Attention : album culte. Shpongle est pour beaucoup le groupe-étendard de tout un style : le psybient, sorte de version étirée et encore plus dowtempo du trance-dub de The Orb. Un style qui consiste, pour faire simple, à recréer le son d’Ozric Tentacles, des premiers Porcupine Tree et de Pink Floyd période Meddle avec des instruments électroniques. A première vue, rien d’aussi atemporel que les originaux ne risque de sortir d’une telle démarche. Et en effet, Are you Shpongled est un album daté, aux effets souvent kitsch, au point de lui donner aujourd’hui un côté involontairement (ou volontairement ? …) drôle. C’est que Simon Posford (alias Hallucinogen) et le flûtiste Raja Ram, un vieux routard à la Daevid Allen (haut en couleur et australien), en bons gobeurs acharnés de substances, ne lésinent devant aucun excès : voix de gnomes, torsions improbables, rythmes capitonnés, croassement cybernétiques… Sans oublier la flûte qui parcourt gracilement ces longs développements downtempo qui n’ont pas vraiment de but – en ont-ils seulement besoin ? Shpongle s’écoute en chill-out, c'est-à-dire en fond, pour décompresser, sans nécessiter une concentration totale. Le livret est truffé de dessins psychés typiques de l’époque, accompagné d’un discours qui rappelle à quel point l’esthétique new age du milieu des années 90 a mal vieilli… Il y est question de Feng-Shui, de vortex, de "phrenological escapology" et autres billevesées pour adolescentes en mal d’évasion. C’est cette datation si évidente qui joue des tours à cet album, pourtant très plaisant, ainsi que son évident complexe vis-à-vis des groupes de "prog-psychédélique" comme Koraï Orom, voire Jimi Hendrix, figure tutélaire de toute cette descendance (le titre est un hommage plus que dévoué à son ‘Are you experienced ?). Pourtant, si on l’envisage comme un long massage sonore de mise en bouche avant l’immense tuerie psyché Divine Moments of Truth (qui est à la DMT ce que Lucy in the Sky with Diamonds était au LSD…) et son chant vocodé hilarant et très roswellien, il faut bien reconnaître que cette galette fonctionne à plein tube, et qu’il se passe vraiment quelque chose quand le shaman nous fait atteindre la transe avec son tambourin en plastique mauve et son sarouel Exopotamie. D’où cette note, qui aurait du être plus basse. Dommage qu’ils aient tenu à bourrer le cd avec l’interminable dernier morceau, illustration cheap d’une éclipse vue en Inde par Raja Ram.