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The Fall › Hex Enduction Hour

cd • 11 titres • 60:06 min

  • 1The Classical5:16
  • 2Jawbone And The Air-Rifle3:43
  • 3Hip Priest7:48
  • 4Fortress/Deer Park6:41
  • 5Mere Pseud Mag. Ed.2:49
  • 6Winter4:31
  • 7Winter #24:33
  • 8Just Step S’Ways3:24
  • 9Who Makes The Nazis ?4:30
  • 10Iceland6:42
  • 11And This Day10:19

informations

Enregistré au Regal Cinema, Hitchin (3/4) et Hijorite, Reykjavik (1/4) par Tony J. Sutcliffe, en août 1981. Produit par Richard Mazda et Mark E. Smith.

line up

Karl Burns (batterie, voix, bandes), Kay Caroll (voix, percussion), Paul Hanley (batterie, percussion), Steve Hanley (basse, voix), Marc Riley (orgue électrique, guitare, piano électrique), Craig Scanlon (guitare, voix, piano), Mark E. Smith (voix, bandes, guitare)

chronique

"Où sont les Nègres de service ?". A trente secondes de l’envoi, Mark E. Smith balance la question. En gueulant, comme de juste. Where are the Obligatory Niggers ! On raconte que cette phrase…

Mais minute ! Il se passe autre chose. Dans la musique, j’entends. Pas tout à fait les mêmes répétitions, la même obsession, la même façon de boucler. C’est indéniablement The Fall : il y a ce timbre qui ne trompe pas, ce sens de l’obstiné qui n’appartient qu’à eux... C’est pourtant évident : le rythme part d’ailleurs. On dirait bien une espèce de groove. Pas celui, seulement – très habituel chez eux mais chez eux seuls – qui tient du trébuchement, de l’erreur faite motif à force d’être rejouée ; à l’identique, en litanie. Non, pas vraiment, cette fois. On dirait même que le son s’aère, que les cymbales planent au dessus du battement. Il y a même des passages à la charley qui feraient penser, presque, à... Du jazz ! Bien sur, c'est entendu, dans ses arcanes électriques, du côté du Miles le plus allumé, pas dans un supposé classicisme de genre. Et puis j'ai bien dit presque. Au fait... Maintenant il y en a deux, de batteurs. Ensemble. Karl Burns, revenu parmi eux, réintégré dans l'effectif. Et Paul Hanley qui reste, pour l’instant – et pour quelques années encore. Deux batteurs… Comme le Grateful Dead ? Soyons sérieux ! The Fall n’en est pas là – aux improvisations de hippies sous psychotropes et gélatines fluo ; aux influx de modes altérés et ragas d’une Inde Lointaine. Vraiment ?

Vraiment. Pas la même défonce, de la Californie aux heures d’encens à la bruine froide de Manchester, en cette année quatre vingt deux. Toujours est-il que – comme disait Jerry Garcia, le leader desdits Dead, un jour de diffusion télé hautement improbable puisque la scène prenait place dans le studio/garçonnière de Hugh Hefner, l’homme qui avait créé Playboy – les deux cogneurs, ici aussi, se poursuivent sans trêve, tentent de s’annihiler. Le serpent qui se la chasse. Placez-vous au milieu, ils inscriront leurs orbites infinies sur les parois latérales de vos têtes… Il y a des percussions, aussi, frappées peut-être sans baguettes, des paumes et des doigts ; dont les timbres arrondissent quelque peu l’inépuisable empreinte rythmique. De vraies accélérations et des ralentissements – alors qu’auparavant, c’étaient toujours des ruptures : lenteur/cassure/cavalcade/brisure/lourdeur…

