Demerit › Bastards of the nation

'Peuples zoulous, éveillez-vous', chantait Gogol...'Peuple chinois, éveille-toi', pourrait-on lancer aujourd'hui face à la gigantesque hypocrisie d'un régime bouffé par la corruption et les scandales et qui tente de dissimuler sous les apparences d'une dictature communiste ses appétits capitalistes. Les mecs de Demerit, eux, en tout cas sont bien réveillés et ils ne se gênent pas pour le gueuler. Ils nous jouent d'abord le coup de l'intro héroïque avec orchestrations néoclassiques, échantillon de la voix de Martin Luther King, avant d'en reprendre le thème version punk et Spike se met à gronder en arrière-fond : 'Regardless of my point of view, my barcode reads the same, what's the point in conforming when slavery is the game ? We are not right in having nothing to say 'coz silence is the last power we have'...Le ton est donné à l'image des membres baillonnés de ruban adhésif sur les photos du livret. Le problème avec Demerit est que leur punk n'est pas particulièrement original ; ils sont fans de Motörhead et cela s'entend dans certains solis de guitare, ils aiment la oï, donc ils s'en inspirent, pareil pour le hardcore. Ce qu'il y a de chouette avec Demerit c'est qu'ils maîtrisent bien ce mélange suffisamment varié pour éviter toute impression de linéarité. Oui, c'est rapide, Spike assure derrière son micro comme un diable mais le propos ne s'arrête pas là, le groupe s'arrange toujours pour nous caser un break intelligent, un solo jouissif, un changement de tempo ou quelques choeurs au moment judicieux. Ils s'offrent même le luxe d'une chanson finale en acoustique, sans batterie, c'est dire ! Qui est plus, ce disque bénéficie d'une bonne production au mixage malin et soigné et ce qui ne gâte rien, les paroles sont tout sauf idiotes. On sent que ce cri de liberté, ce besoin de défier la chape de plomb qui pèse sur le pays n'ont rien d'un gimmick ; les mots sont simples mais percutants : 'Bye bye my country, I can decide, I refuse to stand here' ou 'Beijing is not my home, mama mama, where can I sleep tonight ?'. Bref, ce 'Bastards of the nation' est un disque qui dégage ce petit truc qui fait qu'on y revient volontiers et que le plaisir augmente avec les écoutes. Nos Chinois font montre d'une bonne culture des différentes sous-catégories du punk rock et savent en tirer le meilleur pour leurs propres compositions, évitant ainsi l'uniformité qui marque parfois ce type d'albums. Ambitieux et réussi. 4,5/6