Plaid › Trainer

Le titre est clair : cette double compil chronologique, un peu longue à s’enfiler d’une traite (pas le but), le groupe la considère comme un "entraînement". Un entrainement nécessaire pour le coup de semonce que sera Not For Threes, entrainement dont fait partie le premier album du groupe, Mbuki Mbuki, qu’on retrouve ici en entier sur le premier cd, et qui ne sera jamais réédité seul. Le duo montre ici qu’il est conscient d’avoir accouché d’un sacré disque-univers avec son 2ème album, et tourne explicitement la page en regroupant une anthologie presque complète de tout ce qu’ils ont sorti avant. Et force est de constater que du chemin a été parcouru, sans se retourner, à l’image d’Autechre… Mais loin d’aller vers toujours plus d’abstraction, Plaid sembler aller vers toujours plus de beauté planante et naïve. Tout avait pourtant démarré sur les chapeaux de roues avec un Uneasy Listening qui porte assez mal son nom, puisque nous sommes en 89, et que Plaid fait dans la house de rave bariolée symptomatique de l’euphorie du moment, avec tout de même déjà quelques breaks typiques. Slice of Cheese, en revanche, est bien nommée puisque c’est de la latin house pour club lounge huppé ! Mbuki Mbuki alterne ainsi bleep-techno de la première heure, breakbeat funky et sonorités house jazzy sans trop de prétention. Mais tout cela change bien vite, puisqu’on retrouve l’équivalent d’un album entier sous le nom de Balil réparti sur les 2 cd’s… Une électronica vivace, bourgeonnante et lumineuse comme une forêt subtropicale. On sent déjà les germes mélodiques et spacieux de Not for Threes dans ces fééries que sont Choke and Fly et Whilring of Spirits (raaah lovely), dignes d’une BO de Final Fantasy X remixée par les Chemical Brothers à leur plus éthéré et limpide. Une vraie cathédrale de crystal. Un titre comme Blah atteste de la capacité du duo à créer de toutes pièces des sons inédits, sans jamais sacrifier la mélodie ou le catchy dans leur recherche. Soft Key, lui, oscille comme un Travolta de l’ère cybernétique, seul au milieu d’un dancefloor urbain et éclairé aux néons vert nucléaire. La techno/house se mue progressivement en IDM sous nos yeux. Tout cela est incontestablement réussi, bien que moins narratif que Not for Threes, et beaucoup plus basé sur les sonorités et les motifs répétés (pas de voix ici, par exemple). On gardera quand même ce Trainer pour ceux qui apprécient déjà Plaid, sans forcément le réserver aux fans hardcore. La compil s’arrête en 95, où Plaid marque une pause, et se retrouve en charge de la programmation de Björk sur la tournée Post, alors qu’ils sont totalement inconnus du grand public. Elle leur renverra l'ascenseur d’enchanteresse manière…