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Sly and the Family Stone › Fresh

cd • 11 titres • 39:39 min

  • 1In Time5:47
  • 2If You Want Me To Stay3:03
  • 3Let Me Have It All2:56
  • 4Frisky3:10
  • 5Thankful N’Thoughtful4:40
  • 6Skin I’m In2:53
  • 7I Don’t Know (Satisfaction)3:51
  • 8Keep On Dancin’2:23
  • 9Que Sera Sera (Whatever Will Be) 5:20
  • 10If It Were Left Up To Me1:58
  • 11Babies Makin’ Babies3:38

informations

Ecrit par Sly Stone. Enregistré par Bill Scruggs, Chris Hinshaw, Don Puluse, George Engfer, James Green, Mike Fusaro, Richard Tiles, Bob Gratts, Roy Segal, Tom Flye A/K/A « Superfly », Willie Greer

line up

Jerry Martini (saxophone ténor), Andy Newmark (batterie), Cynthia Robinson (trompette), Freddie Stone (guitare), Rose Stone (piano), Sly Stone (voix, guitare, claviers), Rusty Allen (basse), Little Sister (Vaetta Stewart, Mary McCreary, Elva Mouton, Tramaine Hawkins) (chœurs)

chronique

  • skin he's in (tightening)

("C’est maintenant", se disait l’homme devant le miroir. Remonter, respirer. Revenir. L’air, autour, était bien un peu sec, un peu froid. Mais le costume en jetait : cuir noir moulant, clouté, lacets ; ouvert sur la poitrine, en grand, sur les moulures de l’abdomen ; il était mince, encore, Sly, svelte et souple, et ferme de chair ; et puis cette cape, dites, ces bottes... Tout de noir, homme et vêture ! Il faudrait que ça flashe pour que tout luise. De l’immaculé dans le décorum. Qu’il y ait contraste, que ça choppe la rétine. Du nerf, en plus du muscle ! Envoie ! Sur le plateau, on alluma les feux. Et quand la lumière fut, il y eut ce bruit d’embrasement : comme autrefois ces incendies de phosphore qui duraient un instant, le fixant pour toujours)… 1973. Deux ans avaient passé cette fois encore, depuis There’s a Riot Goin’ On. Deux ans, comme de Stand! à celui-là. Mais Stand! Avait été un triomphe – le dernier de l’homme et du groupe à quoi ne se mêlerait pas le goût amer des lendemains où l’on compterait les morts, perclus d’horions, les entrailles pleines de la lie des fêtes de la veille. Le plus haut point d’une époque qui hurlait victoire – dans la Famille comme au dehors – qui toute perchée, toute ivre, toute exultante, n’entendait pas, ne voyait pas, ne sentait pas à ses bases les fissures qui béaient, l’annonce de ces autres fracas que font en tombant les corps et autres édifices. Et ‘Riot… Avait été tout à la fois : le bruit de la chute, les échos froids et les bruissements assourdis, prudent, pas fiers que font les vivants de part et d’autre des murs aux heures de couvre-feu. L’effondrement et les décombres. Dans un sens aussi – un autre, plus douloureux, plus indéniable – un autre accomplissement, celui-là définitif. Le moment où la vie, dans sa couleur originelle, celle qu’on se cachait depuis toujours, sourdait à la surface sous les craquelures des fresques et sous le maquillage. Le temps de sa course, de son dire, la suspension de tout mensonge. Magnifique, sous les fumerolles. Le seul problème était qu’il faudrait s’en relever… Alors, qu’allait faire Sly, après ? Que deviendrait sa Famille, le crash consommé ? Sa beauté reconnue une fois passée la secousse ? La terrible justesse de ce qui s’y proférait ? Eh bien… Il faut l’admettre : il y avait eu comme une panique. Une frayeur, un qu’avons-nous-fait. Comme sonnés par la profondeur, l’amplitude de ce choc qu'ils venaient de jeter, le groupe et son meneur s’étaient