Prodigy x Alchemist › Albert Einstein

Blase "what-the-fuck?" (ce titre a vraisemblablement été choisi d'après le prénom en civil de Prodigy et le caractère "scientifique de la prod" de Alchemist), pochette dark collage, retour aux affaires d'un Pee ressorti de taule pour la é-nième fois, ressassant sa street credibility sur des beats puant 2013 - c'est à dire quelque chose qui a dépassé le stade du sombre, du synthétique et du too much : cet album avait rien pour me faire espérer de grandes choses, j'aurais logiquement dû le zapper... même s'il a en réalité pas grand chose de très marquant : c'est plutôt un genre de manoeuvre à froid, un geste technique de vétérans passés ringards, un album sans concept sans histoire ni justification autre que... gratuité ludique, re-re-re-re-egotrip pour ceux qu'en avaient pas assez bouffé, en mode "humeur de merde", "trop vieux pour briller" et "mes bras sont des cures-dents mais mon haleine de vieux fauve va te filer la chiasse". Pas de retour à la morbidité des vieux Mobb Deep ici. Plus possible. Plus besoin de menacer pour défendre le terrain... le terrain est dominé par la jeunesse clinquante et pullulante, on y zone avec sa berline un peu crade et vintage sans avoir besoin de prendre l'air mauvais vu que l'oeil est tellement cerné et torve qu'on l'a naturellement ; on essaye de retrouver ses graffs de 93 sous la couche de nouveaux symboles chelous, avant c'était pas internet c'était les braquages les fantasmes de meurtre, maintenant on rackette du clodo en coma éthylique, on survit avec sa gueule burinée dans les dédales bruns de Queensbridge, comme une panthère aux pattes fatiguées fuyant ses créanciers entre des labyrinthes de putes... Le lascar "P" n'est bien que ce qu'il peut prétendre à être sur ce skeud : un rappeur quadra usé par les merdes de la vie, avec quelques sursauts de charisme de celui qu'il a été autrefois, condamné à radoter ses gloires adolescentes, et à répandre beaucoup d'aigreurs... et c'est quand même mieux que son délire blaxploitation mal assorti ou ses HNIC sans tenue. Albert Einstein c'est ptêtre même mieux que les deux Gangrene, tiens, vu qu'au final ça n'en est qu'une séquelle noble et qu'on y retrouve les mêmes boucles toxicologicielles vaguement nauséeuses typiques d'AlchEmist. Qui lui a jamais été aussi inspiré à ma connaissance, se faisant de plus en plus plaisir avec l'âge, piquant des effets à droite et à gauche et alignant les instrus chimiquement actives avec l'aisance d'un oncologue tchernobylien. A.E. est pas juste bien torché de l'instru : il sent quelque chose...et ce quelque chose s'appelle la fin. La fin des négociations, la mise à pied, le truc que tu vois arriver dans Orange Mécanique quand la bouteille de lait se fracasse sur sa face... Prodigy est quasi le seul protagoniste au sein de cette morne mission vers nulle part, deux trois feats à l'arrache pas plus, et l'Alchimiste déploie ses prods froidement badass comme le crochet injecteur d'un venin microphonique périmé mais encore acide. Basses à bloc, bouts d'electro dark, de musique de série B des années 4X20, antigroove, soul décongelée après recongélation... la gamme technique est attendue. Savoure le mazout de la gloriole, le beat qui déboule comme un choc anticipé post-Jaylib, les verses comme autant de blabla post-gangsta lessivé, lessivant. Accepte que le hip-hop soit cette merde recyclée dont tu es condamné à inhaler les miasmes, que tu continues à suivre dans sa cavale nocturne... jusqu'à l'ultime racket.