Si New York était une savane et le Wu-Tang et ses albums affiliés les gros matous à crinière règnant sur les terres désolées, Onyx seraient probablement les hyènes. Vous vous souvenez probablement de ce qui arrive à Scar à la fin du Roi Lion, mais saviez-vous que les mâchoires de ces charmantes bêtes, habilement conçues par Dame Nature pour broyer les os les plus résistants des carcasses d'herbivores desséchées au soleil, sont capables d'exercer une pression de 3 tonnes au centimètre carré ? (à titre de comparaison, un rottweiler à la constitution exceptionnelle arriverait à peine à 200 kilos/cm²). Seuls les restes des cadavres sont laissés à ces veules charognardes, mais elles se jetteront toujours dessus avec une voracité aveugle pour les nettoyer de toute leur viande... car s'il y a bien quelque chose de vorace chez Onyx, ce sont ces flows complètement over-the-top, qui donnent à ce Bacdafucup des airs de racket audio. Jam Master Jay de Run DMC a eu le nez fin en lançant ce quatuor de jeunes sauvageons et en s'attelant aux productions. Si les instrus très crues concoctées par le daron manquent un peu de relief et de caractère en comparaison à ce qui se trouve chez la concurrence, les beats à la caisse claire et le dripping de trompette/sax suffisent à soutenir les MC's teigneux d'Onyx (surtout l'innénarrable Sticky Fingaz), qui rivalisent tellement d'excès et d'agressivité qu'on en retient une partie d'autotamponneuses flowistique, à la fois clownesque et macabre, émaillée de refrains souvents répétés ad nauseam en intro des titres, fondant littéralement sur l'auditeur sans retenue comme si ces racailles chauves en survêt d'enterrement allaient sortir des enceintes et nous gnaquer un morceau de joue. Certes, la pochette straight-outta-comptonesque, un peu dans le même style "t'as pas une clope" que celle du premier Gravediggaz, donne à première vue plutôt l'impression de se faire invectiver par des sosies ratés de LL Cool J qui voudraient se la jouer serial killers du ghetto. Mais y a aussi une godasse sur cette pochette... et sa semelle vise apparemment notre tronche. Alors oui, faut être d'humeur pour s'envoyer cet album (quand on l'est pas, le côté choral et gueulard fait mal au crâne) mais Bacdafukup déborde d'une énergie grisante, complètement débridée, couplée à des trips morbides et surtout incroyablement débiles de violence gratuite directement héritée des Geto Boys, qui en font l'une des incarnations les plus ravagées du hip-hop. Le suivant, dont le groupe réduit au trio gèrera lui-même la production, donnera davantage de poids à cette énergie juvénile et grimaçante, en la dégraissant de son humour et en la plongeant dans un décor plus cinématographique et profond, avec une ambiance à couper au couteau. Mais si vous préférez le shooter au long drink, votre bartender de serviteur ne vous en fera évidemment pas grief.