trouvé déboussolés, comme eux-mêmes incrédules. Et puis, s’étaient repris. Et leur premier réflexe avait été de nier. De rejeter cette chose trop forte qu’ils venaient de lâcher – trop honnête, trop à bout d’illusion. D’en falsifier les mots, d’en éclaircir des lignes dont tout la grandeur avait été de courir sous les suies. (Il n’y a qu’à voir les quelques vidéos d’époque, où la Family Stone donne sur tel plateau de télé sa version de telle ou telle plage : tout est paillettes, toutes brumes dissipées, tout s’entonne comme avant, quand les hippies portaient aux nues ces hommes et ces femmes aux épidermes de toutes nuances, aux noms de tous les azimuts… Mais là, sous l’apparat, les mots nus se mettent à sonner faux. Et Sly, sous toutes ses fanfreluches, semble raidi, comme si l’un des rubans lui serrait un peu trop). Dans l’intervalle, le groupe avait perdu son cœur. Je veux dire : littéralement. Larry Graham, le bassiste aux lignes lourdes et élastiques, essentielles – car comme il est dit ailleurs, "chaque note doit peser vingt tonnes" – ne se mêlera pas de la suite. Greg Errico, de même, avec son jeu de batterie parfaitement complémentaires, parfaitement imbriqué au groove du camarade, l’épousant, l’entraînant dans la cascade en boucle, laissera là cette compagnie. C’en seraient d’autres, maintenant, qui pulseraient leur sang. Sly en voudrait du neuf, pour tout faire oublier. Retrouver l’éclat d’antan, la saine renommée. Il se charge toujours plus, pourtant, se plombe de poudre comme on bourre une chaudière. Sly cherche. Il essaye, refait, efface, détruit, recommence encore une fois. Des réponses à tout ce que ‘Riot avait énoncé… De définitif, d’impossible à reprendre. Il veut masquer ce qu’il qu'il avait révélé vulnérable : dans le son de nuées sales, dans sa poétique bien au-delà de toute pitié. Faire mentir Riot’, en somme. Garder seulement, dans l’art qui s’y coulait, de la frappe lourde, des arrangements aux allures d’épars, ce qui faisait fascination, piège, hypnose. Mais extirper de là tout ce qui poissait, exhalait dans les tressautements l’odeur prenante, telle quelle, des mauvaises rues, le cafard de ces nuits où ne se voient ni cieux ni fin. Et puis dans le même mouvement, renier les flamboyances d’avant, moquer les parades de cette jeunesse d’avant hier – les jours filaient, quatre ans déjà – ses oriflammes en arcs de feux aux mille couleurs, qui autrefois s’ouvraient en route, au devant de ses pas à lui. Freddy – frère de naissance – était resté, à la guitare. Rose – la sœur – également, derrière ses claviers. Et puis les choristes – Little Sister – en place depuis longtemps, désormais citées, montrées sur les photos. Féminité montrée comme une exubérance. Les cuivres étaient toujours les mêmes, et de retour sur des rails cette fois sans embardées. Et dès les premières phrases, l’ironie s’entrelace, alterne en feu serré aux protestations de joie, de santé retrouvée. Seulement ça ne prend pas. Sincèrement, pris hors de toute histoire – de la conclusion, surtout, à quoi il tente de faire coda – Fresh pourrait donner l’air de frôler l’excellence. Musicalement, le groupe qui joue là brille, déploie ses lignes, échoit ses timbres sans fauter par excès ; même, la nouvelle section rythmique parvient à dupliquer la forme de ce fameux groove trouvé par les deux autres (Graham et Errico, donc) au fond des déversoirs ; en arrondissant le son toutefois, en allégeant à peine