Indians in Moscow › Indians in Moscow expanded

Il faut bien l'admettre, une certaine tendance au mystère et à l'humour s'est diluée dans la scène dark ; il est moins courant pour les musiciens d'opter pour des noms étranges, carrément loufoques parfois, ne laissant pas forcément augurer du contenu musical dissimulé derrière. Verrait-on un jeune groupe sombre prendre le risque de se baptiser Love and Rockets, Leningrad Sandwich, Pink turns blue, 1000 Mexicans... ? J'en doute. Toujours est-il que passée la porte énigmatique du vocabulaire, de belles surprises récompensent l'auditeur curieux comme je le fus avec Indians in Moscow découverts avec leur chanson éponyme hélas absente de ce premier opus (allez comprendre pourquoi). Ils ne sont pas gothiques mais font partie de cette frange d'artistes catalogués 'new wave' capables de rendre la pop exigeante, tordue, voir dangereuse. D'un point de vue strictement musical, le combo s'inspire d'une vague synthétique et créative nourrie tant par Gary Numan qu'une certaine esthétique cold wave dont ils ont réchauffé les machines et modifié le message de par un humour noir et vicieux (d'ailleurs le regard d'allumée khôlée de la chanteuse sur certaines photos en dit plus long qu'un discours). Si certains gimmicks eighties ne sont pas évités (quelques slaps, des cuivres synthétiques), l'ensemble tient très bien la route et se révèle très divers dans les ambiances, de la mélancolie de 'Meeting place' à la noirceur glacée de 'Witches and heroes', sans oublier des trajectoires plus ambiguës telles que celle de 'Naughty Miranda', très groovy et exotique en apparence mais dont les textes parlent d'une fille assassinant son père avec une description riche de la boucherie en question, notamment lorsqu'elle nourrit ses poissons rouges avec son sang tout en dégustant elle-même des restes de cervelles à la paille, ou encore 'Puppet dance' sorte de transe vicieuse au cours de laquelle Adele Nozedar finit en pleine folie érotique avec cris suggestifs. Cette dernière est d'ailleurs la pièce maîtresse de la musique des Indians in Moscow, capable de mutinerie espiègle comme d'assurance, se retranchant derrière une fraîcheur affectée pour éclater totalement hors de contrôle quelques minutes plus tard, ou nous servant simplement de belles mélodies agréables mais légèrement menaçantes aussi ; on songe en vrac à Strawberry Switchblade ('I wish I had'), Switchbalde Symphony, Kas Product... Ne nions pas l'excellent travail des musiciens non plus, notamment le jeu de basse souvent fretless de Stuart Walton et un usage parfois intéressant du synthé ('Witches and heroes', 'Meeting place', I wish I had', 'Singing to French'...). Quatre ans d'existence et la naissance d'un statut culte annoncé, confirmé lorsque le groupe se séparera après la sortie de cet unique album (avant la reformation en 1998 mais sans Adele, donc sans saveur), la jeune chanteuse s'en allant créer The Fever Tree en compagnie de Rob Dean (Japan) et Alie Mc Mordie (Stiff little fingers). Seule question, pourquoi n'avoir pas inclus en bonus le génial titre 'Indians in Moscow' au lieu de versions allongées inutiles ?