Blood Ceremony › The Eldritch dark

C'est dans une prairie bordée d'arbres au milieu du bois, à la tombée du crépuscule, que j'ai rencontré Alia pour la première fois. Elle n'était pas seule car accompagnée de trois hommes mais avec ses cheveux jais, sa longue robe de druidesse, il était évident que c'était elle la reine du sabbat. Les insectes et les pollens flottaient dans l'air vespéral, un mélange d'essences qui m'étaient inconnues se mêlaient à l'odeur du feu de bois autour duquel étaient rassemblée une troupe bigarrée d'hommes et de femmes vêtus de longues tuniques blanches. Une impression atemporelle semblait ceindre l'instant. Ce fut alors que la musique s'éleva dans l'air, que les esprits anciens furent invoqués au son des flûtes, du violon, des percussions...Ainsi aurais-je pu fantasmer ma découverte de Blood Ceremony, ce merveilleux groupe canadien dont les compositions me transportent depuis leur premier album, mais la vérité nue et crue est que c'est une platine cd qui diffuse les morceaux de leur troisième essai, que je suis dans mon appartement loin de toute clairière et qu'en ville, les fantômes anciens se manifestent rarement. Ce disque justement était très attendu des fans après les deux prédécesseurs qui avaient assis le style du combo et quant à moi, je suis tout sauf déçu. Certes, ceux qui décrient le revival hippie occulte psyché plutôt en vogue actuellement ne vont pas se réconcilier avec Blood Ceremony car c'est un pas supplémentaire dans cette direction qu'ils ont franchi, aux détriments de l'aspect metal. Les instruments acoustiques (flûte, violon, guitare sèche) n'ont jamais été aussi présents apportant une coloration folk plus marquée, même si nos Canadiens ne renient nullement l'électricité post-Black Sabbath, les sonorités psychédéliques tremblantes de l'orgue, partie intégrante de leur patte; c'est juste que les arrangements n'ont jamais été si riches et soignés, plus groovy également. De ce point de vue, la basse de Lucas Gadke tire particulièrement bien son épingle du jeu. C'est également lui qui interprète la splendide ballade 'Lord Summerisle' dans la plus pure tradition folk mélancolique des 60's. En termes de mélodies, c'est toujours un régal tant ce disque regorge de morceaux imparables: le magnifique 'Goodbye gemini', 'Drawing down the moon', 'The eldritch dark', 'Witchwood'...Mystiques en diable, les chansons de cet album témoignent non seulement du savoir-faire dans une formule désormais bien établie mais également de la capacité des artistes à la renouveler et à la faire évoluer. Oui, le coup du rituel dans la clairière un soir d'été, ça m'aurait vraiment plu mais il suffit de fermer les yeux et de pousser le son.