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The Lounge Lizards › The Lounge Lizards

1lp • 13 titres • 38:52 min

  • 1Incident On South Street3:21
  • 2Harlem Nocturne2:04
  • 3Do The Wrong Thing2:39
  • 4Au Contraire Arto3:22
  • 5Well You Needn’t1:53
  • 6Ballad3:22
  • 7Wangling2:58
  • 8Conquest Of Rar3:12
  • 9Demented2:01
  • 10I Remember Coney Island3:27
  • 11Fatty Walks2:51
  • 12Epistrophy4:12
  • 13You Haunt Me3:40

informations

Enregistré par Frank Laico et Ted Brosman aux studios CBS Recording, New York, les 21, 22, 28 et 29 juillet 1980. Mixé par Don Puluse aux studios CBS Recordings, New York, les 6, 14 et 15 août 1980. Produit par Teo Macero.

line up

Anton Fier (batterie), Arto Lindsay (guitare), Evan Lurie (claviers), John Lurie (saxophone), Steve Piccolo (basse)

chronique

D’aucuns appelleraient ça du jazz de Blancs. Un peu raide. On leur répondrait que oui, en effet. Que c’en est même du blafard, du hâve. Et les jointures livides, aussi, de se crisper sur les instruments. On hasardera même que du jazz, ça n’en est peut-être pas tout à fait, pas seulement – ou simplement, pas comme ils l’entendent. On en remettra sur cette histoire de Raide, aussi. En avançant que pas qu’un peu, en fait, que si ça se trouve dans bien des sens du terme. Que ça fait ça, les nuits sautées, les repas quand on peut, et peut-être bien quelques substances assorties qu’on s’enfile par diverses voies, OK. On leur rappellera que curieusement, par contre, en matière de groove, le dénommé Lurie – John – avec sa longue face pâle, avait d’abord appris, tout jeune, en jammant avec ces incendiaires de boogie qui s'appelaient Canned Heat – avec le vieux Mississipi Fred McDowell, aussi (qu’on ne pourra guère soupçonner, lui, d’avoir eu le teint un peu trop saxon pour l’affaire). Que c’était du temps où lui tenait encore l’harmonica, seulement, question bidules dans quoi on souffle. Et puis oui, on acquiescera : que tout ça en faisait peut-être un bien curieux, de barouf… Que cet Arto Lindsay, là, tout juste sorti de DNA, avait l’air de tenir, en effet, à nous scier le crâne, à faire imploser nos molaires agacées déjà par trop de café, avec ses non accords délibérés, déments, ses crissements et décharges secs, ses assauts surprise de sournois maniaque – toute en nerfs, la brindille. Qu’Anton Fier, à la batterie – passé, lui, par les Feelies – avait certes ce même quelque chose de spasmodique ; qu’on lui aurait bien soupçonné la sourde intention de crever ses peaux, lui, si ce n’est les nôtres ou celle, au hasard, d’un autre contrevenant. Que Lurie – Evan, le deuxième – ne se privait pas trop non plus pour essayer de nous dissoudre avec ses nappes qui déraillaient dans l’aigu discordant, ses doigts qui giflaient et frottaient d’un extrême à l’autre des claviers. Que – c’est vrai, il existe d’autres choix – ça ne s’enfonce pas forcément toujours comme ça, les touches, si brutalement, si vengeur… De fait, en terme de swing, de syncope, de note bleue – de jazz, disions nous – les Lounge Lizard première mouture envoyaient sec, très sec. Teigneux. Crachaient du bruit pas content mais pas en grands flots dissolvants, en torrents de larsen. En frappes ultra tendues, plutôt, la hargne à l’estomac serré compensant le déficit de masse musculaire – regardez un peu leurs carrures, à ces types, sur la photo. Bizarrement cadré d’ailleurs, le cliché. Tout y tient, les marges ont l’air égales mais un truc semble déconner, avec la ligne orange, au dessus. Voilà : les Longe Lizards de ces débuts, c’était une espèce jazz décadré – mais ils ne vous disaient pas de combien de degrés, les angles de torsion – mal embouché, crayeux ; une musique qui avait les crocs, l’ambition de ne pas faire pareil ; des jeunes gars qui voulaient bien jouer en club – cravates étroites et gomina, chemises blanches repassées, impeccables – mais sans se priver pour ça de faire grêler la pierraille. Un jazz de film noir certes, même – mais qui n’oubliait pas, alors, que le polar, à la base, était un genre qui montrait crus mensonge institué, déchéance des rues, des patrouilles, corruptions d’échoppes, de mairies, de parlements, outrages constitutionnels. Même le vieil Harlem Nocturne – si, vous savez, le thème de la série Mike Hammer, justement… Vous vous rappelez, d’ailleurs, comment ça finissait, ce film, là : Kiss Me, Deadly ? – avait l’air, ici, de vouloir en découdre, arracher sa mesure, en finir au plus vite. Ce premier disque est encore innervé - trente ans et plus passés – travaillé, percé à des points de sa surface, vrillé en profondeur, d’un bizarre inconfort. Comme une frustration, chez ces musiciens, de sentir leurs propres limites, de s’y heurter. De se rendre compte, peut-être aussi, que de cette scène qui refusait justement d’en être – tous ces jeunes gens, d’une manière ou d’une autre, des estrades où ça se jouait ou des parterres où ça pleuvait, venaient de ce feu de poste électrique qu’on avait nommé No Wave – les directeurs artistiques et autres souteneurs essayaient déjà de faire des écuries, des réservoirs à idées pour leur prochains produits finis. L’immémorial usage perpétré par l’industrie sur les pionniers, en fait. (Il y a une scène assez drôle et très grinçante – littéralement aussi, d’ailleurs, sur le plan sonore – qui raconte ladite pratique telle que continuée précisément à cette époque dans le film Downtown 81, avec Jean-Michel Basquiat, James White, Tuxedomoon et quelques cintrés notoires qui frayaient dans ce bizarre secteur). Curieusement, l’attitude adoptée par ces cinq là tenait moins – dans le geste, l’esthétique, la stratégie et les tactiques de l’explosion free que… Du Be Bop. C’est à dire, historiquement, de la crise contradictoire. Les structures des morceaux n'étaient pas saccagées, pas abolies. Tout ce qui s’y jouait, à la place, était rongé, compressé, étranglé, arraché en suivant le guide – arêtes exhibées, cassures exagérées. Toute décharge, aussi directe soit son impulsion, était pervertie dans l’intention, retournée contre la fête béate, parasitée – Do The Wrong Thing, c’était une injonction, un manifeste. Tout naturel consistait à vomir les toxines en rafales de petit plomb, déchiqueté plutôt qu'écrasant. Et lorsque venaient les standards – à part le générique télé déjà évoqué – c’est par Monk, par deux fois, qu'ils s’en prenaient à nos côtes… Voilà donc un premier disque qui fait toujours de beaux horions. Violence cérébrale, crachat de la clope de trop, baston osseuse. Un album de boppeurs, j’insiste, mais d’un genre singulier : tout juste capable de jouer leurs trucs alambiqués – tous allaient développer bientôt des techniques toutes personnelles, certains même jusqu’à toucher une certaine forme étrange de virtuosité, mais pour l’instant tout était livré sur le fil, à deux doigts de la chute. D’autres œuvres, plus tard – les frères Lurie restant à peu près les seuls membres fixes du groupe – trouveraient une autre forme d’inventivité, moins fruste, une sophistication d’écriture qui pour autant n’étoufferait pas l’énergie… Quelque chose de plus joueur – ou avec d’autres jouets que ces lames-ci et leurs accrocs, disons. Voici, pour l’heure, trente neuf minutes à peine, serrées, qui sentent encore l’aigreur des crépuscules poussés jusqu'aux aurores et au delà, des aubes de sueur séchée, de cendriers qui dégorgent. Voilà un disque de jazz à la peau grise, luisante d’être tirée. Voici treize titres aux cernes bleuies, et qui vous choppent – comme alors sûrement ou peu s'en faut sans doute – d’un regard planté, l'émotion qui se planque ou qui bouillonne derrière la fixité : "casse toi" et puis "viens là, écoute, encaisse". D’un même geste bref et assassin dans l’air que les émanations, encore, délavent.

