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Denez Prigent › Sarac'h

  • 2003 • Barclay 981 154 2 • 1 CD

cd • 10 titres • 60:57 min

  • 1An Hini A Garan07:05
  • 2E Garnison !04:56
  • 3Sarac'h05:09
  • 4Geotenn Ar Marv05:59
  • 5N'Eus Forzh...03:13
  • 6Dispi06:13
  • 7Son Alma Ata03:08
  • 8Gwerz Kiev07:19
  • 9Ar Gwerz-Sapin06:45
  • 10Ar Vamm Lazherez11:11

informations

Enregistré par Emmanuel Casals, Jean-Marc Illien et Denez Prigent

line up

Denez Prigent (chant), Valentin Clastrier (vielle électroacoustique), Xavier Géronimi (guitare), Donal Lunny (bouzouki, bodhran), Jean-Marc Illien (claviers, Rhodes, orgue Hammond, synthétiseurs), Marcel Aubé (violon chinois, gembri), Gilles Le Bigot (guitare, tanpûra bulgare), Ronan Pinc (violon), Farhat Bouallagui (violon, violon arabe), Alain Pennec (accordéon diatonique), David Pasquet (bombarde), Sylvain Barou (flûte irlandaise, binioù kozh, bansuri fx, uilleann pipes, duduk arménien), Mickaël Cozien (cornemuse irlandaise, gaïta), Jérôme Seguin (basse acoustique), Stéphane Sotin (percussions), Xavier Chavry (caisse claire écossaise), David Rusaouën (batterie, cymbales), Nabil Khadili (oüd), Latif Khan (tablas), Karen Brunon (quator violon), Florianne Bonnami (quator violon), Philippe Nadal (quator violoncelle), Christophe Briquet (quator alto)

Musiciens additionnels : Lisa Gerrard (chant 1), Yanka Rupkina (chant 5), Louise Ebrel (chant 2), Mari Boine (chant 4), Karen Matheson (chant 8)

chronique

  • complaintes austères pour monde en ruine

Il est des parcours qui procèdent par soustraction. Une fois marqué sa singularité dès un deuxième album mettant la gwerz au goût du jour des ravers, Denez Prigent pouvait tranquillement dérouler de l'électro-fest-noz en se garantissant une bonne place dans les festivals. C'eût été trop simple. Après avoir mis un peu d'eau dans son vin millésimé drum & bass, il s'éloigne de plus en plus des territoires qu'il avait imprimé de sa marque, retirant couche après couche les aspects les plus évidents de son versant électro, n'en conservant que des traces comme en creux dans le sable, revenant petit à petit aux sources du chant pur. Les sources, la tradition qui se forge ici une place inusitée dans le répertoire de Prigent, avec deux morceaux d'ouverture tirés de ce puits là, deux façons d'envisager l'interprétation du répertoire populaire. Loin de l'emphase tirant vers le new-age de l'album précédent, "An Hini A Garan", la mélancolique complainte de deux amoureux séparés par la vie, où déjà les couleurs de la Bretagne s'imbibent de lueurs orientales, violon chinois par delà les nappes humides de claviers fantomatiques, Denez Prigent n'a jamais chanté aussi bien, toute en délicate puissance retenue, d'une voix prise de frissons. Quand Lisa Gerrard apparaît, ce n'est que subrepticement pour rejoindre la cohorte de spectres évoluant dans l'espace, à la fois sublime et terrassée d'avance. "Celle que j'aime", chante-t-il, "je l'ai perdue pour toujours". La transition est frappante avec "E Garnison !" et sa troupe de sonneurs, sa rythmique de guitare acoustique irrésistible, son accordéon diatonique qui fleure bon le granite, son phrasé heurté et dansant, et la voix d'antan de Louise Ebrel, héritière direct des soeurs Goadec, forte et rocailleuse. Une formation celtique martiale dans toute sa splendeur, seul instant résonnant de l'écho des fest-noz, alors que l'album s'enfonce doucement dans une succession de gwerziou de plus en plus austères, alors qu'il traverse des territoires dévastés par la guerre, la maladie et l'exploitation. A peine quelques vibrations électroniques pour remuer encore un très africaniste "Sarac'h", fusion organique de cornemuse, de bombarde, de oud et de gembri. Reste encore la frénésie irlandaise de "Son Alma Ata" emporté par Donal Lunny, ses bouzouki et bodhran croisant le chemin d'un gaïta galicienne. Et des voix, féminines, pour ne plus chanter seul, des langues qui communiquent sans forcément se comprendre, le lapon glacé de la norvégienne Mari Boine accompagné de beats emberlificotés et de vielle électroacoustique, le bulgare a acapella empilé en strates de Yanka Rupkina servant d'écrin à la complainte de Prigent, qui lui rend la pareille sur un fabuleux "N'Eus Forzh…", à voix nues. Et peut-être la plus pure, la téssiture irréelle d'elfe de Karen Matheson, échappée du groupe de folk écossais Capercaillie, émergeant des nappes planantes de Rhodes et d'orgue Hammond de la "Gwerz de Kiev", dans son merveilleux gaélique aux sonorités ciselées, de la soie pour un linceul, où toute tentation de puissance se noie dans le brouillard où se réverbèrent les derniers mots du sorcier breton, où même la cornemuse et le binioù kohz, pourtant intrinsèquement agressif, se font funèbres. Même une fois seul, Denez Prigent refuse de céder à tout esprit de fête pour contrebalancer ses tristes complaintes, si beats il y a, ils ne seront que déambulations irrégulières et incertaines sur des terres où le blues se joue avec oud et bansouri, "Dispi" et sa coda atmosphérique et menaçante d'après la catastrophe, paysages crayeux ravagés de ruines encore fumantes. Dernier coup de semonce des sonneurs irlandais et bretons pour un kan ha diskan ralenti en forme de folk classieux, "Ar Gwerz-Sapin" toujours épicé de Berbérie. Et pour en finir, une de ces longues gwerz desquelles Prigent raffole, sur des drones de bouzouki et duduk malmenés par des pulsations arythmiques alors qu'une mélodie se dessine en arrière. Et telle une percée à travers les nuages après une tempête, la disparition de toutes les dissonances électroniques comme une éclaircie, solo harmonieux de sonneur, rythmique délicate et hypnotique de tanpûra, mélodie de violon qui serre le coeur, pour un peu on ne saurait pas que l'homme en noir narre l'histoire d'une mère infanticide, petite ritournelle enchanteresse dissimulant le cantique de l'Enfer.

note       Publiée le samedi 30 juin 2012

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    Réécoutée en boucle ces derniers jours, sa version de "An hini a garan" est quand même sublime, y a pas d'autre mot.