Masochistic Religion › The Litanies of Satan

Si tu ne crois pas en Dieu, qui imploreras-tu lorsque l'adversité s'abattra sur ta tête ? Celui qui comme toi a goûté à l'amertume salée de la défaite, la chute ? Celui qui, tel le serpent a léché la poussière, Satan, l'ange de lumière ? Après deux 'albums-exorcisme' qui l'ont progressivement vu courber l'échine face aux démons assaillant son âme, Mitchell Krol semble avoir accepté sa défaite et en toute humilité supplie le Prince de ce Monde comme Baudelaire plus d'un siècle auparavant. Moins rituel et pesant que ses prédécesseurs, 'Litanies of Satan' se présente comme une oeuvre religieuse tant dans le fond que la forme, à commencer par le morceau éponyme empruntant ses codes au chant grégorien. Il n'en demeure pas moins très noir, joyau de romantisme obscur où une valse moribonde ('le magnifique 'Joyful death') cède le pas aux longues nappes glauques, trames des récitations menaçantes d'un Mitchell Krol ayant endossé les habits du prêtre/poète, aux accords funèbres d'un piano perdu parmi les lambeaux de guitare à l'agonie et autres percussions égarées, où seules quelques vocaux féminins laissent encore croire à une éventuelle présence angélique en ces lieux maudits et désertés de la grâce d'un Dieu renié...Illusion, même Eve a pris les traits de Lilith...Quelle atmosphère, rien à dire, tout ici n'est qu'obscurité et froideur, pas un son chaleureux auquel s'accrocher, juste un désert balayé des rayons d'un soleil mort...Seulement voilà, plus d'un s'est cassé les dents sur la poésie de Baudelaire et si Mitchell Krol s'en sort de manière plus qu'honorable grâce à la sincérité et l'intensité de sa démarche, le coup de l'élève crapaud qui récite sur fond de nappes pesantes et mystiques atteint ses limites à un moment donné. Récité plus que chanté, certes cohérent mais finalement peu varié dans ses climats, 'Litanies of Satan' est trop long. Si la magie opère sans faiblesse jusqu'à 'Metamorphoses of a vampire' et ses orgues, glacis de violon et cymbales éparses, les choses se gâtent un brin par la suite, non que les chansons soient moins bonnes, les orchestrations dépouillées et glacées moins soignées, juste que les récitations caverneuses finissent par lasser un brin, que l'on aurait bien besoin d'un élément tranchant dans ce brouillard figé que même le chant féminin ('Beauty') perce à peine. On souhaiterait presque que les quatre dernières pièces aient été l'objet d'un maxi à part afin de pouvoir les goûter pleinement (notamment le bon 'The vampire', plus proche de l'ambiance des deux autres disques). Dommage car il n'y franchement rien à jeter qualitativement mais inutile de nier que 'Litanies of Satan' reste mal équilibré sur la longueur, que l'on aurait espéré plus de chant masculin et de rebondissements au travers de cette noire supplique. Entre 3,5 et 4 selon les jours...