Gavin Friday › Catholic

'Catholic' marque d'emblée par son visuel trouble, fort, chargé de symbolisme : Gavin Friday, les traits vieillis, gisant mort en uniforme et drapé dans le drapeau irlandais, un crucifix sur la poitrine...Qu'en déduire, notre homme n'ayant jamais été spécialement porté sur la religion ? Oui, mais il y a eu la mort du père, le sentiment de deuil, de perte...Pourtant de l'aveu même de l'artiste, ce disque n'est pas funèbre, introspectif, crépusculaire certes, mais porté vers l'avenir, le futur, l'amour. Il n'est pas politisé pour autant bien que l'image soit un détournement d'un tableau de Sir John Lavery, 'Love of Ireland', représentant Michael Collins, héros de l'indépendance irlandaise, gisant dans la même pose. Gavin reste sybillin quant aux motivations réelles de cette réappropriation iconographique, mentionnant tout au plus qu'il gardait à l'esprit la chute de la 'nouvelle Irlande' (le Celtic Tiger, victime du succès puis de la fin de son boom économique ?). D'ailleurs, une autre image du livret le représente vêtu du même uniforme mais portant chaussure de femme aux côtés d'un chien dans un esprit qui n'est pas sans évoquer une forme moderne du David Bowie de 'Diamond dogs'. Ironie ? Dichotomie ? Quoiqu'il en soit, 'Catholic' est un album pop assez doux, un peu triste (Gavin Friday parle d'une 'messe de velours') au cours duquel le chanteur laisse peu à peu la lumière gagner sa place. La perte, oui, mais comme il le chantait avec les mots de Bob Dylan sur sa première galette, 'Death is not the end'. Mûr de son expérience, c'est au travers de sa propre plume qu'il peut désormais affirmer : 'It's all ahead of you, if you want it to, It's all behind you if you can let it go' ('It's all ahead of you') ou encore 'The best is yet to come' ('Epilogue'). Lui qui a fêté ses cinquante ans garde confiance en la vie et s'il n'a pas perdu un certain goût de la provocation artistique, c'est en homme posé qu'il empoigne le micro. Crooner nocturne, il se met à nu, sans éclat, jouant des tessitures chaudes et sensuelles de sa voix, murmurant, posant le chant comme un souffle, jouant parfois sur un registre plus aigu proche de celui de son pote Bono (le mimétisme est parfois confondant ainsi sur 'A song that hurts') mais toujours dans une volonté de douceur comme pour ne pas menacer les architectures délicates des orchestrations dans lesquelles se côtoient cordes, nappes mélancoliques, rythmiques mid-tempo. En dehors du curieux 'Where'd ya go ? Gone', léger éclat bluesy décalé, 'Catholic' baigne d'accords nocturnes avec pour point d'orgue le superbe 'Lord, I'm coming', conclusion logique d'un bel album, néanmoins un peu trop calme, homogène et ennuyeux pour passionner entièrement. Je conseille néanmoins de l'écouter comme un tout pour mieux en saisir les nuances. 3,5/6