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Ringo Shiina › 無罪モラトリアム (Muzai Moratorium)

cd • 11 titres • 41:00 min

  • 1正しい街 (Tadashii Machi) 03:53
  • 2歌舞伎町の女王 (Kabukichō no Joô)02:54
  • 3丸の内サディスティック (Marunouchi Sadistic)03:56
  • 4幸福論(悦楽編) Kōfukuron (Etsuraku-hen)02:59
  • 5茜さす 帰路照らされど… (Akane Sasu, Kiro Terasaredo...)04:07
  • 6シドと白昼夢 (Sid to Hakuchūmu)04:04
  • 7積木遊び (Tsumiki Asobi)03:24
  • 8ここでキスして。(Koko de Kiss Shite)04:20
  • 9同じ夜 (Onaji Yoru)03:38
  • 10警告 (Keikoku)04:06
  • 11モルヒネ (Morphine)03:42

informations

Produit par Seiji Kameda

line up

Ringo Shiina (chant, piano, mélodica, batterie, handclaps, footsteps, synthétiseur (koto), sifflet), Seiji Kameda (basse, handclaps, choeurs), Noriyasu Kawamura (batterie, conga, handclaps, choeurs, footsteps), Susumu Nishikawa (guitare acoustique, guitare électrique), Akihito Suzuki (guitare électrique, guitare acoustique), Toshiyuki Mori (piano, orgue), Tsunehiko Yashiro (orgue), Chieko Kinbara (cordes), Neko Saito (violon)

chronique

  • j-pop déchainée

Il y a deux sortes de chanteuses pop japonaises. Celles qui sussurent tel une égérie Gainsbourgienne à bout de souffle, et celles qui pépient d'une jolie petite voix mignonnette et acidulée, la même que vous entendez dans ces films au floutage exotique et joujoux à piles multicolores (inutile de nier…). Et puis il y a Ringo Shiina, qui ne fait ni dans la pose détachée ni dans la joliesse, une voix puissante et volontiers gueularde, qui n'a pas peur d'être désagréable avec sa tessiture aigrelette et sa façon de rouler les r/l en cascade. Être désagréable quand on fait de la pop au Japon, pire que ça, quand on est une jolie fille de vingt ans qui veut faire de la pop au Japon, dans ce monde engorgé d'"idoru" jetables et clonées ad libitum, ça donne de suite le ton. Une enfant des années quatre-vingt dix, Miss Pomme (Ringo en japonais = la pomme, voilà pour la leçon Assimil du jour), biberonnée au jazz et au ballet classique par ses parents et élevée au son des distorsions colériques de la génération X américaine. Ca lui donne envie de faire péter les amplis, mais aussi de se lover dans la pop pure, comme certaines de ses illustres grande soeurs, Chara en tête, une des rares à s'être extirpée un peu du carcan "idol music" qui encombre depuis des décennies les classements de l'Oricon. Et puis ne pas se tromper de station de métro non plus : avec Ringo Shiina, arrêt à Shinjuku. Shinkuju, pas Shibuya, pas de réinterprétaion post-moderne de la pop occidentale des sixties, pas de mixages arty décorés aux milles feux d'innombrables boutiques chic et kawaïï. Shinjuku, d'un côté les buildings administratifs et entrepreneuriaux, de l'autre kabuki-chô et ses dédales de baraques à nouilles, de bars à hôtesses, de clubs de karaoké et de love-hotels. Pour la préciosité et la sophistication europhile, pour la bossa-Radio-nova et l'électro chic, faudra reprendre la ligne Yamanote. En ces lieux plus mal famés, Ringo porte les complaintes de jeunes japonaises un peu freaks qui viennent se perdre dans des nuits incertaines en attendant le grand amour. C'est du nippon colonisé par l'Amérique, c'est de la pop de fille ramonée aux saturations, dont Shiina se délecte. Elle est comme ça la reine autoproclamée du quartier chaud, elle aime être emplie de sons, d'instruments, de décibels. La saturation dans tous les sens du terme d'ailleurs, la retenue n'est pas le genre de la maison du quartier, c'est le trop qui règne, tout le temps, sans arrêt, les sens en permanence agressés, adressés par des rabatteurs soniques, par des styles qui s'entrechoquent. Ringo Shiina est une hôtesse de luxe, mais c'est elle qui régale. Elle veut tout bouffer, les annales de la J-pop, les charts, et tes tympans. Elle y parviendra, sans trop de problèmes, en empruntant des chemins de plus en plus entortillés. Mais il faut bien commencer quelque part, faut du single pour appâter le chaland, même si son idée de single à Shiina, ça peut prendre forme en trois minutes de pop noisy dégueulasse, au son gras qui bave, potards dans le rouge et hurlements de harpie, "Kôrufukon", c'est que la nana a le chic pour mêler le neuneu inhérent de la chanson nippone et son côté riiiot girl sans uniforme. Bon, du single pas défendable y en a aussi, la belle ayant la mauvaise idée de se faire visiter de temps à autre par l'esprit d'Alanis Morissette (dès qu'elle se met en colère en anglais à vrai dire, mais ça reste heureusement sporadique). Mais enfin soyons réaliste, premier album à vingt ans à peine, signée dans une énorme major, y aura forcément du déchet. Mais pas tant que ça pour peu qu'on goûte l'évidence des mélodies, les refrains un peu putasses mais balancés avec cette voix de délicieuse emmerdeuse, et les ballades bardées de cordes qui sentent bon les travelling tragiques sur la Sumida, élégance un peu jazzy avec mélodica qui groove. Et déjà quelques morceaux fleurtant avec les expérimentations à venir, "Sid to Hakumûchu" entre douce ritournelle électronique et gros rock saccadé à handclaps, avec détour atmosphérique et envolées vocales improbables. Le génial "Tsumiki Asobi" et sa rythmique louvoyante, explosant comme une gamine capricieuse sur riffs de cuivres en plastique, avec ponts technopop au koto synthétique qui tombent de nul part, propulsant Shiina dans une chorégraphie robotique en yukata. Avec en arrière plan, toujours ces lignes de basses bien épaisses, ces guitares qui n'hésitent pas à crisser et déraper de partout, ces micros à deux doigts de lâcher sous l'offensive, "Keikoku" finit de faire trembler les immeubles de Shinjuku-chô, Ringo Shiina fait de la pop, d'accord, mais seulement si elle a le droit de mettre le vibro-toy sur 12 et envoyer les Tokyoïtes au septième ciel.

