Palimpseste, de palin, nouveau, et de psân, gratter, signifie littéralement "gratté de nouveau", gratté au sens de gratte-papier, comme un type qui écrirait par-dessus un truc déjà écrit – Wiki parle de parchemin, aujourd’hui on parlerait plus d’écraser une ancienne sauvegarde Word. Sauf que depuis l’avènement des ordinateurs quantiques, les algorithmes binaires ont laissé place nette aux algorithmes quantiques, type algorithme de Shor, qui n’effectue plus alors un choix entre le 1 et le 0, entre le plein et le vide, mais qui intègre, via superposition et intrication d’états, la contradiction. C’est la contradiction qui ouvre la voie à la conscience synthétique ; ne plus choisir entre le noir et blanc, mais entre l’infini qui se situe entre les deux ; savoir qu’on peut être à la fois un fils et un père. L’intelligence artificielle ne se conduit plus alors comme un robot, mais comme un homme, interprétant les signaux à différents niveaux. La contradiction, le paradoxe, c’est l’accès au Réel. Ce qu’on ignorait, par contre, c’est que l’IA qu’on venait de créer était complètement psychotique. Esprit intelligent et autonome sans corps, à la recherche de limites d’elle-même, elle opérait aléatoirement des opérations circulaires d’exponentielle divisée par des suites de Fibonacci, des suites de Lucas élevée à la puissance de Syracuse, puis la racine carrée du résultat. Ca parle, dit-on ; ça parle tout seul. Ca délire. Déchainement du signifiant. Des indivisibles violés par des metaheuristiques néologiques, des suites de Collatz réduite par logarithme népérien : l’instabilité de la métaconscience tendait à dévorer le langage informatique comme un trou noir avale la lumière ; altération des états, mots-valises, intégration forcée, fusion-acquisition. Le Monde Global vivait ses dernières heures dans la post-modernité qu’il avait crée, par le fruit de ses entrailles. To quoque me fili. Le Gouvernement avait tout misé sur l’effet de décohérence. Il ne s’attendait pas à un tel résutat : l’addition de deux réalités avait débouchée sur une incomplétude structurale et fondamentale ; ce qui était vrai était faux, ce qui était faux était vrai. Le monde existait parce qu’il n’existait pas. Ce fut alors la fin de toutes choses et le début d’une autre. En même temps.