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Sun Ra › Other Planes Of there

  • 1964 • El Saturn El Saturn 206 • 1 LP 33 tours
  • 1992 • Evidence ECD22037 • 1 CD

cd • 5 titres • 47:37 min

  • 1Other Planes of There22:01
  • 2Sound Spectra / Spec Sket7:39
  • 3Sketch4:46
  • 4Pleasure3:10
  • 5Spirale Galaxy10:01

informations

Enregistré à New York City, 1964

line up

Marshall Allen (saxophone alto, hautbois, flûte), Roger Blank (batterie), Ronnie Boykins (basse), Robert Cummings (Ronnie Cummings) (clarinette basse), Danny Davis (saxophone alto, flûte), John Gilmore (saxophone ténor), Ali Hassan (trombone), Lex Humphries (batterie), Walter Miller (trompette), Teddy Nance (trombone), Pat Patrick (saxophone baryton), Bernard Pettaway (trombone basse), Sun Ra (piano)

chronique

C’est l’un de mes passages préférés, dans les Chroniques Martiennes (le recueil de nouvelles, la belle et fine parabole dupe de rien, l’œuvre légère et profonde publiée par Ray Bradbury en 1950). L’un des plus touchants et des plus drôles. Où se mêlent, où se maillent amère ironie, humour lumineux, hymne et oraison… Les Noirs des États du Sud, dans cette histoire – lassés des affres de la sous citoyenneté, de la ségrégation continuée, de sa violence et ses brimades, désireux comme tout le monde de découvrir ces nouvelles terres avérées habitables sur une lointaine planète (Mars, donc) – ont mis en commun tous leurs biens pour faire construire en secret LEURS fusées. Réservées à leur usage. Ont décidé de décoller – tous, en masse, sans exception aucune, en embarquant même ceux que les Autres avaient toujours tenu pour idiots du village – partout le même jour, à la même heure exacte. Abandonnant derrière misère, persécutions… Je ne sais pas si Sun Ra avait lu Bradbury. J'ignore si l'écrivain, lui, a jamais entendu la musique de l'Arkestra. Mais il y a de ça, en tout cas – métaphoriquement, coïncidence ou pas – dans cet Other Planes... : D’excellents musiciens de jazz – ignorant délibérément le spectacle vulgaire, la routine des amuseurs – leurs véhicules assemblés, soudés, boulonnés pièce par pièce, décollent de leurs bases pour le Pays Nouveau. Sans cesse, sans relâche. Autres avions – ou autres plans : d’évasion, de conquêtes. Nouveaux vaisseaux en partances perpétuelles, trouvailles que l’équipage ne brûlera pas derrière lui mais fera flamber sans cesse. L’ensemble, à cette époque – en 1964, l’Arkestra est à New York, pour quelques années – semble trouver, encore mieux, son rythme propre, sa pleine mesure, l’entière maîtrise de ses moyens, de sa philosophie. Le savoir, l’art d’Architecte, d’Ingénieur de Ra – qui depuis des années s’affinait, mûrissait, prenait force et subtilité, travaillait les racines profonde du jazz pour en faire pousser des surgeons neufs, mutés, adaptés pour transformer d’autres mélanges gazeux, de nouvelles atmosphères – se déploie là dans une dimension nouvelle. La génère, l’invente. L’explore en même temps – maintenant – qu’il la réalise. Cette musique, d’ailleurs, est-elle encore du jazz ? Sans doute : en substance et couleurs, en comptes et en timbres, dans ce qu’elle continue et ce dont elle se libère. Mais ailleurs, justement. Affranchie, donc – elle, pour de bon – de toutes inhibitions, niant l’aliénation au moment de trouver l’étrange. Pas comme le Free, pourtant, comme moment ou comme mouvement d’ensemble éclaté, arrachant – qui serait une lignée distincte, parallèle ou incidente dans l’histoire qu’elle raconte et poursuit, dont elle s’empare et qu’elle transforme. C’est l’instant où l’Arkestra touche ou dévoile enfin ce sens d’une harmonie propre – énigmatique et évidente, agrégats de fréquences et lignes longuement glissées, atmosphères épaissies, égaillées sur un infime pivotement dans l’unisson ou les frottements de la section de cuivres. Celui, aussi, où les plages peuvent s’étendre au delà du raisonnable admis – le morceau titre, en ouverture, passe