Striée dans la masse avant mise en service. Paquet de noirceur et de flashes, profondeur attirante et frissons de répulsion. Musique pleinement, oui – des revers et de ce qui pousse pour les écarteler. La voix d’Adi Newton n’a rien perdu de sa puissance de hantise, solide et mâle mais séquestrée, secrète, inquiétude impénétrable. Les mots des mauvais rêves s’énoncent – itérations objectives, scènes aux contours durs, arêtes qui heurtent la vue, percent les brouillards d’acides. Les guitares et batteries, les basses, prennent à la New Wave, aux martèlements aussi de ce nouveau genre soit disant "indus", aux roulements de rotules et billes d’acier du post-punk – tous genres contemporains, idées reprise au pillage du projet – leur force mécanique, leur éreintée continuité, la fiable indifférence de leur scansion. Jouées, encore, ici, produites par les corps faillibles : effort pour tendre à la machine ; affirmation, en même temps, d’organique pensant et parcouru d'impulsions, canaux, tissus. Les clarinettes et saxophones trouvent des techniques – ce merveilleux sifflement continu et modulé sur Four Hours, qu’on croirait d’abord issu d’un circuit maltraité – édifient des fragments et les jettent dans la masse. Leur jazz est soubresaut, leurs anches crient : contraires. Deux êtres dorment au creux du noir où se love la chaleur ; le narrateur les regarde, voyeur envieux, emphatique, les rejoint dans leurs songes ; on ne saura rien d’eux, c’est ce qui en fait nos semblables. Tranquillement, Costume Noir, au réveil, va travailler sans qu’on le force, sans le vouloir, sans plus se soucier du désir – et sans savoir pourquoi, une gêne dans son oreille souffle nettement : fraternité. Le chaos, entre tous, se coule en seul liant aux rues trop rectilignes. La solitude est seule posture lucide – et lieu où sourdent les voix qui veulent aimer. Ce n’est pas pour rien si le groupe – au milieu de tout cet étrange courant, de ses pairs disparates – s’empare comme les autres de tous ces signes de malheur et autres échos bruités. Des littératures fracturées et produites à la chaîne – polar ou Dada, c’est le verbe qui se retourne contre l’envoûtement pour enfin le dénuder. Des ambiances films-noir-de-suies. Des musiques défaites et des gravats natifs. C’est pour l’effroi, la séduction, parce qu’ils énoncent dans l’impossible ce qu’on veut voir au monde. Clock DVA, une fois de plus, à bougé. La musique ici jouée trouve une forme instable, provisoire ; impossible à nier, pourtant ; objective et personnelle, touchante et détachée ; lucidité qui se glisse à l’intérieur du ventre. La pluie martèle un capot sale et les gorges sèches se serrent. La paupière cligne et le verre, vidé, se craquelle. Pour la nuit, les machines se sont tues. Un seul de ces hommes, à l’aube suivante, tentera d’y glisser d’autres inflammables pour bouter l’étincelle. Ce seront d’autres manques, tiraillements, d’autres élancements qui viendront se planter aux brisées des fabriques.

note       Publiée le mercredi 11 décembre 2013

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    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
    avatar

    Man-Amplified est effectivement une perle de l'electro zone quarantaine 80's...

    novy_9 Envoyez un message privé ànovy_9

    "Digital Soundtracks" et particulièrement "Sign" sont des perles de la musique électronique, il y a une sensualité dans certains morceaux qui est rarement atteinte dans ce style de musique.

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    J'adore surtout Buried Dreams, celui qui m'a fait découvrir le groupe (le morceau Sound mirror, précisément). Je n'étais pas pret à découvrir la première partie à l'époque, et puis c'est venu logiquement.

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    cyberghost Envoyez un message privé àcyberghost

    Très clairement un truc à part, et des phases carrément hypnotiques... Advantage m'intrigue pas mal, j'avais testé pour Tortured Heroine (que Phallus Dei avaient repris sur cyberfesse), et ça m'a donné conscience de certains aspects du groupe, notamment de la possible influence qu'ils ont pu avoir sur un James Plotkin dans le cadre de pas mal de ses projets - je ne fais que supposer cela dit ...

    Allez, faut déjà que j'écoute ce putain d'coffret

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    novy_9 Envoyez un message privé ànovy_9

    je comprends tout à fait ton opinion, ce qui est intéressant avec les groupes de cette époques c'est qu'ils ont tous eu le m^me parcours à peu de choses près, début industriel, incursion ambient, passage à l'electro, à la techno et retour aux sources, avec plus ou moins de réussite pour certains de ces groupes. Clock Dva est je pense celui qui est resté le plus inspiré avec Chris & Cosey, les Cabs ont fait quelques albums mitigés, PTV aussi ... J'adore Clock Dva période electro :)))

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