Bauhaus › Gotham

Ce qu'il y a de bien avec les groupes cultes qui se reforment quinze ans plus tard, c'est que parfois, lorsque nous étions trop jeunes et désargentés pour les voir, occasion nous est ainsi fournie de réparer la chose. Ce qu'il y a de con avec les groupes cultes qui se reforment quinze ans après, c'est que la set-list est connue d'avance et se constituera principalement des grand hits, ce qui n'est pas un mal, loin de là, quand on est dans les rangs du public, mais sonne moins intéressant sur le cd car il y en aura forcément un histoire de marquer (rentabiliser ?) le coup. Bauhaus n'y échapperont pas lorsqu'ils se reformeront en 1998 pour une série de concerts dont les deux soirs au Hammerstein Ballroom de New-York qui servent de contenu à ce beau double digipack. Une chose est certaine (mais ce n'était pas réellement une surprise), nos Anglais ont toujours bien la pêche niveau sonore (je n'ai pas regardé le DVD), Peter Murphy, malgré ses égarement solo (paf, la petite pique) conserve ce timbre inimitable qui charme encore et toujours, Daniel Ash se démène comme un fou tant derrière sa guitare que son saxo ('In fear of fear' magistral), tandis que la rythmique d'une précision métronomique martèle le fond (incroyable Kevin Haskins, tout bonnement royal sur les treize minutes de 'Bela Lugosi's dead' !). Cette incomparable fusion où chacun est une pièce du puzzle sans lequel les autres ne pourraient livrer le meilleur d'eux-mêmes paraît n'avoir pas pris la poussière et l'émotion est même au rendez-vous (le beau 'Hollow Hills', la bonne version de 'She's in parties' avec ses effets dub, 'Passion of lovers', le début de 'Boys' où Daniel Ash semble prendre son pied a ralentir le démarrage...), même si parfois le ton se fait plus pataud sur les reprises ('Telegram Sam', 'Ziggy Stardust'). Peut-être trouvez-vous le ton de cette chronique un brin dénué d'enthousiasme ? Effectivement. Globalement, soyez rassurés, ce disque est plutôt bon mais s'il ne parvient pas à me faire sauter au plafond, c'est que je trouve son intérêt limité malgré tout: huit des chansons se trouvaient déjà sur l'excellent 'Press the eject and give me the tape', les versions de 'Ziggy Stardust' et 'Telegram Sam' sont plutôt plates...Restent 'Silent hedges', 'Spirit' et 'All we ever wanted was everything' plus inattendues, ainsi qu'une giclée de sang frais sous la forme d'une reprise du 'Severance' de Dead Can Dance, également proposée sous forme studio (agréable, d'ailleurs, marquée du travail solo de Peter Murphy dans ce qu'il a d'efficace). Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de mes paroles, 'Gotham' ne trompe pas, tient ses promesses, mais j'avoue avoir un peu de mal avec l'idée même de ces tournées organisées tant d'années après un split qui ne déboucheront sur rien (il faudra attendre encore dix ans pour l'enregistrement de 'Go away white') et cette obligation quasi tacite de l'immortaliser sur cd. C'est très plaisant mais légèrement artificiel (au vu des voies bien différentes empruntées par les musiciens chacun de leur côté), même si le groupe assure à fond comme c'est le cas ici. Serais-je trop pointilleux ou simplement quelqu'un qui aime trouver sur les lives des trucs différents des albums ?