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Grateful Dead › American Beauty

cd • 10 titres • 42:27 min

  • 1Box Of Rain5:19
  • 2Friend Of The Devil3:25
  • 3Sugar Magnolia3:19
  • 4Operator2:26
  • 5Candyman6:14
  • 6Ripple4:10
  • 7Brokedown Palace4:09
  • 8Till The Morning Comes3:09
  • 9Attics Of My Life5:13
  • 10Truckin’5:03

informations

Enregistré aux Wally Heider Studios, San Francisco en 1970. Produit par le Grateful Dead. Co-produit par Audio-Steve Bancard.

line up

Jerry Garcia (guitare, pedal steel, piano, voix), Mickey Hart (percussion), Robert Hunter (paroles), Bill Kreutzmann (batterie), Phil Lesh (basse, guitare, piano, voix), Ron "Pigpen" McKernan (harmonica, voix), Bob Weir (guitare, voix)

Musiciens additionnels : New Riders Of The Purple Sage : Dave Torbert (basse sur 1), David Nelson (guitare électrique sur 1), David Grisman (mandoline sur 2 et 6), Howard Wales (orgue sur 5 et 10, piano sur 7), Ned Lagin (piano sur 5)

chronique

La même ville frontière… Mais cette fois-ci, le Dead est entré. Dans une maison. La sienne. Au mur, cette plaque, sa rose emblématique ; son étamage comme entamé, corrodé ; son lettrage au feu blanc éclair, pourpre en dégradé. Ce mur en bois – ou cadre en formica ? Et de la fenêtre, la rue centrale, qui aux deux bouts s’ouvre sur les plaines vertes ou les plateaux arides. Ou bien encore – c’est selon – sur une autre façade. Planches à l’aspect brut, traitées seulement contre les vents et les averses, tempêtes de sable et trombes de pluie. Havre de passage, prison, retour éternel ; chacun a son histoire. Au fond, c’est égal : route à perte de vue ou obstacle ; de là poussera toujours l’envie de partir. D’explorer. Le pays est vaste ; la poussière de ce porche sera toujours familière. American Beauty, sorti cinq mois à peine après Workingman’s Dead, continue le retour aux sources. A l’acoustique. A la country. Aux histoires qu’on trimballe de wagons en bahuts. La lumière, pourtant, n’est plus vraiment la même. Les pigments sont remontés, drainés par les pores. L’air porte des fragrances intactes, rafraîchies, mêlées. Mobiles. Tout est chanté cette fois à hauteurs d’hommes, d’individus. Workingman’s Dead était un recueil inventé, un mouvement vers le cœur, certes – des terres et des habitants – dont les pages, volontairement sans doute, laissaient sur les doigts, sur la peau, cette impression rugueuse, cette odeur de nostalgie légère et bienveillante, papier jauni, scènes éternellement jeunes mais parce qu’elles sont fixées à jamais par l’encre et par la page. Quand on y pense, ce titre – "Le Travailleur est Mort" ou "Le Dead Du Prolétaire" ? – faisait deuil autant que manifeste. Les Diggers – poignée de peuple anarchiste, sceptiques de cet âge des chiffons et buvards – dès 1967, avaient proclamé, mis en scène en plein San Francisco – en plein Haight-Ashbury – la Mort du Hippie, sans déranger vraiment ceux pour qui ces songes là se monnayaient en masse. Le rêve, maintenant, achevait son agonie dans le regard public, les grands-messes passées. American Beauty, pourtant, est comme un renaissance. Au sens aussi que prend le terme dans l’histoire des arts. Les thème anciens, mythiques, les harmonies et autres spectres présents depuis toujours dans la légende du groupe – dans sa substance – y trouvent une forme neuve, multiple et cohérente, ô combien. Musique et verbe semblent toucher enfin cette Geste en éternel devenir, en constante mutation – celle d’une Amérique qui toujours poursuivait l’Idéal et le voyait trahi – à quoi aspirait, à quoi travaillait le groupe depuis les premiers jours. La Nature – inquiétante, menaçante immensité peuplée de présences anciennes, d’avant le Christ et les chariots ; célébrée, Transcendance ou Divine Immanence – y vibre au bord des villes, des rivières, illumine corps et voix. Le bitume y exhale, les ondes radio fusent d’une côte à l’autre, course hertzienne instantanée. Les greniers où l’on s’assoit sont le lieu des origines, d’avant toute cosmogonie. Dans l’écriture de Robert Hunter, ici – d’une manière admirable, cette fois accomplie – Emerson (Ralph, pas Keith…) et Thoreau, Mark Twain et Allen Ginsberg mêlent, fondent, nouent leurs voix ; avec la prose sans