la frappe, pour écarter de là tout soupçon d’obnubilation. À en considérer toutes les parties et la mécanique, on admettra que la musique jouée là emprunte à tout ce qui avait précédé tout ce qui faisait touche, combine sans que rien ne grippe. La science des brillants de l’ère psychédélique ; la force de préhension ramenée de ‘Riot. Ce qui fait défaut à ce disque – au sens premier où il fait manque, absence – c’est… Le poids ! Fresh est sans poids comme on dit de l’homme – celui du roman de Musil, oui – qu’il est sans qualité. De masse neutre. N’osant plus comme celui d’avant creuser son sillon en pleine terre… Mais ne parvenant plus à s’élever aux voûtes. Et pareillement, la parole – autrefois fière, et magnifique encore sur ses brisées – à vouloir trop en dire pour qu’on y entende plus la cassure dans la voix, se… Neutralise, elle aussi. Ce n’est pas que le Verbe de Sly ait perdu en intelligence, en finesse, en jeux de sens montés en couches et basculements. C’est qu’à force de constructions, au contraire, de renvois dos à dos, les proclamations de joie, de dépassement d’un abîme qu’on aurait seulement effleuré, succédant aux sarcasmes, au déni d’un âge d’or proclamé pure légende… Finissent par s’annuler. Leur culbute mutuelle, systématique, ne trouve plus l’exact, le vivant déséquilibre – entre les plis de la forme impeccable – l’irrégulier qui fait mouvement, appel (quand bien même ce serait à choir), l’inflexion qui pivote, l’accroc qui furtivement dévoile. Plus Sly force la confession, moins on parvient à le croire. Le soupçon induit – de ce qu’il voudrait falsifier, refaire, contrefaire – devient gêne, irritation, impression vague qui fige le plaisir. Skin I’m In clame en long cris que "si tout était à refaire"… ; mais c’est Baby – celui de 'Riot – qu’on assassine. If it were left up to me voudrait nous refaire le coup de Somebody’s Watching You (sur Stand!) et de Running Away (sur Riot), tout à la fois ; et fait presque illusion, une seconde… Puis tombe entre les deux exactement. C’est à dire là où rien ne peut se tenir que n’anime même un souffle… Les tentatives de donner dans le stupre à l’état pur – Let Me Have It All – finalement, parce qu’elle parviennent encore à évoquer la fuite folle, la poursuite de l’oubli, irriguent un instant la trop lisse machine. L’époque à venir s’en rappellera sûrement, et les nouveaux seigneurs sauront bien y puiser… Ailleurs sans doute, des lueurs tentent de poindre, de s’arracher aux strass trop aveuglants. Mais il y a ce mensonge qui suit un piètre hommage que Sly rend à lui-même… Que Sera, Sera… Advienne que pourra… Admettons, s’il le dit. Et puis jolie reprise, d’accord. Et puis peut-être, même, qu'ils voudraient vraiment y être. Mais… Vous souvenez vous de cette chanson qui s’appelait Time ? Il y sifflait un orgue frère de celui-ci, s’y balançait un engourdissement proche. Sa conclusion, deux ans plus tôt, nous soufflait à l’oreille : "Le Temps, disent-ils, est la réponse… Mais je ne les crois pas". (Les spots, maintenant, éclairaient tous en plein. Les draps tendus semblaient de blanc brasiers. Sly s’élança. Bondit. Au bout de sa jambe tendue, son talon démesuré voulait percer l’espace vide et surchauffé. "C’est maintenant". Et le rictus presque obscène saisi par l’objectif, les traits déformés de son masque, paraissaient à cette seconde comme l’ombre – en négatif – de la douleur et du savoir qui autrefois l’avaient jeté en grâce).

