CCCP › Canzoni preghiere danze del II millennio-sezione Europa

'Canzoni, preghiere, danze' n'est pas forcément l'album de CCCP suscitant le plus d'enthousiasme parmi les fans, on lui reproche souvent de reprendre la recette de son grandiose prédécesseur ('Socialismo e barabrie') de manière savoureuse mais moins géniale. Certains se sont arrêtés au premier choc du titre et de l'iconographie: un groupe militant et laïque qui use d'une image de la vierge, parle de prière ? C'est justement la plus belle affirmation de liberté d'un combo qui ne s'est jamais laissé récupérer, même par l'extrême gauche dont il partage pourtant les idées. Se rire des frontières, des limites, des étiquettes, pour mener le combat, le questionnement, dans leur essence la plus profonde, dans une volonté de fraternité et de compréhension humanitaire et humaine avant tout...Des chansons, des prières, des danses...Trois manières d'exprimer, de demander, de se révolter aussi...Impossible pour moi d'être objectif en parlant de la musique de CCCP, il me suffit d'entendre la voix de Lino Feretti, sa manière unique de rouler les 'r' durant le brève a capela enregistré live au festival gratuit Arezzo Wave servant d'introduction et me voilà déjà transporté. C'est dire à quel point l'aspect épique et mélancolique du superbe 'Svegliami' me trouve réceptif et convaincu dès les premières notes: boîte sèche, nappes de clavier, cordes synthétiques, un peu de guitare pour corser le tout et ce chant...Ce chant qui évoque tant de choses, un chant venu du coeur, tout sauf technique et pourtant si expressif...Le nom moins excellent et légèrement plus punky 'Huligani dangereux' exprime l'aspect le plus mordant du combo, un peu à l'instar de 'Conviene', sorte de titre frère. Parmi les autres pics de ce disque, on retiendra l'excellent et rythmé 'La qualità della danza' dont les inspirations orientales font écho à celles de 'Radio Kabul' sur l'opus précédent. D'ailleurs pour rester dans la thématique, mentionnons 'Palestina' couplée en medley à 'Madre', une belle manière de coller un hommage à la lutte de la Palestine pour son indépendance à une complainte que l'on pourrait prendre pour un simple chant religieux alors que sa portée va au delà, une forme d'opposition à l'hédonisme capitaliste du régime Reagan. Pour moi, c'est du génie, CCCP parvient à pousser la critique très loin sans la moindre agressivité par la subtilité de son humour, le doigté de ses allusions. J'aime beaucoup également 'And the radio plays' et sa rythmique dub. Une fois encore Feretti déploie tout son talent de parolier avec des mots simples mais terriblement percutants dont les sonorités parleront même à ceux ne pratiquant pas la langue de Dante ('Je te regarde et je ne te vois pas, je t'écoute mais je ne t'entends pas, ne me demande pas de te croire, je ne le ferai pas...'). Ai-je signalé 'Roco, roço, rosso' et ses accents hispaniques ? C'est fait et c'est un vrai bonheur pour les oreilles. 'Fedele alla lira ? 'Et tu veux me fidéliser à toi, à l'avant-garde, aux nouveautés, un adorateur du progrès, des modes, de la modernité, je me suis déjà assez développé, j'en n'en peux plus, je me suis déjà trop développé et même plus, et toi, que me donnes-tu, que me donnes-tu de toi ?', CCCP et son humour. Détourner son propre slogan et le jouer sur un air rock'n'roll...Pour se marrer davantage encore, nous trouvons 'Vota Fatur' (du nom de Danilo Fatur, artiste transformiste, une des personnages des shows du groupe) qui conte le passage d'un touriste italien à Bangkok vu du point de vue du proxénète qui tente de l'attirer dans son bordel. Pas la chanson du siècle mais une bonne manière de décompresser après cet excellent et intense, quoiqu'en pensent certains, album. En guise de conclusion, les remerciements, une voix féminine qui, après la phrase d'introduction qui donnera son nom à l'une des compilations: 'Cittadinie e cittadini, questi sono i miei gioeilli', sur fond de musique de publicité, nous donne le nom des artistes et leur rôle dans la réalisation de l'album...Comment vous parler d'une telle formation objectivement ? C'est facile finalement, tout est là...