La voix de Smith, par moments, semble noyée dans le son. L’orgue et les guitares, sur le ressassements des parties longuement redites – interminablement, toujours – se piquent parfois de développer des lignes, de les tisser, de les nouer, d’emmêler les textures pas du tout au hasard. De fait la musique de The Fall, qui a toujours visé un certain état de transe, gagne à ces plages une véritable qualité d’hypnose. C’est à ce moment qu’on réalise combien le groupe – et Smith en premier – ne se cantonne pas à l’horizon étroit de la contre-culture locale. En fait de psychédélisme, c’est bel et bien au rock allemand de la décennie précédente que renvoient ces plages, écoutées de la bonne oreille ! Pas celui qui copiait l’Amérique ou l’Angleterre ; celui qui inventait, essayait, découvrait avant ceux-là les vertus intoxicantes des rythmes joués en cycles aux mesures innombrables. Smith le confirmera plus tard de sa propre plume ; une chanson, sur This Nation’s Saving Grace (en 1985), s’appellera I Am Damo Suzuki – du nom du deuxième chanteur du groupe Can. Et Iceland, ici, c’est carrément du Neu! – autre groupe de Düsseldorf porté sur les rythmiques en abymes – mais qui se serait gavé d’amphétamines à la place des acides. Islande, d’ailleurs – plus au nord, donc, encore – où le groupe, en tournée par là-bas, enregistrait alors une partie de cet album.

Et puisqu’on en est aux rencontres improbables… Il se raconte qu’une fois paru le présent disque, le célèbre label Motown, de Detroit – oui, l’institution de la pop noire, qui, s’adaptant à son époque venait alors de fabriquer l’entité, le Superproduit Michael Jackson – s’était mis en tête de faire signer Smith et The Fall, de les distribuer bien plus loin que leur île. Mais… Un instant ! Where are the Obligatory Niggers ! Fantasme ou blague lancée par de mauvais plaisantins – ou occasion réelle, qui sait – la rumeur ne s’est jamais confirmée. Officiellement, la firme américaine aurait expédié les Anglais d’un "potentiel commercial nul". Officieusement – "Où sont les Nègres de services ?" – c’est cette phrase qui aurait grippé la machine. Et puis plus loin : "Qui joue les Nazis ?". Mais The Fall, Smith, ne sont pas racistes. C’est Motown, pas l’ouvrier anglais, qui prolongeait cette tradition de folklores séparés – star-system parallèle où les races s’observaient, s’admiraient en artistes sans jamais se toucher. C’est cette culture tiède – celle-là même qu’ils vomissaient à longueurs de chansons, de concerts, d’interview, Mark E. et les autres – cette classe moyenne médiocre et satisfaite qui méprisait vraiment les Noirs en les nommant ‘gens de couleurs’. "Où sont les Nègres de Services ?".

Il y a des accalmies, certes, sur ce disque. Plus que jamais avant, comme rarement plus tard. Mais Smith y éreinte toujours les punks à temps partiel, les artistes à la manque, les idoles à face molle. Winter est en deux parties – sur la version vinyle, il faut retourner le disque – parce que, aussi, l’hiver ne finit jamais vraiment. Et que sa deuxième phase vous prendra par surprise. Et puis la plage finale – And This Day – est un retour aux secousses familières, aux bousculades auxquelles, se rend-on compte, on avait bel et bien pris goût. Seul ce drôle d’orgue – presque soul dans son énoncé – nous rappelle qu’on n'écoute pas là Grotesque ou Witch Trials. Et pour la première fois, peut-être, l’ensemble prend moins immédiatement. Mais c’est The Fall, bon dieu ! Vous vous attendiez à trouver le confort ? The Fall qui tape où bon lui semble. Qui n’en est pas du tout, en ce début de décennie, à voir le bout de ses insistances – pour ce qui est de Mark E. Smith, ça n’est toujours pas le cas quelques trente ans passés plus tard. Il restait bien des disques. Et bien des genres à saborder.

And this day : dix dix-neuf au compteur. "Everywhere : Just no fucking respite for us". Partout, pour nous : pas le moindre putain de répit.

note       Publiée le mardi 7 février 2012

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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"Winter" pile (le correcteur auto me propose PIL, trop, méta, dis) au moment où la neige recommence à tenir, à vue de fenêtre, bah c'est parfait.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Plaisir d'offrir, joie de recevoir (des mandales kraut-postpunk dans les dents...).

Cera Envoyez un message privé àCera

je reste toujours partagé la dessus. le génial avec ses rythmes sournois(the classical, winter par exemple) cotoie le chiant & fade (jawbone, fortress entre autre). du coup, j'y reviens pas très souvent, alors qu'il y a clairement une touche unique qui vaut le détour.

Note donnée au disque :       
Seijitsu Envoyez un message privé àSeijitsu

@Dio: d'ailleurs il semblerait que le Markou apparait sur un single des Inspiral Carpets: I Want You.

dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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Totalement d'accord avec la première description de Seijitsu. Et pour les Happy Mondays.