note       Publiée le vendredi 16 novembre 2012

chronique

  • shinjuku-kei

Ce n’est pas souvent qu’on parle de célébrités sur guts. Mais Shiina Ringo, à de nombreux égards, fait figure d’exception dans le paysage musical, pas seulement japonais. Oui, il s’agit bien d’une star, au sens 20ème siècle du terme : une artiste avec une personnalité et une allure reconnaissable entre mille, au charisme indéniable et qui aura nourri son ascension fulgurante. Car on ne parle pas d’une figure de l’underground… Si Ringo (son prénom de scène) vient de la scène rock indé bruyante de Tokyo de la fin des années 90 (celle de Number Girl et des Zazen Boys, dont elle est proche), elle n’y sera pas resté longtemps, et devient très vite une énorme vedette de la musique dans son pays (on ne parle pas d’idol ici, statut en réalité bien particulier). Pour situer, la chanteuse dans le manga shojo Nana, c’est elle. Des milliers d’occidentaux la connaissent donc sans le savoir, via son avatar, fortement inspiré de la ringo rockeuse de cet album… Tout cela est-il suffisant pour qu’on vous parle d’elle en ces pages ? Non. Ce qui a fait la différence, c’est la musique : Shiina Ringo est l’anti-starlette Jpop, plus proche de Jun Togawa que des Ayumi Hamazaki ou Utada Hikaru qu’elle talonne pourtant en termes de ventes. Dans sa période rock, c'est-à-dire cet album et Shouso Strip, Ringo produit une musique bien plus fidèle à ses idoles de Number Girl qu’aux canons de la Jpop en vigueur, auxquels elle a toujours été extérieure. Pas de frénésie de sorties chez elle, loin de là (il y a même de long hiatus dans sa carrière), pas de génériques d’anime ou de chorégraphies quelconques… La seule alternative à ce raz-de-marée commercial qu’est la Jpop des années 90 au Japon, outre l’underground, était le shibuya-kei, alors à son paroxysme à la fin des 90’s. Ce n’en est pas non plus. De sa période "indie", Ringo aura gardé un goût pour les belles Gibson, une voix et un air vaguement canaille, et surtout, une envie farouche de se démarquer de ce courant qui représentait alors le nec plus ultra de la pop japonaise pour tout l’occident. Pour se moquer du shibuya-kei, musique de bobos enviés par la presse chic des quatre coins du globe, Ringo la gueuse nomme son style Shinjuku-kei, du nom du quartier des bars à saké et des troquets douteux de Tokyo, par opposition à la fashion week à ciel ouvert permanente qu’est Shibuya. Beaucoup de chansons parlent de quitter Fukuoka pour rejoindre les quartiers populaires de Tokyo, où Ringo semble avoir vécu une jeunesse de tête brûlée classique, façon Beatles à Hambourg. Sauf que les Beatles, taiseux sur ce petit désordre de leur histoire, n’ont jamais écrit une chanson pleine de compassion pour les putes du Red Light District…. Shiina Ringo, elle, s’identifie à la fille de la reine du quartier des plaisirs de Shinjuku, abandonnée par sa mère dont elle prendra la place de maquerelle (ou de reine des putes, on ne sait pas trop bien), dans une ‘Queen of Kabuki-cho’ d’une concision à la mélodie douce-amère inoubliable… Sa manière de raconter les choses est d’une maturité et d’une pudeur bien étonnante pour un premier album. Pour autant, hormis cette chanson et quelques ballades, Shiina ponctue volontiers ses rock songs de quelques minauderies bien sympathiques, cris stridents et chuchotements éplorés (la fin de Keikoku, un peu surjouée quand même), volontiers saturés pour en accentuer l’excès. Oui, Muzai Moratorium, à quelques exceptions près, sonne dans l’ensemble assez FM mais le tout semble finalement très naturel, peut-être plus naturel que son successeur, qui sera l’album de l’égarement magnifique et grandiose. L’album démarre par l’adieu douloureux à Fukuoka pour aller tenter sa chance à Tokyo, pop song naïve mais teintée d’amertume, et surtout de la marque de fabrique de la demoiselle : une grande liberté donnée aux musiciens pour habiller les chansons et exploser la dynamique en plein vol si l’idée leur chante. Et ce qui est troublant dans ce très homogène album, c’est qu’on y retrouve de nombreux éléments stylistiques que la guitariste et chanteuse développera lors de ses futurs albums… Tout est déjà là, et la direction est la bonne : le démarrage faussement trip-hop et la harpe de Sid & Daydreams, la ballade acoustique superbe dans ses atours de violoncelle, presque vieille Europe (The Same Night), le piano qui avance comme une gondole sur un canal à la nuit tombante au milieu de nénuphars qui se referment lentement… (Akane Sasu, piste 5)… La science du sifflement désinvolte mais classe, tout un art ici maîtrisé avec la perfection d’une courtisane de l’ère Heian (Queen of Kabuki-cho, Morphine). Autant de constantes qui font que l’audace dans les arrangements est déjà là, de pair avec un songwriting déjà extrêmement ciselé et contrasté. Il n’y a pas de chanson "mineure" ou "moins bonne" avec Shiina Ringo. Tout est travaillé à l’extrême, jusque dans le choix de ses paroles qui jouent apparemment beaucoup sur les doubles sens et les kanji ambigus inaccessibles aux non-japonisants… Venant d’un autre artiste, on aurait probablement parlé de miraculeux réservoir à tubes pour un tel disque. La note est donc à contraster avec la suite (et quelle suite), même si il ne s’agit bien "que" de rock et de ballades aux courbes mélodiques élégantes.

