Pagan Altar › Lords of hypocrisy

Comme je vous l'expliquais dans ma précédente chronique, Pagan Altar a connu l'étrange destin (à l'instar de Lucifer Was, par exemple) de voir sa carrière décoller près de vingt ans après leur split. Certes, de leur vivant, les Anglais n'avaient produit qu'une seule démo mais ils avaient également écrit un bon paquet de chansons, c'est donc tout naturellement qu'ils tenteront de les dépoussiérer lors de leur reformation en 1998. Paradoxalement, à l'époque, leur son n'intéressait pas grand monde en pleine naissance de la NWOBHM et aujourd'hui, il sonnerait clairement daté...Enfin, pas tant que ça car la demande pour ce genre de feeling old school est en plein boom, donc ces titres écrits entre 1982 et 1984, capturés en studio une première fois mais abandonnés face à l'insatisfaction des musiciens quant au résultat et complètement ré-enregistrés en 2004 s'intègrent à merveille dans ce renouveau doom incarné par Jex Thoth ou Blood Ceremony. Remarquez, la production n'a rien de contemporain et quiconque aurait acheté le disque en 1984 n'y aurait vu que du feu et c'est exactement ce qui fait le charme de Pagan Altar. Le parallèle avec Black Sabbath est inévitable, notamment en raison des similitudes de timbre entre Terry Jones et Ozzy Osbourne (moins nasillard), mais également quant aux riffs inspirés distillés par Alan Jones. Là s'arrêtent les comparaisons car les membres de Pagan Altar ont toujours vécu leur rapport à l'occulte et au paganisme de manière plus étroite et sincère que Tommy Iommi et sa bande qui l'utilisaient principalement comme un gimmick. En résulte une musique moins sombre mais plus atmosphérique et mystique dans ses climats comme sur 'Armageddon' qui puise volontiers son inspiration dans les chapitres les plus obscurs du rock progressif, voire du folk. Les références à Jethro Tull ou Atomic Rooster sont d'ailleurs presque obligatoires également mais dans un emballage plus noir. On notera aussi le rôle du clavier accentuant l'impression de mélancolie de 'Interlude' ou ouvrant de manière quasi religieuse 'The lords of hypocrisy', pareil pour les quelques chœurs féminins additionnels, renforts précieux pour l'atmosphère de sorcellerie recherchée. Bien qu'il puisse paraître étrange de noter aujourd'hui un disque supposé sortir en 1984, je dirais que voilà une œuvre fichtrement inspirée et profonde. Elle s'inscrit clairement dans la vieille tradition doom occulte mais impossible de la restreindre à la simple étiquette de metal, on parlera plutôt de hard rock mâtiné de folk, tout spécialement dans la seconde partie (les plus méprisants parleront de hippies sataniques). Pagan Altar a eu l'intelligence de rester fidèle à sa ligne spirituelle pour travailler les compositions comme planifié à l'origine, évitant ainsi de singer une évolution dans laquelle ils ne s'inscrivent clairement pas. Cette authenticité sous-estimée à l'époque est aujourd'hui, paradoxalement peut-être, leur meilleur atout.