L'objet en lui-même est des plus banales, un simple cdr, une pochette photocopiée à la diable et pourtant les fans de deathrock le convoitent ardemment. C'est Frank Berg, le chanteur qui s'est décidé à le sortir près de dix ans après le split de son groupe en 1993, sans avoir pu concrétiser le projet d'album prévu et sans cesse repoussé. Le truc en question est l'unique témoignage sonore (excepté une cassette introuvable et sa présence sur la compilation Death by Dawn sortie chez Apollyon en 1991) d'une formation allemande du nom de The Evil Speaks fortement influencée par Christian Death dont la météorique carrière aura à peine duré trois ans, le temps nécessaire pour devenir culte. Le combo n'a pourtant rien inventé et sa musique puise allègrement à la source des maîtres américains de la scène de Los Angeles. D'où vient alors cet engouement ? La conviction. The Evil Speaks, c'est le groupe qui plonge dedans à fond, qui ne cherche pas la fioriture mais les ambiances glauques avec allusions à Satan et au mal. Un peu too much sans doute mais c'est ça qui est bon. Les guitares sont malsaines, la rythmique plombée avec basse mise en avant et une voix désespérée comme pouvait l'être celle du jeune Rozz Williams à l'époque de 'Only theatre of pain' ou du moins s'en approchant car nul n'a jamais poussé la sincérité obscure aussi loin que lui; le bon point est que Frank conserve son identité vocale sans trop chercher à singer son modèle même s'il n'évite pas quelques-uns de ses tics. Musicalement, les Allemands ne sont pas manchots et dans leur enthousiasme juvénile parviennent à composer de magnifiques mélodies sulfureuses, tendues et morbides, habillées dans une production urgente, légèrement rugueuse, qui confirme le charme noir de leur musique. Dommage que ce talent n'ait pas bénéficié de plus de reconnaissance et d'un meilleur support, les connaisseurs s'en mordent les doigts.