J'ai découvert Sonic Jesus au parfait moment étant dans une période où je suis particulièrement réceptif à cette forme de psychédélisme sombre et mystique croisant le Velvet Underground avec Jesus and Mary Chain et un zeste de garage blême dont plusieurs groupes islandais se font les chantres (Singapore Sling, Dead Skeletons...). Les Italiens proposent tout ce dont j'ai besoin pour étancher ma soif, une rythmique lourde, peu véloce, apte à placer la pulsation de la transe sur laquelle se greffent des murs de guitare aux accords réverbérés, brumeux, parfois plus grésillants complétés par un jeu d'orgue, quelques bribes de Theremin et le tintement obsédant du tambourin. Et l'on se prend à dodeliner du corps comme des automates au pouls de ces beats lancinants, de ces nappes que l'on se croirait presque forcés de déguster dans un nuage de ganja à la lumière crue des néons. La voix est lointaine, passée aux effets, renforçant l'aspect désincarné du chant. Pas d'impression d'étouffer mais presque. Un sentiment confortable, cotonneux mais légèrement inquiétant comme si tout pouvait dégénérer à tout moment, une forme de spiritualité interlope, envoûtante et délicieusement toxique. Quatre compositions, c'est toujours bien peu et il est clair que malgré leurs qualités, elle ne transmettent que partiellement la touche chamanique dégagée lors des concerts; toujours est-il qu'elles expriment clairement le potentiel du groupe qui s'y entend à nous hypnotiser par ses mélodies en boucles, ses ambiances mystiques (le jeu clair de guitare sur 'It's time to hear', les montées d'orgue répétitives), elles ralentissent le temps pour permettre à chacun de se désincarner, de se laisser emporter par la musique...Rien à voir avec une quelconque philosophie patchouli de hippies, cette spiritualité-là est plus obscure, sans véritable dieu que le son lui-même. Une forme de psychédélisme pour gens vêtus de noir et portant Ray Bans foncées même au coeur de la nuit.