Vingt ans après la crise des missiles de Cuba, sept ans après qu'un certain groupe allemand ait fait hocher les têtes au rythme de la radioactivité, voilà que revient le spectre de la peur nucléaire, ressuscité par le bien-nommé Force De Frappe. Entité éphémère s'il en est, cette formation ne produisit en tout et pour tout que deux singles avant de disparaître. Son unique membre aujourd'hui semble-t-il injoignable, Serge Lafosse, alias Serge Ramses, auteur du bizarre «Secret» (1978), préféra alors jeter l'éponge devant tant d'indifférence affichée envers son projet. On le retrouvera néanmoins quelques années plus tard au sein de la formation Atom Cristal, là aussi fort confidentielle. Mais revenons à FDF, projet que je trouve pour ma part extrêmement intéressant, et dont j'ai du mal à comprendre pourquoi il n'eut pas à l'époque le succès escompté, bon nombre de qualités étant au rendez-vous : centrée autour d'un pessimisme géostratégique et sociétal, la démarche de Lafosse évite soigneusement les pièges inhérents à ce genre de posture (paranoïa datée, grandiloquence patriotique, surjeu manichéen) pour adopter une position bien plus légère, où le pathos se voit damé le pion par une ironie des plus divertissantes. Lafosse, par sa synth pop mélodique et par son texte impeccable d'efficacité («tu verras, tu verras, tu pourras bientôt danser au rythme des neutrons»), raille avant tout un système politique (Charles Hernu se bat à l'époque pour le maintien de la force de dissuasion nucléaire, on le surnomme alors «Hernucléaire»...), médiatique, industriel et militaire, mais avec un sens inné de la dérision. Vraisemblablement affligé de la passivité des foules, il préfère en rire, quitte à s'approcher un peu trop près du naïf et du kitsch ; le disque est tout de même référencé sur Bide Et Musique... signe d'un positionnement encore de nos jours ambigu, la faute certainement au formalisme si léger d'apparence qu'on n'y décèle au premier abord pas toute la subtilité sous-jacente. Ca reste néanmoins pour moi un petit joyau de synth pop comme on n'en fait plus ; un anti-Laibach post-kraftwerkien que je recommande donc.