A moins d'être totalement allergique à la langue néerlandaise, difficile de ne pas trouver quelque chose à son goût dans cette excellente et quasiment exhaustive compilation retraçant le parcours du non moins excellent combo belge Aroma di Amore, l'une de ces étranges et originales entités qui pullulaient dans ce coin d'Europe à une certaine période. Né du punk, le projet centré autour du chanteur Elvis Peteers et du guitariste Fred Angst va suivre sa propre trajectoire en explorant toutes les facettes de ce que l'on qualifie alors de 'new wave'. On y trouve aussi bien des essais minimaux punky avec boîte binaire, petits synthés moqueurs ('Doe de maffia'), des compositions plus typiquement cold wave voir évoluant carrément vers un post punk gothique plus torturé (l'excellent 'In jouw maag', 'De goede god is een dode god', 'Voor de dood' et sa touche Killing Joke...), d'autres assez proches de la deutsche Welle teutonne ('Isabelle Avondrood'), sans oublier des pièces plus mélancoliques comme ''T is de liefde'. Au départ, le groupe privilégie la basse comme c'était souvent l'usage dans la cold wave, la couplant avec des boîtes sèches, des claviers aux sonorités très 'bip bip', quelques accords de guitare froide; le reste, c'est le chant qui assure. Peteers est en effet capable de moduler son timbre entre folie, décadence, ironie, tristesse selon l'ambiance de la chanson. Progressivement, le ton se durcit, les guitares se font plus incisives, on s'éloigne des terres purement new wave pour flirter avec une forme de post punk goth bien old school. Je ne puis m'empêcher d'évoquer leurs compatriotes de Red Zebra ou certains des essais les plus post punk de Tuxedomoon, la présence ponctuelle d'un saxophone n'y étant pas étrangère ('Koekoek in de Stad'). Bien que boudé par les médias, Aroma di Amore se taille vite une reconnaissance dans les milieux alternatifs, tourne aussi bien en France, Espagne, Suisse, qu'au Canada. Les changements de line-up se succèdent autour du duo de base, des collaborations plus qu'intéressantes ont lieu (le bassiste Theo Van Eenbergen qui deviendra plus tard ingénieur du son pour Henri Rollins Band, Chris Reed de Red Lorry Yellow Lorry pour le single 'Zonder omzien', Jan Lamberts qui fondera The Arch) mais la formation peine hélas à rencontrer le succès escompté alors que sa cote de popularité au sein de l'underground va croissant. Bien que le deuxième disque soit enregistré sous la houlette de Hervé Lomprez de Trisomie 21, les ventes seront une fois encore décevante. A se demander si le public de l'époque n'avait pas de la boue dans les oreilles tant le groupe a le sens de la mélodie tueuse, sait tisser des structures imparables avec un chant décidément excellent. La période 88-90 sera synonyme de hiatus avant que la formation ne se remette ponctuellement sur les rails mais sans reprendre sa carrière. C'est en 2004 alors que Aroma di Amore se reforme pour un concert que la volonté de poursuivre se fait à nouveau sentir. De nouveaux titres sont composés et une mini tournée est organisée en 2005 avec Luc Van Acker (excusez du peu) au son. Dans la foulée est produite cette compilation regroupant pratiquement tout ce que le groupe a sorti en lp ou en single, sans oublier quatre inédits ('Fall', Meisje van Milwaukee', 'Sdpitj' et 'Istjid'). Bref un projet exceptionnel, largement sous-estimé malgré des qualités plus qu'évidentes, qu'il est urgent de (re)découvrir au travers de cette rétrospective on ne peut plus complète et diversifiée. Jouissif.