Keith Murray › The Most Beautifullest Thing In This World

"COWABUNGA !!!" C'est par ce cri définitif que débute "Sychosymatic" et son jouissif sample vocal des O'Jays. Et là t'as forcément la banane. Keith Murray a fait partie du supergroupe Def Squad, formé avec son mentor Erick Sermon et son pote Redman, mais la seule fois où il est vraiment sorti de l'ombre c'est en 1994. Sur ce premier solo il n'est qu'un jeune MC fougueux venant de faire ses armes en battles, paré d'un flow de canaille, bien sec et réactif et d'un charisme à la Raphael (pas le brêlon variétoche, mais ma Tortue Ninja favorite), entre vapeurs urbaines, nervosité contrôlée et coolitude contrariée, et des egotrips rakimiens sans génie mais avec quelques moments notables. Rien de transcendant, mais on s'attache illico à ce flow simple et racé (comme le rappeur, qui est un des très rares à avoir conservé son vrai nom pour se vendre), à ces basses dodues et à ces prods bien noires et pimentées de samples soul difformes, le plus souvent dans la veine EPMD puisque c'est Sermon qui fait le gros de la tambouille (donc en résumé expéditif : du son qui claque), parfois - et c'est guère plus surprenant - dans le style des premiers solos Redman, en moins funky et cramé. On se paye tout de même quelques suées dans le dos, lorsque la pochette donne enfin son équivalent au travers des instrus, lorsque la Lune montre furtivement sa face blafarde à travers les nuages épais pour baigner d'une lueur iréelle les survêts Adidas des protagonistes canaillous : par exemple "Straight Loonie" co-torché par Busta Rhymes, sur une instru minimale extratrerrestre captée dans un silo nucléaire genre Half-Life avec en background les cris de Joey Starr dont on arracherait les ongles à vif. Ou encore "Take It to the Streetz", assez proche des pilules phosphorescentes du Jeru sorti la même année. Petites tueries, ça va sans dire. On suit le gamin Keith tout du long sans relâcher l'attention, dans une nuit au parfum de buddy movie tordu avec un scénar' tissé de plans culs hypothétiques et de berlines fauchées aux banquettes déchiquetées. Disque sympathique, mais album mineur ? Tout juste oui : vous pourrez passer à côté de The Most Beautifullest Thing In This World sans regrets si vous considérez comme certaines cochenilles que j'ai pu croiser sous nos augustes pages que le hip-hop est une affaire de "classiques" établis et indiscutables... mais vous vous priverez d'un foutu bon petit sidekick de '94, cool et halluciné, dans un écrin typiquement new-yorkais. Et qui passe nickel dans les égouts en bouffant une pizza.