La vie, cette chienne, ne serait-elle qu'un gigantesque abattoir à ciel ouvert, où couinent des milliers de porcs égorgés à la chaîne ? Un club privé où Eros peut venir déglinguer Thanatos en backroom, pendant que des meutes de narcissiques blessés se paluchent frénétiquement sur des articles de tueurs en série ? Les veines tailladées d'un adolescent trop fragile qui ne voulait pas ressembler à papa ? Un coup d'opinel reçu à la va-vite sur le trottoir, sous le regard amusé d'une pute édentée, qui se délecte de te voir t'effondrer telle la cote de la compassion universelle ?... Pour appréhender la société selon Club Moral, mieux vaut ne pas être dépressif : ça pue, ça suinte, et ça mériterait largement d'être fermé pour cause d'insalubrité. Car ce club-là se gausse à mettre en évidence ce que la société compte de plus sordide, de trop humain, l'inavouable bassesse ordinaire s'accumulant lentement mais sûrement sous le tapis de la bonne conscience collective, cette hypocrite que l'on nomme Morale. Le point de vue macabre et ironique du groupe, de la funèbre introduction aux sinistres boucles électroniques de «Jack The Ripper» (du pur Death Squad avant l'heure), n'est pas qu'un simple parti pris esthétique : il vient raviver notre paranoïa, pour d'aucuns légitime, que la mort banalisée peut nous attendre au coin de chaque rue. Ainsi de «Luister & Verga» venant prôner l'autodéfense comme repli vital, face à l'enfer des autres, qui sont autant d'étrangers à abattre. Ce repli, on le devine également derrière l'onanisme synthétique de «6 Phallus / Orgasm», comme misère sexuelle et affective, comme plaisir efficace et sans fioriture, sans nécessité de devoir échanger avec le monde extérieur, bref sans risque de contamination sociale. Club Moral se définit comme un strip tease sans tabou, une dissection de la névrose ordinaire (quand il ne s'agit pas de pathologie), de la violence contenue qui soudain t'explose à la face. C'est ce que nous raconte «Therapist Fears», power electronics de déglingo, décharné jusqu'à l'os, les nerfs à vif. Club Moral convoque finalement à lui seul la paranoïa de TG, l'approche sémiologique de SPK et la débauche sexuelle de Whitehouse. Je ne peux que chaudement recommander cette compilation qui en résume peut-être le meilleur.