auteur déclaré des feuilles ronéotypées, dans le Haight ou Greenwich Village. Mieux que jamais – en périodes limpides, en strophes vernaculaires sans défaut – ces fragments et narrations, épisodes humains, odes à la fleur de chair, quêtes désespérée du point d’ancrage ou d’élargissement (…) parviennent à lier héros populaires – Jimmie Rodgers, Hank Williams, leurs complaintes aux timbres étiques, parfois ; la famille Carter et ses chorales célestes – poètes épiques – Walt Whitman, toujours – mot quotidien du clochard céleste Beat passé Hip, puis replongé dans la foule anonyme. Et de cette manière accomplie – libre et pleinement murie, maintenant – le groupe fait matière incarnée, riche, luxuriante, déploiements solaires ou limbes ombrageuses surgies aux croisements. Garcia et les autres, il faut dire, arrivent à l’âge d’homme – en plein questionnement, dans le fracas de l’époque qui tombe ; en ces années dans leurs vies où ceux qui étaient là depuis l’instant de la naissance commencent à s’éteindre, où la maladie frappe et grève ; à un point de leurs existences et des bouleversements communs où "laisser seulement flotter" ne pourrait plus mener nulle part. Des hommes en travail – ce qui ne l’est pas meurt, dit-on souvent – certes, des musiciens en pleine possession de leurs moyens. Les arrangements, à vrai dire, les compositions, n’ont jamais été aussi détaillés, l’ornement si juste, le cheminement si souple et si exact à la fois, audacieux et parfait. Les voix, en particuliers, trouvent des unissons, des entrelacements, des jeux d’intervalles étonnants – Attics Of My Life et ses perpétuels changements de tonalités, sa respiration chorale si vaste qu’elle paraît sans fin, est par exemple saisissante. Le jeu instrumental, aussi, est incroyablement vif, véloce parfois mais serré, ailleurs aéré. Orgues, mandolines, pedal-steel – les membres des New Riders of the Purple Sage, groupe cofondé par Garcia, se joignant à ceux du Dead – tissent des ambiances, exsudent les scènes, campent les chansons. Le substrat de surnaturel, l’art des étranges enluminures de la période la plus évidemment psychédélique du groupe – qu’on repense au son, aux Dits d’Anthem of the Sun, d’Aoxomoxoa… – délaissant les formes éclatées, les perspectives vertigineuses aux pics et anfractuosités montées en accidents, se font trompeuses évidences. Piégées, parce que ce qu’elles racontent s’appelle toujours Insaisissable, Libération, Tangente… Magie pratique et aveu d’appétits. American Beauty saisi un moment unique, un instant de singulier équilibre. C’est à vrai dire le dernier album de studio du groupe en formation "historique" – celle qu’il avait pris après le premier disque. Après cela, certains partiront, définitivement ou par éclipse. D’autres arriveront, viendront, iront, passeront, resteront. Pigpen, entre deux tournées – et la rasade de trop au bout de toute celles en trop – allait, trois ans plus tard, y laisser sa peau. Le groupe, aussi – après deux autres disques live bien plus disparates, à mon sens, que le Live Dead, d’une densité bien moins constante – allait quitter Warner, monter son propre label pour éditer librement la suite de son œuvre. Début d’une autre histoire qui – curieusement – me paraît moins captivante. Histoire paradoxale : c’est à partir de là que le Dead devient pour de bon une Légende – perfectionnant son équipement, lumières et sonorisation, tournant toujours plus, suivi partout par un public énorme et passionné ; à ce moment précis où l’époque qui les avait vu naître, le mouvement dont ils étaient devenu les hérauts, sombrait ou explosait, essaimait en débris. Mais le Dead, de toute façon, est paradoxes et destin piégé ; son cour anormal, énigme et parabole. American Beauty, selon certains, est un début ; pour d’autres un point final. Pivot ou exception. L’American Beauty, au fait, est une rose d'une variété dite Hybride Perpétuel, qui fleurit plusieurs fois avant que vienne l’automne ; dont l’essence confonds graines et pollens pris sur des terres qui ne se sont jamais vues. En dépits ou par amour du reste – dans cette discographie qui court sur trois décennies (... What a long, strange trip it's been...) – on revient bien souvent contempler son éclat.

