Lorsque que l'on parle de rock occulte ou de proto-doom, il est courant de citer Black Sabbath. Dans le cas de Wicked Lady, c'est plutôt Jimi Hendrix qu'il convient de mettre sur le tapis. Une belle nuit de 1968 verra un certain Martin Weaver, Hell's Angels de son état, s'enfuir prestement après avoir fracassé un magasin de musique pour y voler une guitare et un Revox 2-pistes. Deux mois plus tard, il rencontre une sorte d'allumé mystique itinérant rebaptisé 'Mad' Dick Smith qui prétend avoir joué des bongos pour une obscure congrégation de moines dans un non moins obscur monastère écossais, carte de visite suffisante pour permettre à l'individu de se voir promu au rang de batteur. La fine équipe se complètera avec l'arrivée du bassiste Bob Jeffries, Hell's Angels dans le même gang que Martin Weaver. C'est d'ailleurs dans le milieu que le trio va donner ses premiers concerts en abusant copieusement des drogues et du Jack Daniel's. Par un étrange hasard, la réputation de The Wicked Lady gagnera les cercles estudiantins permettant au groupe de donner des concerts dans des universités et des collèges, ce qui n'ira pas sans incidents, le premier d'entre eux étant le tabassage en règle d'un employé de la maison de disques EMI par Martin Weaver qui finira par le balancer nu et assommé dans le public. Si aucune poursuite ne sera engagée, le concert se verra stoppé par la police venue sur les lieux. Lors d'une performance suivante, c'est Dick Smith qui pètera un câble, balançant son kit de batterie parmi les spectateurs, blessant quelques-uns d'entre eux au passage. L'organisateur d'un des gigs d'après se verra contraint de débrancher le matériel, les musiciens persistant à interpréter encore et encore la même chanson...Une interdiction de jouer suivra dans de nombreux endroits. Progressivement, l'instabilité de nos barjots aggravée par l'abus de drogues va miner le groupe. C'est Dick Smith qui va soudain disparaître sans crier gare en 1972 suivi par Bob Jefferies. Resté seul, Martin Weaver rejoindra une autre formation psychedelico-progressive, The Dark. Un vrai miracle qu'il nous reste ces bandes enregistrées à la maison sur le Revox volé. Elles sont le témoin d'une musique âpre, torturée, honnête, complètement barrée aussi. Les amateurs de 'wah wah' et de fuzz seront aux anges, le trio privilégiant les parties instrumentales. Les compositions sont en effet très longues, entre cinq et onze minutes en général, et axées sur la guitare. Les ouvertures sont plus classiques avec un thème, un peu de chant, puis le reste s'articule sur des explorations de riffs et de parties de manche relativement simples pourtant, sans débauche technique superflue, la rythmique assurant l'arrière-plan, avec retour de la voix vers la fin, type de schéma qui deviendra assez classique dans certaines formations progressives au cours des 70's. La guitare est donc l'instrument-roi mais au travers des multiples variations obtenues par les effets, la technique restant primaire, un peu à l'instar de Blue Cheer, faiblesse compensée par l'audace, l'ambiance lo-fi et sombre, plaçant cet unique album parmi les clefs de voûte du stoner et du proto-doom. Conclusion ? Je cite: 'Dans l'esprit des Wicked Lady, nous vous demandons de régler vos amplis au maximum, de prendre des substances illicites et de vous relaxer dans un fauteuil'...C'est noté. 4,5/6