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Adrian Sherwood › Never Trust A Hippy

1cd • 11 titres • 58:15 min

  • 1No Dog Jazz4:54
  • 2Hari Up Hari5:08
  • 3Haunted By Your Love4:06
  • 4X-Planation5:17
  • 5Strange Turn5:30
  • 6Dead Man Smoking3:55
  • 7Paradise of Nada Remix7:52
  • 8Boogaloo5:18
  • 9Processed World5:11
  • 10The Ignorant Version5:13
  • 11Majestic 125:01

informations

Produit par Adrian Sherwood. Enregistré par Nick Coplowe. Enregistré et mixé aux studios On-U Sound, avec l’assistance de Paul Grady. Masterisé par Kevin Metcalfe.

line up

Harry Beckett (trompette), Sly Dunbar (batterie sur 3 et 5), Keith LeBlanc (batterie sur 6 et 11), Skip McDonald (guitare, sauf sur 4), Carlton "Bubblers" Ogilvie (batterie sur 10, basse sur 6 et 10, piano sur 1, 3, 5, 6, 8, voix sur 10), Robbie Shakespeare (basse sur 3 et 5), Adrian Sherwood (mixage, compositions), Jazzwad (batterie, basse et claviers sur 1, 4, 8), Lenky (batterie sur 2 et 9), Crucial Tony (guitare sur 4), Simon Munday (séquences et basse sur 4), Michael Mondesir (basse sur 8), Nick Coplowe (basse et piano sur 1), Bonjo IA Binghi Noah (percussion sur 11), Temple of Sound (basse et percussion sur 7), Sorra Wilson Dickon (violon sur 6), Hari Harna (voix sur 2), Rizwan-Muazzam Qawwali (voix sur 7), Denise Sherwood (voix sur 9 et 10), Emily Sherwood Hyman (voix sur 10), Ghetto Priest (voix sur 6)

chronique

Premier album, purement et simplement ? Solo ? Voire… Pas un coup d’essai, en tout cas ! Au moment de sortir ce disque, à vrai dire, cela fait vingt-cinq ans déjà – ou un peu plus – qu’Adrian Sherwood sévit aux machines, aux techniques, aux trafics de sons divers. Chez On-U Sound, principalement – son propre label, créé donc en 1979 – au sein de collectifs changeants, ouverts, dont il est souvent le membre de plus ; musicien sans instrument autre que ses machines, force motrice, inducteur de folie, déformations, foreur, échafaudeur d’espaces instables. Tackhead, African Head Charge, Little Axe ou Dub Syndicate… Sherwood y est souvent pour beaucoup, chez ceux-là, dans les couleurs que ça prend, les profondeurs où ça bascule parfois ; l’impression que ça rend d’être fait à l’arrachée, aussi – disons dans l’urgence – où ça verse volontiers, dans la foison du catalogue. Un vrai hyperactif, en fait. Qui produit aussi d’autres singuliers individus : toaster Hooligan Emotif (Gary Clail), autre clameur bruitiste, pas calmé, féroce prolétariat (Mark Stewart, l’ancien du Pop Group), poétesse bizarre à l’univers un peu freak (Little Annie)… Qui pour financer tout ça abat du remix pour d’autres un peu, nettement plus connus – Neubauten ou Depeche Mode voire Sinéad O'Connor pour les plus évidents. Pas le temps, avant, dans tout ça, alors, pour sortir son propre disque ?