note       Publiée le samedi 6 juillet 2013

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Note moyenne        4 votes

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Blues for Allah, ouais : typiquement Grateful Dead post Working Man's/American Beauty ! Tu sens l'exigence, en effet (de composition, de jeu etc., d'arrangements), tu entends bien que le groupe fait tout pour ne pas tourner en rond dans un genre (que ce soit rock psyché ou country/folk) et... Ben par moments ça prend, par d'autres pas du tout je trouve. De mémoire (pas écouté depuis longtemps moi-même) le thème du morceau-titre est très cool (et le morceau lui-même d'ailleurs) et quelques autres trucs sont assez réussis mais il y a aussi beaucoup de tricotage mou qui voudrait sonner funky mais où ça a beau jouer très bien et sans tomber dans la routine, eh bien... Rien à faire, ça sonne mou, comme disait Nicko, sans foutage de gueule ni paresse mais l'inspiration très fluctuante. Bon, je le réécouterai un coup, ainsi que From the Mars Hotel, Wake of the Flood et peut-être quelques autres encore plus tardifs (Terrapin Station ou Shakedown Street mais ceux-là j'ai vraiment le souvenir de disques qui m'avaient fait bailler). J'avais projeté de continuer un peu à chroniquer leur disco, de toute - sans en faire une priorité, jamais trop senti l'urgence de. (Récemment réécouté le live à squelette/roses, aussi, et comme toujours je l'ai trouvé moyen, pour le coup, quelque chose comme fatigué, pas concentré...).

Message édité le 01-03-2023 à 13:51 par dioneo

Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Les Live du Dead ont gardé, dans le temps, des traces psyché avec plus ou moins d'intensité. Mais il y a un avant et un après "Aoxomoxoa/Live Dead" (je reste absolument fan de "Anthem.." et "Aoxomoxoa") pour plonger dans le bluegrass/folk/revival que sais-je. Le dernier de leur disque que j'ai écouté avec attention, en dehors de certains live, est "Blues For Allah" et ça date pas d'hier. Je comprends parfaitement que l'on soit insensible à ce groupe, que ce soit dans les premiers albums ou le Workingman's Dead et suite. Ils ont tout de même gardé une certaine forme d'exigence (même si empreinte d'un certain opportunisme à l'égard de leurs fans), ce qui ne fut pas le cas d'un Jefferson Airplane (devenu Jefferson Starship pour devenir Starship).

Note donnée au disque :       
Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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"Bande de straigt edge" !

(Non mais oui, je sais... Non. Quoiqu'en dise Ianou).

Message édité le 01-03-2023 à 11:48 par dioneo

Cinabre Envoyez un message privé àCinabre
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Je plussoie. J'ai jamais pu vraiment entrer dans leur délire.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ah ben tu dois donc être de ceux pour qui "le dead ça le fait tout simplement pas", y'a des groupes "réputés incontournables" comme ça (on en a tous je pense, perso les Smashing ou Iron Maiden entre autres me laissent dehors, chaque fois que j'essaye... Parfois de trucs que je trouve "objectivement bons" mais c'est pas la question, au-delà de ça suis jamais saisi par ce qui y plaît tant à tant de monde, que je voies ce que d'autres y trouvent ou non) . Dans les trois cas - Dead, Maiden, Billy Qu'Organe Band - on est sur des groupes typiquement "c'est oui/c'est non, c'est comme ça, pas la peine d'insister, au bout d'un moment", quoi.

Message édité le 01-03-2023 à 11:12 par dioneo