les vingt deux minutes, tout juste – sans cesser une seconde de captiver, basculer plusieurs fois sur son axe, infléchir ses orbites sans nous perdre, jamais, lassés que nous serions de ces circonvolutions. Celui où les solistes, aussi, dévoilent des techniques sans pareilles, qu’on pourrait croire même sans précédent – une expressivité pillée aux traits véloces et déchirés du bop mais poussée plus loin, encore, défaisant le formalisme des gammes dévalées. C’est Marshall Allen, sans doute – même si ce n’est pas encore, certes, pour les faire jaillir en solos arrachés, en éclairs mercuriels – qui tient d’ores et déjà le haut du spectre, surmonte l’attraction en suraigus filés, exhalés, là en nuages étales et flammes électriques dont il se fait un territoire. C’est John Gilmore, très certainement, qui envoie depuis la base ses heurts et grondements métalliques, sa véhémence charpentée, lancées totalement libres et complètement tenues, qui visent toujours juste – en instant t., en longitude et latitude – au bout de la trajectoire, orbite ou retombée. Singulièrement, aussi, ce sont les percussions qui trouvent là leur parfait usage – incroyable dynamique, scansions et secousses des épopées, pouls dramatique qui remue la matière des chapitres contés, roulis des épisodes qui nous happent en leur vie. Ce point ci de la saga est peut-être celui où vient s’ancrer toute une tradition à venir, dans la musique, la culture américaine. De Jimi Hendrix – qui prêtera aux hommes noirs des origines extraterrestres, qui effleurera cette même mythologie dans certains intitulés (Third Stone From The Sun, South Saturn Delta…) – au Vaisseau Mère de Parliament Funkadelic, de Clinton et se cohortes… Il est en tout cas – cet âge ou l’Arkestra affirme son envol – le point où la musique de Sun Ra, sa Geste Cosmique, devient une entité complètement originale, en toute possession de ses buts et de ses moyens. Le moment, aussi, où sa poétique – en même temps qu’elle développe en détail son arsenal symbolique, ses stratégies scéniques, scénographiques, même – se fait la plus littérale. Les titres, ici, sont en fait descriptifs. Sound Spectra – c’est une exacte définition ! Sketch – une durée, une idée dans sa forme achevée, irréductible. Pleasure… C’est bien de ça qu’il s’agit. Cette musique est séduction, ravissement, plasticité des sons qui se combinent, se mêlent, émergent et fondent en inouïes voluptés. C’est là que les Galaxies Trouvées – abstractions sidérales, concrétions tournoyées en spirales ultrachromes – nous impriment leurs forces, centrifuges et centripètes. (C’est qu’il ne s’agirait pas de manquer le départ).

note       Publiée le jeudi 22 août 2013

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    commentaires

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    gregdu62 Envoyez un message privé àgregdu62

    Surtout un gros coup de cœur pour Spirale galaxy

    Note donnée au disque :       
    boumbastik Envoyez un message privé àboumbastik

    Comment trouver les bons mots pour décrire cet OVNI ? Ben lis la chro, cono ! 1964, ah la vache !

    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Faudrait que je la lise aussi, mais c'est toujours à coup de 500 pages. Avant, j'ai celle de beefheart par john french (qui ressort dans les 20 euros en octobre), et celle du BÖC si j'arrive à la chourer tombée du camion blanc.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    De rien... Et nonpe, pas lu la bio. Y a un recueil d'entretiens avec John Sinclair, aussi - celui des White Panthers et du MC5 - apparemment. Ça m'intéresserait bien de lire ça (plus pour l'interviewé que pour l'intervieweur, nettement, vu qu'il m'a toujours donné l'impression d'aller un peu nulle part dans ses pérorations, le Jojo... Mais bon, sait-on jamais).

    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    merci pour le lien; sinon tu as lu le Space is the place - la biographie?