Drôle de titre, en tout cas : "Ne Faites Jamais Confiance à un Hippy". C’est de l’humour, de sortir ça en affichant cette espèce de dendrobate ? Vous savez, ce sont ces grenouilles minuscules et tropicales, que connaissent bien les chamanes d’Amazonie ; il vaut mieux, en même temps, vu que lécher telle espèce vous envoie en voyage initiatique chez les ancêtre et les esprits, sur l’autre face du réel ; mais que celle d’à côté, à un détail dans la robe prêt, vous expédie sans retour, intox mortelle en quelques microgrammes. Bref, je m’égare… Ce type m’égare. Et puis ce signe – impossible à transcrire sur un clavier normal – qui ponctue discrètement, sournoisement le titre. Un point d’interrogation, oui, mais avec, pris dans le cercle en bas, le © de "copyright"... J’imagine son sourire en coin d’aimable sapeur, à l’Adrien… Et aussi, tiens : pourquoi sortir ça chez Realworld, la fabrique à pop exotique de Peter Gabriel ? Pourquoi pas sur On-U, directement ? … L’appréhension afférente : Sherwood allait-il nous sortir du Deep Forest en Dub ? Du world-beat-funk en automatique, à la Laswell ? … Aux premières secondes d’écoute, on pourrait le croire, en effet ! Avec es samples de chants pygmées que tant et tant, depuis déjà bien des années – dans des spot publicitaire, des émissions de tourisme où la star en bob et en short découvre à quel point ça la préoccupe, le sort de la planète (et le dit au chef de village – un type au nom imprononçable mais l'allure hautement télégénique, dans son ancestrale sagesse). Sauf que les fréquences basses, ici, font plus que peser : elles écrasent, elles oppressent. Elles suffoquent par leur densité. Et puis le rythme, là : ça a beau syncoper en contretemps reggae, niveau sonorité, ça cingle, métal dur et cristallin. Mix vaste et impénétrable, en même temps. Même délire – ou fièvre d’un souche assez proche dans le mode d’infection – sur Hari Up Hari, la deuxième plage ; cette fois-ci sur une boucle obsédante d’un certain Hari Haran, spécialiste des doublages de chansons de films, du nord au sud de l’Inde (et donc en langues diverses). On comprend vite qu’en signant pour cet objet-ci avec Realworld, Sherwood a du jubiler à l’idée de l’énorme réservoir ou puiser pour alimenter le… Délire, disais-je. Et c’est bien de ça qu’il s’agit.

Le dub de Sherwood, avec ses tactiques de distorsion, de fragmentation, de fissions, a toujours été plus qu’un art de l’habillage : un moyen de plonger dans l’inconscient du son, au cœur de sa matière atomique, électrique ; de quoi, sur un détail, faire pousser des germes autonomes : végétal bienfaisant ou bacille malin. Ce qui différencie la musique de Sherwood et de ses compagnies, au fond, de bien des fusions tiédasses – dont beaucoup, à mon sens, j’insiste un peu, des innombrables disques sortis sur ce même label – c’est surtout cette attaque directe, frontale. Cette façon de rentrer dedans. Cette science des montages complexes autant qu’instantanées aussi, survenues et disparitions véloces – tellement, parfois, qu’elles perturbent la perception en la choquant brièvement, trop vite pour que celle-ci, en retour, puisse les cerner. Ce n’est pas – soyons honnête – qu’absolument tout ici soit d’une impeccable tenue, immédiate et sans faille de bout en bout. Mais rien, au moins, dans les bribes triturées, nouées, superposées, opposée, ne fait prétexte, alibi culturel. Le rythme tabasse, souvent, ou plombe, facilement, quand il s’alanguit. Mais il sait toujours où il emmène, où il charrie ; comment on doit le jouer, et pourquoi, là d’où on l’a extirpé. Il est certain, entendons nous bien, que Paradise of Nada Remix, à la première écoute, peut rappeler – avec son sample de chant Qawwali Pakistanais – les disques sortis sur Realworld, justement, où Nusrat Fateh Ali Khan, se voyait enrobé par les nappes et programmations de Michael Brook, étoffe d’un luxe un peu trop "chic et retenu" pour habiller adéquatement sa transe. Seulement ce morceau, d’une part, est le seul qui ne soit pas créé pour la circonstance – c'est un remix, donc ; du duo Temple of Sound (d’anciens du groupe world-bab-techno Transglobal Underground… Never trust a quoi, déjà ?). Et qu’à y revenir, on serait plus proche, finalement, des conceptions d’un Jon Hassell et de son Quatrième Monde (et pas seulement pour ce timbre de trompette, si proche, présent aussi sur d’autres plage)... Sur tout l’album, la bande des perturbateurs qui passent et se succèdent, se chassent et se rencontrent, semblent ne rien vouloir hiérarchiser. Il ne s'agit pas d’habiller l’Orient en salon feutré, la rue derrière en mystère vaporeux, de plier "l’étranger" aux logiques d’une forme dominante, d’assujettir les territoires. Ni à l'inverse, d'ailleurs, de se poser en convertis-express d'une spiritualité réputée supérieure mais exogène, d'en simplifier les codes par modestie vraie ou fausse, afin de les rendre audibles à un supposé public d'assoiffés spirituels. Le processus, ici, n'est pas celui du lissage. Ça ne nie pas la dissonance, la résistance qu'opposent certains des éléments, à certaines des fusions tentées. Ça ne va pas sans chaleur, sans magnétisme, parce que ça emprunte les voies d’aspirations, d’attractions, d'affolement autours des pôles et de leurs charges. Et tout ne prend pas certes – mais rien ne fait tentative d’hybridation pour l'amour froid de l'élégance, le confort esthétique. Dans la foison des projets, des objets sortis d'On-U Sound, ce sont bien les collusions d’African Headcharge que rappellerait le plus Never Trust A Hippy – avec en plus cette inflexion de la frappe vers la dureté, la chape industrielle, parfois, comme chez Tackhead ; et puis avec cette profondeur accrue – ce surdosage volontaire, forcené – dans l’usage des effets qui enflent en contaminent le son, comme chez le Dub Syndicate.

