Deine Lakaien › Indicator

Pas de temps à perdre en nostalgie futile ; après avoir dûment et magnifiquement célébré leurs vingt années d'existence en compagnie de l'Orchestre Philharmonique de Francfort, Deine Lakaien se projettent à nouveau dans le futur en sortant un nouvel album. Prétendre être surpris serait mentir, les habitudes de composition, les schémas sonores sont maintenant connus mais cela ne signifie nullement que le duo se repose sur ses lauriers. La qualité d'interprétation, le soin apporté à la production, aux arrangements, font eux-aussi partie des habitudes et 'Indicator' ne fait pas exception. Voilà un disque épuré, peut-être plus posé que ses prédécesseurs, équilibré à nouveau entre la part dévolue aux machines et celle, complémentaire, de l'acoustique, technique qui a affirmé l'identité du duo ces dernières années. Dépouillé musicalement, il n'en recèle pas moins de magnifiques lignes et témoigne une fois encore de la parfaite complicité (on peut quasiment parler de fusion) entre le chant de Veljanov (magistral comme à son habitude) et les sonorités de Ernst Horn. Oui, 'One night', ballade triste et intimiste, sonne entendue mais la beauté prend vite le dessus et on se laisse séduire à nouveau et bien des morceaux du disque agiront de même. Les thèmes explorés par nos deux Allemands évoluent toujours autour des rapports humains, de l'amour, de la paix, exprimés tantôt à la limite de la naïveté ('Un rêve pour tous, Europe, c'est nous, les Noirs, les Blancs, les jeunes, les vieux, les grands, petits, forts ou malades, un grand asile pour tous les hommes') tantôt avec une ironie mordante ('The old man is dead') mais surtout avec sincérité, une conviction intacte ('I put my hands up over my head because I don't want to kill') et moins de colère que par le passé. L'ambiance est plus au bilan, la réflexion, les affirmations, d'où cette impression plus retenue baignant 'Indicator', non que les chansons rythmées soient absentes ('Immigrant') mais elles frappent avec moins de fulgurance. Le groupe ose l'espoir et l'apaisement sans parvenir à se départir d'une forme de tristesse et de gravité qui reste après tout sa marque de fabrique. On notera le travail des cordes, la recherche constante en matière rythmique ; à l'instar de Depeche Mode, Deine Lakaien refuse toute facilité, ce qui se traduit par quelques belles pièces ('One night', 'Immigrant', un 'Six o'clock' plus revendicatif, 'On your stage again' ou le final au piano 'The old man is dead') justifiant pleinement la confiance accordée au groupe album après album. A noter que l'édition limitée propose un second cd incluant des versions alternatives acoustiques, des inédits (dont le beau 'Alabama') ainsi que deux versions clipées de 'Gone', tout cela servi dans un magnifique digipack illustré de fort belles images. La fougue d'antan n'est plus mais la classe, elle, est plus que jamais confirmée.