note       Publiée le lundi 12 août 2013

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    ricco Envoyez un message privé àricco

    "voice of chunk" est leur meilleur album !!

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Beaucoup moins de guingois - ou en tout cas plus pour les mêmes raisons, euh, "techniques" - et plus sophistiqué dans l'écriture et le jeu, le Queen of All Ears... Et en fait il n'y a que les frères Lurie en commun entre les deux disques (et sur à peu près toute la disco, si j'ai bonne mémoire). Proggy en avait mis un morceau dans une de ses radios, en passant (Yak, avec un John Lurie bien absurde à la narration qui s'emballe).

    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    et a la rapide ecoute d'extraits leur dernier dont tu parlais dio, a l'air vraiment allechant

    Note donnée au disque :       
    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    enfin en copie propre, grace a M. Mangetout! Je me souvenais pas totalement du contenu. Ca lorgne toujours vraiment vers le jazz, cf la pochette (hommage au Jimmy gouffre trio?) et la version de Well you needn't; C'est surtout la batterie qui ne swinge pas du tout et porte leur musique ailleurs.

    Note donnée au disque :       
    drÖne Envoyez un message privé àdrÖne

    Vus en concert en première partie de Nick Cave, dans les années fin 80/début 90, à Paris. Nick Cave + Lounge Lizards : ça en dit long sur le type de "jazz" que Lurie et ses potes faisaient, en effet ;-)