Poison Heidi › Something survives

Cet été, lors d'un festival suisse réputé (Avenches pour ne pas le nommer), les musiciens de Poison Heidi partageront la scène avec leur idole Alice Cooper. Aucun hasard là-dedans ; il suffit de jeter une oreille sur ce premier album pour comprendre pourquoi à peine trois ans de carrière et un paquet de concerts les auront conduits là. Poison Heidi est un groupe qui en veut et qui en aura parce qu'ils ont dès le départ fait montre d'une vraie envie de professionnalisme (concerts en Suisse et à l'étranger, enregistrements pro, passages à la radio, tournage d'un clip et j'en passe...). Bien entendu, sans talent, tout cela serait bien vain mais coup de bol, du talent, ces gens-là en ont à revendre. S'ils s'inspirent de la grande tradition shock rock (Alice Cooper, Kiss, Twisted Sisters...), ils ont eu le culot de la tourner à leur sauce histoire de se créer un univers théâtral, macabre, mais également immensément drôle par moment pour qui sait rire noir plus que jaune. Confirmant pleinement le potentiel du premier EP, le combo enfonce brillamment le clou dès les premières notes sombres de l'intro. Auriez-vous imaginé qu'au coeur du Pays de la Vache Milka se tapissait une force obscure, une pulsion morbide, laissant sur son passage des cadavres de bovins, des rivières polluées ? C'est pourtant le cas, de quoi flanquer la frousse aux touristes japonais...'Something survives' pose le cadre d'emblée, un bon hard rock mâtiné de miettes glam aux ambiances électriques et soignées, impression que confirmeront 'Love leaves scar' et 'Rotten to the bone' (la chanson ayant fait l'objet d'un clip). Très efficace mais comme lors de l'écoute du EP, je me trouve souvent happé par des compositions à l'écriture moins 'classique', dans le cas présent, c'est 'Psychiatric hospital' à l'introduction magistrale sur fond de roulements tribaux et subtile mélodie de guitare grattée comme on effleure les cordes d'un violon avant d'éclater dans un titre aux ambiances évoquant le spectre du grand Alice. Son aura baigne également fortement 'Chainsaw lullaby' (y compris dans le chant) mais rien de péjoratif dans cette observation ; elles ne sont pas si nombreuses les formations capables de rivaliser avec les musiques du maître et à ce jeu-là, les Poison Heidi sont des premiers de classe (le tout en autoproduction, il faut le signaler). Comme un espace de mélancolie dans cette noirceur, voici 'Clara', une pièce que j'apprécie beaucoup, de par son ambiance triste et émouvante tout d'abord mais également car elle permet au chanteur Fabio de dévoiler une facette plus douce de son timbre de manière très convaincante. Fin de la pause, avec 'Mushroom baby' l'électricité reprend le contrôle et ne le lâchera plus, pour notre plus grand bonheur. 'Something survives' bénéficie d'une bonne production rendant pleinement justice aux diverses parties, notamment dans les détails (le jeu de charleston plutôt bien mené, la basse sur certains passages, les petites voix lointaines lugubres au début et à la fin du cd) mais aussi dans l'énergie et la mélodie des riffs principaux. Voilà qui sent la chronique de fan à plein nez, pas vrai ? Mais j'avoue, en toute objectivité, avoir du mal à l'éviter...