note       Publiée le jeudi 27 septembre 2012

chronique

  • last chance to shine

‘Different strokes for different folks’, avec sagesse, ils chantaient… Maxime qui peut s’appliquer à la discographie du petit Sly. Stand avait l’affirmation de la volonté triomphante, Riot l’ambiguïté et la crudité de la vérité, et Fresh… la fraîcheur, pardi ! La classe, l’élégance, le petit soupçon de mélancolie de fin d’aprem’ que l’on retrouve aussi chez Stevie Wonder, et qui manque à pas mal de funkateers excités du manche. D’ailleurs, si l’on se fie au début du disque, on croirait presque à une renaissance. Avant tout, il y a LE tube… If You Want Me To Stay. Celui qu’on peut entendre à la radio jusque sous nos latitudes, du funk en espadrilles, où la basse devient – pour la première fois – l’instrument prédominant, assise rythmique mais aussi mélodique de toute la chanson. C’est même un tournant dans l’histoire de l’enregistrement selon Brian Eno (si l’on omet la Jamaïque, qu’Eno n’ignorait pas pourtant…). Le gros malentendu étant de penser que cette partie de basse de génie est due au mythique Larry Graham. En fait, il ne joue plus que sur Que Sera Sera et If It Were Left Up To Me, s’étant cassé avec le batteur avant la fin des sessions, excédé du comportement de plus en plus excessif de son leader. C’est Sly lui-même qui joue cette ligne de basse merveilleuse, comme de la plupart des instruments. Pour le reste de l’album, le flou est entretenu, comme McCartney avec les Beatles. Peut-être Sly a-t-il refait les parties derrière le dos du groupe, comme on le dit à propos de Riot ? Il est vrai que tout concourt à faire de Fresh un album solo, certes accompagné par des musiciens fabuleux… (et le logo de la pochette résume déjà tout). Ce minimalisme qui conduit In Time n’est pas le même que celui de Riot. La boîte à rythme palpite (déjà une boîte à rythme…), la basse prend des virages improbables… Il est compréhensible que le fan #1 de la formation, un certain Miles Davis, ait fait écouter le titre en boucle à son groupe : cette basse – cette fois tenue par Rusty Allen – c’est du disco ! Toujours une longueur d’avance… Le disco cynique, désillusionné et cocaïné, voilà vers quoi glissait Sly Stone depuis cette année 70 où tout semble avoir basculé. Alors oui, Fresh est bien trop midtempo pour répondre aux canons du genre, mais écoutez un peu ce détournement de Dance to the Music (vieux tube ringard du groupe) sur Keep On Dancin’… Basse robotique qui fait trembler les enceintes, voix chevrotant de peur, ou de manque… Plus rien ne peut sonner pareil une fois les 60’s finies. Ailleurs, on retrouve d’autres vieilles connaissances : l’amertume et les cuivres flippés, grelottant dans le froid de You Caught Me Smilin’ sur Frisky… qui évoque également l’intro et la progression d’accords de Brave & Strong. Troublant. Cela dit, la comparaison n’est pas forcément en faveur de Fresh. On le redit, c’est un album de décontraction, parfait pour « chiller » un dimanche après-midi comme disaient les anciens branchés, lavé de tout propos social où de sève funk vraiment salace, excepté les deux premiers titres, plus suaves que réellement frontaux. Cette reprise de Doris Day, par exemple (Que Sera Sera), c’est mignon à croquer mais anecdotique… If it Were Left Up To Me, n’en parlons pas, c’est un retour à la Family Stone des 60’s, d’avant Riot ! Alors que le reste du disque reprend avec succès ses innovations sonores, à défaut d’en avoir la profondeur abyssale bien sûr. Témoin des hésitations du leader, les versions alternatives montrent un mix plein de souffle et de batterie étouffée, plus teigneuse. A la ‘Riot’, quoi. Finalement, c’est avec lucidité qu’il a décidé de s’en éloigner pour ce son propre, léger et nouveau, qui sied beaucoup plus à la matière de ce Fresh, aussi inconséquent et coolos que Riot était lourd d’angoisses et de chienne de vie. ‘Turn out your lights and go to bed’…

note       Publiée le mercredi 3 octobre 2012

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    sebcircus Envoyez un message privé àsebcircus

    Je suis assez d'accord avec la chronique et la note du disque. Fresh est un disque moyen, pas mauvais mais pas à la hauteur de ses albums précédents.

    Note donnée au disque :       
    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Ben c'est un bon album de funk, oui.

    Après, "symboliques", les 3 boulettes le sont pas tant que ça pour moi. Contrairement aux deux précédents, celui-là s'est "usé" à mes oreilles, au fil des écoutes. Et la nouvelle section rythmique est bonne hein, vraiment, oui ! Mais je me défais pas de l'impression qu'à essayer de copier celle d'avant, ils ratent un truc, en l'arrondissant ne serait-ce que d'un poil (après Riot, j'entends, où le jeu est sans doute plus semblable à celui d'ici que sur les précédents... C'est leur source principale, en gros, je pense).

    Donc un 3/6 en dépit de la qualité du disque, OK... Mais surtout parce que je m'y ennuie un peu, souvent et tout simplement, relativité ou pas. (Bon, après, je veux bien reconnaître que ça surpasse encore nombre de trucs funk de l'époque, dans un registre proche... Mais il m'excite pas vraiment, voilà).

    Ça reste tout de même un 3/6 pas trop maigre, allez.

    Dun23 Envoyez un message privé àDun23

    Assez d'accord avec Jeannot! Et Skin I'm In est quand même pas mauvais du tout.

    Note donnée au disque :       
    Jean Rhume Envoyez un message privé àJean Rhume

    J'imagine que les 3 boules sont plus symboliques qu'autre chose car on tient quand même là un excellent album de Sly. Il me semble que la nouvelle section rythmique s'en sort avec les honneurs (la basse notamment) et que l'album contient quand même quelques grosses tueries, à commencer par les deux premiers morceaux. Sur le plan purement musical, l'album n'a pas grand chose à envier à ses deux prédécesseurs me semble-t-il, même si quelque chose s'est effectivement évaporé en route... 4 boules qui en valent 5.

    Note donnée au disque :