Never Trust A Hippy, avec tout ça, est in fine une pure session de Sound System dans l’acception de Sherwood et des siens : déboussolée, mal embouchée mais désirante, qui cherche l’illumination dans les fumées qui mordent plus que dans celles qui bercent. Une heure à se coltiner, a poursuivre ou a fuir le batracien, avec son acronyme tamponné sur le bide. Bestiole mutante ou psychopompe à la voix agaçante – vous savez comme ça porte, les chorales de ces glissants-là. Voyage piégé. Psychédélisme qui résonne dans l’immense creux des hangars bétonnés. Fournaise en pleine Londres au ciel bas. Ça ne s’assimile pas d’un coup, certes. Ça vous revient par crises, par accès. Ça fait pousser encore le volume, pour vous manger bien fort la solidité du bloc en plein crâne. C’est tellement d’azimuts qu’il vous en faudra plus. (Au dehors, dans ma rue, le type avec l'ampli portatif et la clarinette joue pour la énième fois du jour La Vie en Rose et C'est Si bon. Un groupe d'attablés en visite applaudit, alors qu'il enchaîne sur Take Five ; sans doute pensent ils écouter là l'âme d'un pays ... Never Trust a Tour Operator).

note       Publiée le lundi 8 juillet 2013

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Tiens, réécouté ça après le petit déj... J'en ai profité pour remanier (écourter un poil et "aérer" maintenant qu'on peut) la chro mais je ne retire rien au propos, l'impression demeure la même : un bien bon album qui peut parfois m'égarer, perdre mon attention, mais la rechope tout aussi vite sur un détail intrigant de montage, de production, de compo. Fluide et tout plein d'idées secrètement incongrues. (Faudra que je vous parle de al suite, un de ces quatre, tiens, Becoming a Cliché - encore du titre pince-sans-rire semi-énigmatique/semi-ironique, eh, ouais).

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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(A la treizième, en fait...).

Non mais oui, clairement, ce mec a remixé à peu près tout le monde. Parfois à la sauvage, d'autres fois bien plus discrètement (genre le Yü Gung de Neubauten, qui est vraiment très proche de l'originale, si je me rappelle bien, pour le coup). Des célébrités ultra-bankables et d'illustres inconnus, aussi, en passant.

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Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

et sinon pour moi, le nom d'Adrian Sherwood est associé à un certain nombre de remix (t'en parles peut-etre à la 58eme ligne de la chro mais même en recherchant je ne trouve plus). Notamment celui-ci, version drum n bass ayant bouffé du Alec Empire http://www.youtube.com/watch?v=iqM163KRyJI

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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(Ah, Chill Out et ses moutons électriques, c'est un bon gros bout de trip à s'envoyer bien à l'aise, d'eux, pour le coup !)

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Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

Ca tombe bien je connais pas le kentucky lapinou fried, donc je partirai sans a priori.

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