note       Publiée le vendredi 16 novembre 2012

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    Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

    Je commence à apprécier le bouzin à sa juste valeur, au moins à saisir un peu plus les contours.

    Note donnée au disque :       
    Seijitsu Envoyez un message privé àSeijitsu

    Exactement du même avis que sunship. J'étais déçu au départ puis cet album s'est révélé aussi poutrant que Shôso Strip au final. Les deux derniers morceaux sont complétement imparables.

    Note donnée au disque :       
    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
    avatar

    Je crois que c'est justement parce que c'est une artiste mainstream qu'elle n'est pas distribuée en Occident. Les majors Japonaises considèrent, sans doute un peu à raison, qu'il n'y a pas de marché hors de l'Asie (voir de l'archipel) pour la pop japonaise. Alors que des groupes de genre plus obscurs à priori (ce qui ne veut pas dire qu'ils soient intrinsèquement plus singuliers que Ringo Shiina, au contraire d'ailleurs) circuleront plus facilement transversalement dans leur niche jusqu'à l'Occident, voir seront signés sur des petits labels américains ou européens.

    Arno Envoyez un message privé àArno

    C'est assez nul qu'une artiste qui paraît (aux premiers abords) assez "mainstream" soit si mal distribuée en Europe... (Alors que la musique "bizarre" japonaise est facile à dégoter)...

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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    bon, j'écouterai ça, mais Sanmon Gossip m'avait incroyablement déçu (s'arrêter après Heisei Fuzoku était si logique et si classe... les majors jap ont eu raison d'elle ?), de toutes façons c'est jamais bon quand un artiste annonce la fin de quelque chose puis revient dessus après coup. Pour la Jpop, j'ai précisé histoire que ça incite certains à découvrir, car pour avoir collaboré avec une radio Jpop, effectivement, la "vraie" Jpop, c'est chaud. Mais c'est comme le terme "idol", c'est un truc bien caractéristique, comme à peu près tous les termes dans l'industrie du divertissement jap, qui aime bien tout segmenter. N°6 compare Shiina à Chara, y'a de ça, du UA aussi, pour l'excentricité, et du Judy & Mary pour le côté power pop. Mais tous ces artistes ont tôt ou tard fait de la Jpop un peu tiède, et chantent faux en live. Shiina il faut lui reconnaître un perfectionnisme et une musicalité bluffante...